Dans la proposition de loi « visant à protéger les victimes de violences conjugales », les députés LREM ont suivi la voix présidentielle. Ils ont prévu une disposition pour sanctionner les sites pornographiques accessibles aux mineurs, du moins ceux affichant un simple « disclamer » avec une déclaration d’âge.
« Le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une protection suffisante pour les mineurs ». Voilà en substance résumé l’article 11 de la proposition déposée par la majorité parlementaire.
Les députés LREM veulent ainsi enrichir l’article 227-24 du Code pénal d’un nouvel alinéa.
Cet article permet à ce jour de sanctionner de 3 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende celui qui fabrique, transporte, diffuse « un message à caractère violent », « incitant au terrorisme », « pornographique » ou « de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger ».
Il suffit que le contenu en cause soit simplement « susceptible d'être vu ou perçu par un mineur » pour que le site soit éligible à la sanction.
À l’occasion de la Journée internationale des droits de l'enfant, Emmanuel Macron avait déjà fait connaître son vœu de muscler cette infraction. Comment ? En faisant « préciser dans le Code pénal que le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une protection suffisante contre l’accès à la pornographie des mineurs de moins de 15 ans ». Selon le Président de la République, « le choix des moyens sera laissé à l’appréciation des sites pourvu qu’ils soient efficaces et réels ».
Vérifier l'âge en ligne, oui mais comment ?
Le signal présidentiel a été entendu par les députés LREM. Comme signalé par Me Alexandre Archambault, dans le cadre de cette proposition, ils veulent que l’infraction soit constituée même « si l’accès d’un mineur aux [photos, vidéos, etc.] résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans. »
Il reviendrait donc à chaque site pornographique (ou violent) d’une part d’abandonner ces « disclamers ». Et surtout d’imaginer une solution beaucoup plus robuste. Comme Emmanuel Macron, les députés se gardent bien en effet de préciser la solution technicojuridique permettant de s’assurer de la majorité des visiteurs.
La copie préalable d’une carte d’identité pourrait être une piste, mais d’une part, l’usurpation est toujours possible. D’autre part, les conséquences seraient dramatiques en cas de fuite de données. Un tiers aurait alors accès dans un luxe de détails aux orientations sexuelles de chaque visiteur. Soit autant de données sensibles sur l’autel du RGPD.
Autre solution : que ces quelques lignes ajoutées dans le Code pénal soient un cheval de Troie à FranceConnect ou Alicem, le système d’identification par reconnaissance faciale. L’ensemble des sites qui n’adopterait pas une telle solution serait susceptible d’être rendu inaccessible. Cédric O avait d’ailleurs imaginé un temps un lecteur de carte pour valider sa majorité à l’entrée des sites pornos.
Des YouPorn-Like à Twitter
Le spectre de cette disposition est très vaste. Outre les YouPorn-Like, on pourrait imaginer son application même sur Twitter puisque des contenus pour adultes foisonnent, notamment la nuit. Cette mesure pourrait toutefois se révéler être un sérieux coup de griffe au principe du pseudonymat, selon les critères (un jour) mis en œuvre.
On remarque au passage que Macron se satisfaisait d’un seuil de 15 ans, qui gagne trois années de plus dans la proposition de loi LREM.
Pourquoi avoir prévu un tel dispositif dans une PPL relative aux violences conjugales ? « Pour ces jeunes, leur imaginaire et leur sexualité se construisent par la brutalité qui va avec ces images. Or une exposition à la pornographie chez les jeunes peut être préjudiciable à leur construction, leur comportement et leur sécurité ». En somme, la pornographie pourrait être à l’origine plus tard d’actes de violence.
« Les jeunes, habitués à ces images, reproduisent des situations de violences. Les violences conjugales sont donc constatées et relevées à un âge désormais plus précoce au sein des jeunes couples » soutient l’exposé des motifs. Il convient « de protéger les plus jeunes, face à ces contenus et de lutter contre l’exposition à la pornographie en renforçant la responsabilité des acteurs sur l’accès des mineurs aux contenus pornographiques sur Internet », insistent les parlementaires.
Le texte n’en est qu’à son dépôt. Il devra être ausculté par les députés réunis en commission, puis en séance, avant un examen au Sénat, et un éventuel passage devant le Conseil constitutionnel. Outre-Manche, un projet similaire avait été envisagé. Devant la difficulté du passage de la théorie à la réalité, Londres a préféré finalement l’abandonner.