La taxe sur les services numériques a été publiée ce matin au Journal officiel. Contrairement aux promesses de Bruno Le Maire, l’exécutif n’a pas souhaité saisir le Conseil constitutionnel dans le cadre d'un contrôle a priori. Il faudra maintenant attendre un futur contentieux pour que soit déposée une question prioritaire aux neuf Sages.
Promulguée par Emmanuel Macron, la loi « portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés » entre désormais dans le droit positif. Avec sa publication ce matin, certains services en ligne vont désormais être soumis à une taxe de 3 % du chiffre d’affaires, à proportion des sommes encaissées en France.
Le texte soumet à contribution d’une part, les services d'intermédiation – à savoir la mise à disposition d'une interface numérique permettant aux utilisateurs d'entrer en contact avec d'autres utilisateurs. D'autre part, les publicités ciblées et la vente de données à des fins publicitaires.
Seuls les plus gros acteurs sont visés, ceux réalisant 750 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’échelle mondiale et 25 millions au titre des services fournis en France. Selon les estimations de Bercy, 29 grands groupes vont tomber dans son champ d’application, 28 à l’échelle internationale, un seul à l’échelle française.
Les États-Unis ont vu d’un très mauvais œil cet édifice français, menaçant Paris de rétorsions. Une enquête a été diligentée par le département du Commerce extérieur pour savoir si les entreprises américaines font ou non l'objet de mesures « déraisonnables » ou « discriminatoires ».
« Les seuils [choisis par le législateur] ont pour effet de soumettre les grandes entreprises à la taxe sur les services numériques, des acteurs qui dans le secteur concerné ont tendance à être américains, tout en exemptant les plus petits, en particulier ceux qui opèrent uniquement en France », constate déjà le Représentant américain, lors de l’annonce de cette procédure fondée sur la loi « Section 301 ».
La promesse oubliée d'un contrôle a priori
Lors des débats, le 4 juillet dernier, Bruno Le Maire avait tenté d’apaiser les craintes exprimées dans l’hémicycle. Devant les députés qui jugeait insuffisantes les « garanties juridiques » du texte, le ministre de l’Économie proposait qu’une fois voté, « le texte soit soumis et validé par le Conseil constitutionnel ».
Un tel contrôle avant publication au Journal officiel, estimait-il, « renforcera notre dispositif, cela renforcera notre taxe nationale sur les géants du numérique et cela renforcera notre position politique dans les instances du G7, du G20 et de l’OCDE pour mener ce combat sur la taxation des activités numériques ».
Finalement, l’exécutif qui avait, comme 60 sénateurs ou députés et les présidents des deux chambres, la possibilité de saisir le juge constitutionnel, a enterré ses promesses et donc son vœu de « renforcer » la loi en devenir. « La crainte d'une censure » se demande l'ASIC, lobby porte-voix de Google, Facebook, Amazon ou encore Twitter.
Il faudra désormais compter sur un recours devant le Conseil d’État puis le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité pour espérer l’intervention des sages de la rue de Monpensier. Une procédure qui pourrait prendre une bonne année.
Mais avant, conformément à l’article 2 de la loi, le gouvernement devra apporter des explications solides sur son choix de ne pas avoir notifié préalablement cette taxe à la Commission européenne, comme le veulent en principe les règles de l'Union s'agissant des normes régulant les services en ligne.
Ces explications seront fournies dans un rapport au Parlement, attendu dans les trois mois. Remarquons que si de son côté, l’institution bruxelloise venait à conclure au caractère obligatoire de la notification, le texte deviendrait tout simplement inapplicable.