Aux Rencontres cinématographiques de Dijon, la députée LREM Aurore Bergé a bien voulu répondre à nos questions sur la réforme de l’audiovisuel en cours. Celle qui est pressentie pour être rapporteure du texte revient sur la question de la lutte antipiratage, l’un des gros volets du texte.
La grande réforme de l’audiovisuelle aura sa loi. Un projet sera présenté finalement en conseil des ministres le 4 décembre, comme l’a confirmé Franck Riester hier soir. Le texte sera ensuite examiné en commission des affaires culturelles début janvier, pour un examen en séance une quinzaine de jours plus tard.
Ce projet est actuellement ausculté par le Conseil d’État et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, saisis pour avis. Dernière ligne droite avant le déclenchement de la procédure parlementaire.
Plusieurs piliers dans ce texte, avec notamment de nouvelles obligations pesant sur les acteurs comme Netflix, selon la règle du pays de destination. Avec elle, les distributeurs seront au même régime dans les mêmes contrées, notamment sur le terrain du financement de la création. Hier, aux Rencontres, la représentante de la plateforme américaine s’est d’ailleurs montrée tout à fait disposée à entrer dans ce nouveau cadre réglementaire.
L’autre grand chantier se consacre à la lutte contre le piratage, l’un des chevaux de bataille de l’ARP, l’association des auteurs, réalisateurs et producteurs, par ailleurs à l’origine des Rencontres de Dijon. Le sujet est suivi comme le lait sur le feu par Aurore Bergé. La députée a déjà été à l’origine d’un rapport parlementaire sur le sujet en octobre 2018.
Dans le projet de loi en gestation toutefois, plusieurs points qui avaient été mis en exergue par la députée manquent à l’appel. L’occasion de revenir sur le sujet avec l’élue LREM.
Vous aviez préconisé la transaction pénale, absente du projet de loi. Que préconisez-vous ?
Le sujet sera à l’étude du débat parlementaire. Je ne décide pas des arbitrages ministériels, mais je souhaite continuer à porter cette réforme. Elle est essentielle. Nous n'aurons pas un système de régulation efficace s’il n’y a aucune sanction.
La coupure de l’accès à Internet n’était pas la réponse adéquate, car jugée disproportionnée. Elle n’était pas la bonne réponse. Par contre, dans ce processus, on doit pouvoir dire graduellement à la personne qu’elle est en infraction et que si elle persiste malgré plusieurs avertissements, alors elle peut faire l’objet d’une transaction pénale, qui pourra ressembler à une forme d’amende, même si juridiquement elles ne se confondent pas.
La réponse doit être proportionnée, graduée, mais aussi efficace.
En quoi est-ce un gage d’efficacité ?
Lorsque les chaînes ne respectent pas leur conventionnement, il peut y avoir des sanctions. Lorsque les annonceurs ne respectent pas les chartes, il peut y avoir des sanctions. S’il y a des sanctions pour tout le monde, sauf pour l’internaute contrevenant qui a récidivé, objectivement c’est illisible et ne permettra pas d’endiguer massivement le piratage, si on veut que l’Arcom soit un véritable régulateur efficace.
Le texte préconise des mesures sur les compétitions sportives, mais elles ne sont pas aussi ambitieuses que celles recommandées par la Hadopi…
La Hadopi a rendu un avis. Le CSA va rendre son avis. Il faut aussi entendre la voix des régulateurs, car c’est eux qui vont devoir mettre en œuvre ces nouvelles règles. La question est celle de l’objectif poursuivi, à savoir favoriser la création aujourd’hui. Nous avons un assèchement de valeur qui vient du piratage. Personne ne le conteste. L’idée est maintenant d’avoir une réponse coordonnée sur le sujet du piratage. Il y a un enjeu d’éducation, d’actualisation des décisions de justice, celui du blocage des sites et de la réponse graduée.
Sur un autre sujet, aux Rencontres de Dijon, vous évoquez aussi votre intérêt pour une redevance audiovisuelle universelle…
La taxe d’habitation (sur laquelle est assise la redevance, ndrl) va s’éteindre de manière définitive le 1er janvier 2023 pour l’ensemble des Français. Mais, à partir de l’année prochaine, elle va définitivement s’éteindre pour 80 % d’entre eux. La question se pose donc déjà. Il faut trouver un mécanisme de recouvrement qui ne pèse pas sur le budget de l’État.
Si on se dit que l’audiovisuel public est une mission de service public, alors l’ensemble des Français doit y contribuer. Je n’ai aucun problème à conserver les exonérations actuelles (décote outremer, exemptions selon l’âge, handicaps), mais il y a bien une logique d’universalisation qui doit dépasser la question des usages (téléphone, tablette, etc.).
Il y a des coins en France où on capte mal la TNT, où les débits Internet sont mauvais…
Si on veut que ce soit universel, il faut que chacun potentiellement puisse y avoir accès. Qu’on l’utilise ou pas, ce n’est pas la même chose. De fait, je n’ai pas d’enfant, je paye aussi pour le service public, celui de l’école.
C’est un service public. Chaque Français doit y contribuer. Et donc universalisation, en gardant bien les régimes d’exonération actuels. Vous avez raison, il faut que chacun ait la capacité d’y avoir accès, ce qui implique la modernisation de la plateforme TNT et du DAB+ sur la radio, cela va de pair. La montée en puissance de l’universalisation doit correspondre à la montée en puissance du taux d’équipements.
Sur les droits voisins et le bras de fer entre Google et les éditeurs de presse, quelles sont vos positions ?
Comme l’a dit le président du CSA, on s’est fait plaisir par une législation en se donnant le sentiment qu’elle pouvait être extrêmement puissante et volontariste, mais sans être forcément applicable. De fait, ce que fait Google est légal ! Que l'on considère que ce n’est pas moral n’est pas le sujet. C’est un contournement, mais qui est complètement légal.
Mais il y a une procédure initiée devant l’Autorité de la concurrence...
Je comprends très bien l’intérêt des éditeurs. L’enjeu est surtout de savoir s’il y a une neutralité du service qui fait que l’ensemble des contenus doit pouvoir être disponible. Ce n’est pas aux plateformes de choisir ceux qu'elles veulent voir figurer sur leurs pages.
Aujourd’hui, Apple choisit et discrimine. Voilà une question plus intéressante au niveau concurrentiel. Est-ce à Apple de déterminer les médias d’information que l’entreprise souhaite ou non accueillir sur sa plateforme ? Ça c'est un enjeu. Aujourd'hui, cependant, il n’y a pas légalement de levier pour dire que ces plateformes sont obligées de diffuser ces contenus et donc de payer les droits voisins.