Kosc nous parle de son redressement judiciaire... et de ses relations avec Orange et SFR

« On a droit à un traitement de faveur »
Economie 8 min
Kosc  nous parle de son redressement judiciaire... et de ses relations avec Orange et  SFR
Crédits : Brian Stanback/iStock

Depuis hier, Kosc est fixé sur son avenir pour les prochains mois : la société est placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris, dans le but de lancer un appel d'offres pour une reprise. Antoine Fournier, directeur général de la société, revient avec nous sur cette procédure et sur les nombreuses étapes des derniers mois. 

La semaine dernière a été agitée pour la société. En grandes difficultés, elle attendait de passer devant le tribunal de commerce pour être fixée sur son avenir. Deux possibilités : la liquidation ou le redressement judiciaire. Dans le premier cas, elle aurait mis la clé sous la porte et un liquidateur aurait vendu la société aux enchères, morceau par morceau.

Nouvel appel d'offres, sous le contrôle du tribunal de commerce

Heureusement pour Kosc, les juges ont choisi la seconde option : « Kosc est devenu un actif. On est dans une situation de redressement judiciaire, dont le but est de faire un appel d'offres pour permettre une reprise », nous explique Antoine Fournier.

Cette procédure met automatiquement fin au processus de mise en vente lancé par la banque Rothschild en septembre dernier. Le directeur général de l'opérateur nous explique pourquoi ce processus n'avait pas été à son terme, malgré plusieurs repreneurs intéressés.

Il évoque aussi avec nous ses relations avec deux de ces principaux concurrents : « contrairement à SFR, Orange est un acteur qui joue dans les règles »... ambiance.

Aucune offre d'achat engageante sur la précédente procédure

Il nous explique que le premier processus, via la banque Rothschild, « était une mise en vente de l'entreprise, sous l'égide des actionnaires, et l'enjeu était de savoir combien pouvaient être payés les actionnaires en reprenant l'entreprise à l'identique ».

Il n'a pas été jusqu'au bout, car aucune offre engageante n'a finalement été déposée par les six candidats potentiels. Explications d'Antoine Fournier :

« Le processus Rothschild est très classique, en deux phases. Phase 1, on demande des offres non engageantes sur la base de premiers éléments (c'est-à-dire combien les gens pensent mettre dans Kosc). On avait reçu fin septembre six offres non engageantes. Il s'agit d'offres structurées bien détaillées en plusieurs dizaines de pages.

Suite à cela, il y a une phase 2 durant laquelle on donne énormément d'informations, y compris des données sensibles ou confidentielles pour l'entreprise. Suite à cette phase 2, sur les six offres non engageantes, il n'y a eu aucune offre engageante. »

« Dans trois mois on va savoir vers quoi on part »...

« Maintenant on est dans le cadre du redressement judiciaire. Ce ne sont plus les actionnaires qui vont mener l'appel d'offres, mais l'administrateur judiciaire. Avec deux versions possibles. Soit un plan de continuité où un repreneur récupère l'entreprise à l'identique, mais va négocier un plan d’étalement des dettes [...] Soit dans un plan de cession où le repreneur peut décider d'abandonner tout ou partie des dettes », nous explique le directeur général.

Les six repreneurs potentiels qui s'étaient manifestés durant la première phase, parmi lesquels se trouvent des « opérateurs connus à l'exception d'Orange et de SFR » selon Yann de Prince (président de Kosc), ont donc « un peu d'avance puisqu'ils ont pu étudier le dossier en détail ». Dans tous les cas, il faut qu'ils déposent une nouvelle offre au tribunal de commerce s'ils sont toujours intéressés. Ensuite, « les juges décideront du repreneur ».

« Si le repreneur décide d'annuler toute ou partie de la dette, la procédure peut aller assez vite (en trois mois). Par contre, un plan de continuité peut se décider en trois mois, mais peut mettre plus longtemps (trois à six mois) pour se mettre en place », nous indique Antoine Fournier. 

Avec un redressement judiciaire d'une durée de six mois, « le tribunal a voulu afficher le fait que toutes les solutions sont bien possibles », affirme notre interlocuteur. Les dirigeants de Kosc devraient savoir « dans trois mois vers quoi on part ».

... en attendant, l'aventure continue, avec une nouvelle injection de fonds

Depuis hier, Kosc a ainsi une « grande nouvelle » qu'il a pu annoncer à ses partenaires et clients : « nous sommes financés pour les mois à venir et on est donc en mesure d'honorer nos engagements de production et de livraisons. On honore tous nos contrats et on est effectivement en production ».

Face à l'incertitude de la fin de semaine dernière, OpenIP avait décidé d'arrêter les souscriptions des nouvelles commandes Kosc vendredi 29 novembre. Contacté, Laurent Silvestri, président du CDRT (Club des Dirigeants Réseaux et Télécoms) et dirigeant d’OpenIP, s'explique : « entre le dépôt de bilan et jusqu’à la décision du tribunal cette semaine, tout Kosc est figé. Les fournisseurs de Kosc et notamment les sociétés qui gèrent les déploiements ne feront rien avant de connaitre la décision du tribunal. Lorsque nos partenaires/clients passent des commandes, ils s’engagent sur des délais de livraison qui ne sont donc plus maitrisés par Kosc. Nous ne voulons pas que nos partenaires aient des difficultés avec leurs clients finaux ». 

Une décision difficile à accepter pour certains, alors que le patron d'OpenIP se présentait comme un défenseur de Kosc lors d'une audition au Sénat début octobre : « Kosc apporte une solution, non seulement à OpenIP et à Unyc, mais encore à tous nos concurrents ainsi qu'à une centaine d'opérateurs en aval ». « Nous attendons donc la décision du tribunal avant de relancer, nous l’espérons, les commandes », nous expliquait lundi Lauren Silvestri. Nous n'avons pas encore réussi à joindre ce dernier afin de savoir si les souscriptions avaient repris. 

Le dirigeant ajoute : « le tribunal de commerce de Paris est assez rigoureux avant d'octroyer un redressement judiciaire et la condition importante pour qu'on l'obtienne est que la période soit financée [...] Le tribunal a reçu des garanties de la part de certains de nos actionnaires sur le financement de cette période, et donc le maintien de notre fonds de commerce et de l'ensemble de nos engagements ».

La liste des participants et le montant ne sont pas connus, mais il est suffisant pour assurer au moins six mois de fonctionnement à Kosc. « Tous les salaires et les prestataires sont payés pour les mois à venir. Le maintien de la valeur et du fonds de commerce de Kosc c'est d'abord la valeur de l'équipe. Vous enlevez les équipes de Kosc, vous avez du mal à faire fonctionner la société », nous affirme Antoine Fournier. 

Désormais, l'enjeu est de « maintenir le service rendu à l'écosystème, et ce quel que soit le repreneur de Kosc », c'est-à-dire « amener des éléments d'infrastructure numériques aux gens qui accompagnent la digitalisation des entreprises ». Pour le directeur général, la présence de Kosc « c'est plus que de la concurrence, la manière dont on l'amène est différente. Tout est disponible dans une API chez nous, c'est fait pour être intégré dans les offres numériques de nos clients ». 

Kosc en croissance, mais plombé par sa dette

« Bien qu'on soit dans une situation « compliquée », pour ne pas dire négative, nous sommes en croissance. En octobre, on a même enregistré des records de prises de commandes et de livraisons » , un point qui a pesé dans la balance au tribunal. 

La principale cause de l'absence d'offre de rachat engageante sur la procédure lancée en septembre serait la dette trop importante de la société. Le directeur général de Kosc nous explique que « la première moitié [de la dette] est liée à nos retards, la deuxième moitié à nos contentieux avec SFR »... et ils sont nombreux. Or, le placement en redressement judiciaire ouvre la porte à un plan de cession et donc à une reprise de Kosc en laissant de côté tout ou partie des dettes et/ou contentieux. 

« On a quand même démarré avec quasiment deux ans de retard et donc pendant deux ans on a accumulé des pertes qui se retraduisent dans les dettes, qui en plus ont été augmentées avec les contentieux qu'on a en court de la part de SFR... une sorte de double peine », nous relate Antoine Fournier. 

Les relations avec SFR et Orange

« Il faut avoir en tête que SFR a ouvert je ne sais plus combien (3, 4, 5...) procédures contre nous. On a droit à un traitement de faveur. La première d'entre elles qui était de nous attaquer au tribunal de commerce en décembre 2017 est toujours en cours, au stade de l'expertise technique », ajoute-t-il. « Rien qu'encore cet automne, SFR a ouvert trois nouvelles procédures contre nous ».

Et les relations avec Orange ? « Contrairement à SFR, c'est un acteur qui joue dans les règles. On a un acteur qui n'oublie pas ses intérêts, mais qui le fait dans les règles. Orange ne nous aide pas pour autant. Ces derniers mois, il a été un créancier qui a joué le jeu des procédures en cours, plutôt que chercher à nous faire disparaître ».

La balle est maintenant dans le camp des candidats à une éventuelle reprise qui doivent déposer leurs offres au tribunal de commerce de Paris. Bouygues Telecom est parmi les favoris, mais il ne sera probablement pas le seul. Selon nos informations, des membres de l'AOTA pourraient déposer une offre dans les jours à venir. La décision reviendra pour rappel au tribunal de commerce.

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