La sortie de l'April Update a laissé de mauvais souvenirs chez une partie des utilisateurs. Une mise à jour majeure n’est jamais un évènement banal, en dépit de ce que les éditeurs peuvent en dire. Cette fois pourtant, il semble que la casse ait été plus importante.
Tous les six mois, une nouvelle version de Windows 10 est proposée aux utilisateurs. La diffusion via Windows Update n’est pas globale. Elle commence par les machines détectées comme les « plus compatibles » puis, la télémétrie aidant, progresse vers les autres. Il s’écoule toujours de six à huit semaines en moyenne avant que Microsoft ouvre totalement les vannes.
Cette progression limite le nombre de problèmes à gérer en même temps pour l’éditeur. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, toute mise à jour majeure d’un système est conséquente. Qu’il s’agisse d’Apple, Google ou de Microsoft, tous aiment laisser filtrer l’idée que l’acte est anodin. Il n’en est rien, et les problèmes peuvent être pénibles, voire bloquants.
C’est particulièrement vrai avec la mise à jour 1803, aussi appelée April Update (voir notre dossier). Elle est arrivée en retard, pour la première fois dans l’histoire du système. Il s’est écoulé deux semaines avant que la diffusion ne commence, alors qu’elle aurait dû débuter le 10 avril (Patch Tuesday). Les rumeurs faisaient état d’un bug de dernière minute, suffisamment sérieux pour bloquer l’envoi chez les utilisateurs.
Ce n’était pas le seul problème conséquent non détecté durant la phase de test, via le programme Windows Insider.
Un gros problème avec Avast
Le souci le plus sérieux rencontré par les utilisateurs après la mise à jour était lié à Avast. Et il était de taille : certains voyaient leur machine redémarrer en boucle. Le système le faisait de lui-même vers la fin de l’installation, ou pendant l’assistant de configuration au redémarrage du système.
Dans les forums d’Avast, on peut ainsi voir des utilisateurs narrer leurs expériences désagréables. Jusqu’à ce qu’Ondrej Vlcek, directeur technique de l’entreprise, vienne publier un long message donnant une fastidieuse marche à suivre, impliquant une clé USB d’au moins 8 Go, le téléchargement d’une image ISO de Windows 10 depuis une autre machine, la décompresser sur la clé puis, sur la machine « fautive », l'utilisation du gestionnaire des tâches pour atteindre le setup.exe de l’installation sur la clé. Ouf.
Une procédure laborieuse, complexe – particulièrement pour des utilisateurs lambdas ne s’étant jamais livrés à de telles manipulations – et dont le résultat n’était pas garanti. Depuis, un correctif a bien sûr été publié. Mais la question demeure : comment ce problème a-t-il pu survenir, après des mois de test dans le programme Insider ? Un souci aussi manifeste aurait dû être détecté.
Interrogée, Microsoft répond simplement qu’un « élément incompatible avec le Avast Behavior Shield a été identifié à la suite de son déploiement », évoquant un composant ajouté ou mis à jour peu de temps avant l’arrivée de l’April Update. Questionnée sur l’absence de détection pendant la phase de test, l’entreprise renvoie vers Avast.
De son côté, l’éditeur antivirus a botté en touche pendant un temps, avant de nous répondre, après une certaine insistance : « Le problème était relativement rare. Le nombre d’utilisateurs touchés est faible – nous l’estimons à moins de 1 %. Le problème ne survenait seulement que si un certain nombre de conditions étaient remplies, ce qui explique pourquoi il n’a pas été détecté pendant la phase bêta ». Ces conditions ne nous ont pas été détaillées.
Au-delà d’Avast, d’autres difficultés sont apparus, notamment avec les SSD Intel et Toshiba, ou une mise jour qui semblait forcée sur certaines machines.
Un déploiement plus agressif qu'habituellement ?
L’un des problèmes les plus récurrents soulevés pour Windows 10 – y compris dans nos colonnes – est sa gestion des mises à jour. Avec les premières versions du système, il n’existait ni contrôle de la bande passante ni réelle volonté de laisser l’utilisateur maîtriser pleinement sa machine.
Microsoft, dans son désir d’éliminer autant que possible la fragmentation, poussait les mises à jour en ne laissant que peu de marge. Elles étaient téléchargées jusqu’à saturer la connexion et installées dès que le système estimait qu’il était temps. Vous avez été nombreux depuis bientôt trois ans à nous signaler ces problèmes, faisant pour la plupart référence à des interruptions d’activités « sans crier gare ».
Le cas s’est représenté pour l’April Update. Cette dernière inclut de nouveaux contrôles et se montre plus souple pour les prochaines mises à jour. Encore faut-il qu’elle soit en place. Sur un fil Reddit datant d’un mois, on peut lire de nombreux commentaires d’utilisateurs déconfits par leur expérience de passage à la version 1803.
Certains posent d’ailleurs la question : la diffusion de cette mise à jour a-t-elle été plus rapide que d’habitude ? Beaucoup semblent le penser. La question a d’autant plus été alimentée que de nombreux articles faisaient état d’une installation de la version 1803 sur la moitié des machines Windows 10 en à peine six semaines. Paul Thurrott, chroniqueur bien connu de l’univers Microsoft, évoquait même un déploiement « irresponsable » au vu des problèmes soulevés par les utilisateurs.
Des chiffres remis en cause, Microsoft dément toute accélération
Bien que le score impressionnant ait fait les gros titres, il a été remis en cause par plusieurs journalistes, notamment Ed Bott. Les chiffres étaient en effet issus d’AdDuplex, selon une méthodologie dont Bott avertissait des extrapolations. L’échantillon retenu n’était en effet que de 100 000 appareils. La base Windows 10 étant estimée par Microsoft à 600 millions (PC, smartphone, Xbox, HoloLens...), la proportion est bien faible.
En outre, AdDuplex reçoit ses statistiques via des publicités présentes dans les applications UWP (Universal Windows Platform) uniquement. Les chiffres avancés ne pouvaient donc provenir que d’appareils utilisant des applications du Store et dont les développeurs avaient rejoint le réseau d’AdDuplex. Des conditions trop strictes pour que l’échantillon fourni soit considéré comme représentatif selon Ed Bott.
Interrogée sur le sujet, Microsoft nous donne d’ailleurs ses propres chiffres : 250 millions d’appareils avaient reçu l’April Update à la mi-juin. Les rapports évoquant les 50 % de machines fin mai étaient donc nettement prématurés. Par ailleurs, l’entreprise affirme que le rythme de diffusion a été strictement le même que pour les mises à jour précédentes, niant de fait toute diffusion plus agressive que pour les Updates précédentes.
L’éternel problème des mises à jour majeures
Comme indiqué, une mise à jour ne sera jamais un processus anodin. La volonté des grands éditeurs de simplifier l’opération est visible – elle doit prendre aussi peu de temps que possible et ne provoquer aucun accroc – mais insuffisante en l’état. Au vu de l’infinité de configurations différentes, le risque zéro n’existera probablement jamais.
Si les passionnés ressentent souvent une excitation particulière à l’arrivée des nouveautés, ils sont les seuls. Pour une immense majorité d’utilisateurs, une mise à jour n’a en effet rien de fascinant : c’est une interruption dans les activités, avec des changements qu’il faudra maîtriser, et des bugs à éventuellement affronter. Un écran noir ou bleu, un souci de pilote, une application incompatible, une imprimante qui ne fonctionne plus et Windows récolte vite des noms d’oiseaux.
Idéalement, les utilisateurs devraient savoir que plusieurs mesures de sécurité sont à prendre avant de telles opérations. Ces conseils sont presque les mêmes pour toutes les plateformes, qu’elles soient fixes et mobiles.
Le plus important est de s’assurer qu’aucune donnée personnelle ne sera perdue si un plantage devait irrémédiablement endommager le système. On veillera donc à ce que ses données soient sur un disque externe, une clé USB, un NAS, un stockage distant dans le cloud ou toute autre solution de sauvegarde. Le conseil est tout aussi valable que pour un smartphone. Sur un iPhone par exemple, il est toujours recommandé de faire une sauvegarde avant de passer à une nouvelle version majeure d’iOS.
Parmi les autres conseils que nous pouvons donner :
- Attendre que Windows Update propose spontanément la mise à jour, indiquant que la configuration matérielle/logicielle de votre machine a été déclarée « compatible » (ce qui encore une fois ne garantit rien)
- Prévoir au moins 15 Go d’espace libre sur le stockage local. Windows en demande 10, mais une marge de sécurité est toujours appréciable. Le système accepte également les périphériques externes de stockage, au prix toutefois de performances moindres.
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Désinstaller l’antivirus, pour éviter les interférences pendant le processus, tant ces outils ont une large empreinte sur le système. Rien n’empêche de le réinstaller plus tard : si une incompatibilité existe, Windows la signalera alors.
S'assurer, si possible, qu'aucun problème électrique ne viendra couper la machine pendant l'installation. Sur un ordinateur portable, l'alimentation devra être branchée.
Notez qu’une mise à jour majeure doit faire face à tout ce que l’utilisateur possède sur sa machine. Plus les applications et périphériques sont nombreux, plus des soucis ont des chances d’apparaître. L’arrivée d’une version majeure peut donc être l’occasion de faire un brin de nettoyage dans la machine, par exemple en supprimant les logiciels ne servant pas. D’ailleurs, jeter un œil à la liste des programmes installés réserve parfois quelques surprises.
Tant que des problèmes comme ceux abordés continueront de survenir, Microsoft aura du mal à faire passer l’idée que Windows se comporte comme un service. Un système d’exploitation n’est pas une application web. L’éditeur assure cependant qu’en dépit des soucis constatés, l’April Update se distingue par une plus grande fiabilité globale. Les problèmes constatés auraient ainsi été 20 % moins nombreux.
La prochaine évolution majeure du système, logiquement estampillée 1809, sera quoi qu’il en soit de tester les nouveaux mécanismes de contrôle des mises à jour. Depuis l’April Update, Windows 10 pose davantage de questions à l’utilisateur quand la machine doit redémarrer. Espérons donc qu’il en sera de même à l’automne.