Le Conseil, la Commission et le Parlement européen ne se sont pas entendus en trilogie sur la proposition de directive sur le droit d’auteur à l’heure du numérique. Un dernier rendez-vous est fixé en janvier. Le rapporteur Axel Voss ne soutient plus l’exception PME attachée à l’article 13, un article très controversé.
Comme l’a signalé l’eurodéputée Julia Reda hier sur son fil Twitter, les trois instances européennes ne sont pas parvenues à un accord sur le futur texte attendu de pied ferme par le lobby de l’industrie culturelle. Un sixième trilogue est donc fixé en janvier.
À Dijon, Manuel Mateo Goyet, conseiller de la Commissaire européenne à l’économie et à la société numériques, avait exhorté les parties prenantes à adopter un texte définitif rapidement. Les négociations se faisant en anglais, il faut en effet tenir compte des exigences liées aux traductions légales et officielles dans chacune des langues européennes. La dernière réunion plénière ayant lieu en avril au Parlement européen, la crainte est de ne pas aboutir à une traduction à temps.
Toujours selon Julia Reda, parlementaire du groupe des Verts, le rapporteur Axell Voss a finalement accepté de faire disparaitre l’une des exceptions à l’article 13.
Vie et mort de l'exception PME
Cette disposition entend changer le régime de responsabilité des hébergeurs optimisant d’un peu trop près les contenus mis en ligne par les internautes. Au lieu d’une responsabilité conditionnelle (après signalement), comme prévu depuis la directive de 2000 sur le commerce électronique, le texte organise une responsabilité cette fois directe. L’intérêt pour les sociétés de gestion collective est qu’avec une telle arme sur la tempe, les Google, Dailymotion, Facebook et autre Twitter seront tenus de négocier avec elles, dans un rapport de force plus équilibré.
Néanmoins, le texte ne fait pas de différence entre les contenus empruntés à leurs catalogues et les UGC, ces contenus créés par les utilisateurs. Les intermédiaires techniques concernés devront donc se débrouiller pour gérer ces pans de la création comme ils pourront. Ils ne disposeront pas d’empreintes numériques, et courront à chaque fois le risque de se voir poursuivis et condamnés pour contrefaçon. Le texte est en outre très vaste puisqu’il concerne tout le droit d’auteur : musique, vidéo, cinéma, dessins, polices de caractères, photos, tableaux, etc.
Pour arrondir les angles, Axell Voss avait accepté cet été que le régime d’exception soit étendu aux micros, petites et moyennes entreprises. Cette exception dite PME préservait ainsi des pans entiers l’économie numérique, encore moins capable de répondre à de telles obligations. Elle avait d’ailleurs facilité le vote du 12 septembre dernier, alors qu’en juillet, les eurodéputés avaient massivement repoussé une première proposition qui ne l’intégrait pas (amendement 61).
La bonne stratégie d’un pied en avant suivi par deux autres en arrière. Que l’exception PME saute finalement, après la volte-face de Voss, ne devrait pas froisser Jean-Marie Cavada. En septembre, l’eurodéputé, très attentif aux intérêts des sociétés de gestion collective, avait déjà dénoncé un scénario « [d]’éclatement des plateformes en petites structures capables d’optimiser la distribution des contenus protégés ». En somme, un YouTube EURL couplé à une SARL YouTube et autres microstructures pour évincer les douceurs de l’article 13...
Les mécontents de l'industrie culturelle
Comme relevé par TechCrunch, au même moment, le secteur de la télévision, du cinéma et du sport, et ceux de la musique et de l'édition ont critiqué vertement l‘idée de voir injecter dans l’article 13 d’autres brèches qui pourraient cette fois raboter la responsabilité des plateformes dès lors qu’elles ne disposent pas d’accords de licence.
Autant dire que les différents acteurs sont encore loin d’avoir trouvé un compromis acceptable, soit la mission du trilogue. En attendant, Julia Reda a diffusé sur son site un document précieux présentant les trois versions de la proposition de directive, celle de la Commission, du Conseil et du Parlement. Dans la quatrième colonne, les contenus déjà arbitrés et ceux restant encore en souffrance. Parmi eux, l’article 13.