Le MWC 2020 de Barcelone devait être le point d’orgue de la 5G, mais il n’aura finalement pas lieu. Des représentants de la ville, de la région et du gouvernement ont bien tenté d’affirmer que les voyants étaient au vert, mais la GSMA a décidé de jeter l’éponge. Maintenant la question est de savoir qui va payer la facture.
Face aux annulations à répétition, la situation devenait difficilement tenable pour la GSM Association (GSMA). Chaque jour, de nouveaux grands noms du numérique et autres équipementiers annonçaient qu'ils ne seraient pas ou peu présents.
Le MWC 2020 prenait le risque de voir ses allées et stands en grande partie vides, sans parler de la présence médiatique forcément réduite, qui se serait concentrée sur ces absences plutôt que du rayonnement mondial du secteur des télécoms et de la 5G depuis Barcelone. Il fallait donc prendre une décision, aucune ne pouvant satisfaire tout le monde.
Pendant toute la journée d'hier les informations contradictoires se sont multipliées, même après la tenue de la réunion exceptionnelle devant entériner la décision finale, qui avait été avancée de deux jours. Il faut dire que le salon devait ouvrir ses portes dans moins de deux semaines, le 24 février prochain.
Mais désormais, c'est officiel : le MWC 2020 est annulé. Une annonce qui aura d’importantes répercussions financières pour tout l'écosystème mais aussi pour Barcelone et ses commerces. De quoi faire trembler, aussi, tous les autres organisateurs de salons internationaux (ainsi que leurs assurances) devant se tenir dans les semaines à venir... et ils sont nombreux.
Face aux risques du coronavirus, la GSMA jette l’éponge
Dans son communiqué, la GSMA marche sur des œufs pour ménager la susceptibilité de chacun :
« Dans le respect de l'environnement actuellement sûr et sain de Barcelone et du pays hôte, la GSMA a annulé le MWC Barcelona 2020 car la préoccupation mondiale concernant l'épidémie de coronavirus, les problématiques liées aux voyages et à d'autres circonstances l’empêchent d'organiser l'événement. »
Pour simplifier, l'association ne veut donc pas faire « prendre de risque » à Barcelone en y attirant des voyageurs venant des quatre coins de la planète. Selon l’organisateur du MWC, les instances de la ville « respectent et comprennent cette décision »… alors que les officiels tenaient plutôt des propos contraires hier après-midi.
Des annulations en série : Deutsche Telekom, Ericsson, Nokia, Vodafone…
Pour rappel, ce sont LG et ZTE qui ouvraient le bal des annulations en fin de semaine dernière, rapidement suivies par Amazon, Ericsson, NVIDIA et Samsung. En même temps que cette première vague de défection, des mesures de précautions étaient annoncées par la GSMA pour rassurer ses partenaires et les participants.
Il était notamment question d'une interdiction de séjour pour les voyageurs venant d’Hubei – la région où se trouve Wuhan, épicentre de l’épidémie –, une quarantaine et une autocertification de ne pas avoir été en contact avec des personnes infectées. Un point sujet à discussion puisque la transmission du virus pourrait être asymptomatique.
Ces mesures n’ont dans tous les cas pas été suffisantes pour enrayer la machine : dès le début de la semaine, Intel, NTT Docomo, Sony et TCL annonçaient déserter – totalement ou partiellement – le salon catalan. Les raisons étaient toujours les mêmes : la sécurité des employés, des clients et des visiteurs.
Mardi, AT&T, Cisco et Facebook faisaient de même et de premières rumeurs sur l’annulation du salon remontaient à la surface, alors que le Conseil d’administration de la GSMA devait se réunir en urgence mercredi, avec une seconde réunion prévue vendredi. Mais hier, les défections ont continué, notamment avec trois poids lourds du marché de la téléphonie mobile : Deutsche Telekom, Nokia et Vodafone. D'autres se préparaient à annuler selon nos informations.
Mais ils n'auront pas eu l'occasion de le dire, l’annonce de la GSMA étant tombée entre temps.
Une « première » pour le Mobile World Congress
Cette annulation à moins de deux semaines de l’ouverture est a priori inédite depuis la toute première édition du salon en… 1987 à Bruxelles. Il s’appelait alors le Pan-Europe Digital Cellular Radio, avant de devenir le GSM World Congres et de changer régulièrement de villes. En 1996 il se fixait pour 10 ans à Cannes, puis se transformait en 3GSM World Congres.
C'est en 2006 qu'il a migré à Barcelone, devenant le Mobile World Congress en 2008. Il est prévu qu’il reste dans la capitale catalane jusqu’en 2023 au moins, suite à un accord signé en 2016.
La ville en profitait alors pour rappeler qu'en 2015, le salon avait attiré 94 000 personnes de 200 pays et environ 2 000 exposants. Cette même année, le MWC « générait un bénéfice de 436 millions d'euros et fournit du travail à près de 13 000 personnes. Il représentait à lui seul un tiers du chiffre d'affaires du centre de conférences Fira de Barcelona ».
Depuis, le nombre de visiteurs a augmenté pour arriver à 109 000 en 2019, avec 2 400 exposants. Les revenus ne sont pas précisés, mais ils ne doivent pas être anecdotiques.
Qui va régler la note ?
Le journal La Vanguardia rapporte des déclarations d’Enrique Alcántara, président de l’association des appartements touristiques de Barcelone (Apartur) : « Le secteur joue aujourd'hui 14 millions d'euros, soit 4 % du chiffre d'affaires annuel. De nombreuses personnes dépendent du MWC ».
Jordi Mestre, président de l'Hôtel Guild (qui permet de réserver des chambres), ajoute que les hôtels de Barcelone subiraient des annulations de quelque 40 000 chambres. Maintenant que l’annulation est officielle, se pose la question du manque à gagner pour la ville et les entreprises gravitant autour du salon.
Mais aussi pour les sociétés qui avaient loué des stands, qu’elles aient ou non décidé d‘annuler leur présence. Les assurances prendront-elles en charge ces frais colossaux ? Pas sûr car, selon certaines rumeurs, la GSMA attendait que la ville déclare l’état d’urgence pour les faire entrer dans la danse, tout le contraire s'étant déroulé hier.
Pour les officiels, il n’y avait pas de raison d’annuler le MWC
Les officiels ont en effet multiplié les annonces publiques pour affirmer que tout allait bien. Ada Colau, maire de Barcelone, a ainsi précisé mercredi après-midi que la ville était « pleinement préparée » à accueillir le MWC.
Ce, malgré le coronavirus 2019-nCoV. Elle ajoutait que, selon des scientifiques, il n’y aurait aucune raison de déclarer l’état d’urgence, aucun cas d’infection n'ayant été recensé sur la péninsule. Même son de cloche chez Salvador Illa, ministre de la Santé, qui estimait qu'il n'était pas nécessaire de prendre d'autres mesures de protection pour la santé publique.
Alba Vergés, ministre de la santé pour la région catalane, était elle aussi sur la même ligne : si les organisateurs « décident librement de prendre des mesures, nous devons le respecter, mais nous leur avons donné toute l’information des experts sanitaires ». Pas de quoi convaincre la GSMA, qui a tout de même jeté l’éponge.
Après l’annonce de l’annulation, la vice-présidente Carmen Calvo en remettait une couche et affirmait que cette décision n’était pas justifiée « pour des raisons de santé ». Il faudra certainement attendre encore un moment avant que l’ardoise soit précisément établie, tout comme les différentes responsabilités.
Rendez-vous en 2021… ou un peu avant
Quoi qu’il en soit, la GSMA termine sa courte déclaration par un message de soutien à l’intention des personnes touchées par le virus, et donne rendez-vous l’année prochaine : « La GSMA et [Barcelone] continueront de travailler à l'unisson et à se soutenir mutuellement pour le MWC Barcelona 2021, et les éditions futures ».
Car l'association a désormais décliné son salon sur plusieurs continents. Prochain rendez-vous ? Le MWC de Shangaï, devant se tenir du 30 juin au 2 juillet. Autant dire que si la situation perdure, il pourrait aussi faire les frais d'une annulation. Une situation que la GSMA aura sans doute un peu plus l'occasion d'anticiper.
Aux dernières nouvelles, les autres grands salons internationaux de « la tech », comme le Computex et l’E3 sont maintenus, ainsi que d'autres évènements individuels organisés par les fabricants eux-mêmes. Jusqu'à quand ?