En discussion depuis l’année dernière, la proposition de loi visant à mieux encadrer le démarchage téléphonique ne devrait pas revenir à l’Assemblée nationale avant le mois de décembre. Les travaux confiés au Conseil national de la consommation se sont quant à eux soldés par un échec.
Bien que les parlementaires de tous bords jugent la liste d’opposition Bloctel insuffisante et inefficace, la réforme de la législation applicable au démarchage téléphonique avance de manière pour le moins laborieuse...
En juin 2018, les députés ont adopté – après que la majorité l’ait largement édulcorée – une proposition de loi déposée par le groupe LR, et soutenue notamment par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir.
En décembre dernier, les élus du Palais Bourbon se sont à nouveau penchés sur le sujet, en approuvant une autre proposition de loi, visant cette fois « à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux ». Ce texte, plus vaste et inscrit à l’ordre du jour par les centristes, reprenait en grande partie les mesures votées quelques mois plus tôt par l’Assemblée (voir notre article).
Cette seconde proposition de loi a quant à elle pu être débattue au Sénat, qui l’a adoptée en février dernier (voir notre article). La navette n’est cependant pas prête de reprendre, à en croire le gouvernement.
De très maigres chances d’adoption définitive avant 2020
Le fameux texte « devrait revenir devant l'Assemblée nationale en décembre prochain », vient d’indiquer Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances, au travers d’une réponse à une question écrite du député François Jolivet (LREM).
« Le gouvernement a défendu certaines dispositions de cette proposition et déposé plusieurs amendements », rappelle la locataire de Bercy, « avec l'objectif de renforcer l'efficacité du dispositif Bloctel, en clarifiant les obligations des entreprises qui ont recours au démarchage téléphonique et en alourdissant les sanctions encourues en cas de non-respect de ces obligations. Des mesures destinées à accroitre l'efficacité de la lutte contre la fraude aux numéros surtaxés ont aussi été défendues par le gouvernement. »
Agnès Pannier-Runacher souligne d'autre part que l’exécutif « n'a pas soutenu les amendements visant à interdire de démarcher toute personne n'ayant pas expressément donné son consentement pour être appelée, considérant qu'une telle approche resterait inefficace face aux pratiques frauduleuses ». Le gouvernement craint surtout qu’une telle réforme ne menace « l'activité, et les emplois associés, des centres d'appel respectant d'ores et déjà le dispositif Bloctel ».
Pour mémoire, le texte adopté par le Sénat prévoit notamment :
- Des amendes administratives de 375 000 euros pour les entreprises contrevenantes (contre 75 000 euros aujourd’hui)
- La publication « par défaut » des sanctions prononcées par la DGCCRF
- L’instauration, par décret, de « normes déontologiques » imposant par exemple aux prospecteurs de respecter certains « jours et horaires » de démarchage
- Une obligation pour les professionnels d’actualiser leurs fichiers avec la base Bloctel au moins une fois par mois
- La mise en ligne, en Open Data, des « données essentielles » afférentes à l’activité d’Opposetel, la société en charge de Bloctel
Nombreuses divergences entre Assemblée et Sénat
Mais quand bien même l’Assemblée se prononcerait de nouveau sur ce dossier avant la fin de l’année, l’adoption définitive de la proposition de loi semble encore loin d’être à portée de main. Faute d’adoption « conforme » (c’est-à-dire sans la moindre modification), le texte devra en effet repartir au Sénat, pour une seconde lecture.
Or les dissensions entre députés et sénateurs pourraient s’avérer particulièrement importantes... Les élus du Palais du Luxembourg n’ont par exemple pas souhaité restreindre les dérogations qui permettent actuellement aux entreprises de démarcher leurs clients, même s’ils sont inscrits sur Bloctel.
Aujourd’hui, « en cas de relations contractuelles préexistantes », les professionnels n'ont plus interdiction, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers agissant pour leur compte, de solliciter par téléphone un consommateur inscrit sur la fameuse liste. Les députés s’étaient pourtant prononcés en faveur d’une réforme, limitant cette exception aux seuls cas de « sollicitations ayant un rapport direct avec l’objet d’un contrat en cours ».
Autre gros point d’achoppement potentiel : le Sénat a introduit un plafonnement des peines en cas d’infractions multiples, afin que les prospecteurs soient réprimandés « dans la limite du maximum légal le plus élevé » (soit 375 000 euros, au vu des nouvelles sanctions prévues par le texte).
Échec des discussions lancées au CNC
Dans sa réponse au député Jolivet, Agnès Pannier-Runacher explique enfin que le Conseil national de la consommation (CNC), saisi en juin dernier par le gouvernement suite à l’examen de la première proposition de loi sur le démarchage téléphonique, a échoué à faire émerger un consensus...
« Les représentants du collège des associations de consommateurs, d'une part, et des organisations professionnelles, d'autre part, ont constaté que les conclusions qu'ils étaient en mesure de dégager étaient trop éloignées pour que le groupe de travail puisse émettre un avis », raconte la secrétaire d’État.
En lieu et place, l’institution a adopté, en février dernier, un simple rapport (PDF) concluant que « les débats se sont clos sur le constat que les points de divergences entre les deux collèges, sur des aspects fondamentaux pour un réel renforcement du dispositif, restaient trop importants pour envisager la discussion d’un projet d’avis commun ».
Ce document détaille notamment les positions des uns et des autres sur les différentes pistes de réformes, tout en mettant en avant quelques autres idées.