Saisie par Free, la Cour de cassation a épinglé les offres subventionnées de SFR parce qu'elles peuvent cacher un crédit déguisé. L’UFC-Que Choisir estime que la décision vaut pour l’ensemble des acteurs, mais relativise ses conséquences pour le consommateur. Impossible selon elle d'obtenir résiliation du contrat.
Le 7 mars 2018, la Cour de cassation a considéré que les contrats de téléphonie regroupant abonnement et smartphone pouvaient être requalifiés en contrat de crédit, du moins pour la vente du matériel. La question, défendue par Free depuis près de huit ans, a été renvoyée devant la cour d’appel de Paris qui devra rejuger ce dossier qui oppose le trublion à SFR.
Contacté, Antoine Autier, du service des études de l’UFC Que Choisir, nous partage sa grille de lecture : « lorsqu’un opérateur propose un forfait mobile couplé à l’acquisition d’un terminal et que ce forfait est plus élevé que le même abonnement sans acquisition d’un terminal, cela qualifie une opération de crédit. C’est l’analyse que pose la Cour de cassation. C’est une opération de crédit en la forme d’une facilité de paiement ».
Les conséquences économiques et juridiques d'un crédit déguisé
Conséquences ? « Dès lors qu’on entre dans une telle opération, toute une réglementation entre en application, notamment en terme d’informations des consommateurs en particulier quant au taux du crédit ou la prévention des situations de surendettement. C’est un formalisme à respecter. Et à partir du moment où celui-ci fait défaut, du point de vue de l’UFC-Que Choisir, c’est particulièrement problématique ».
Déjà économiquement, une personne prise dans un contrat de 24 mois, cimenté par un crédit déguisé, se retrouve vissée à l’opérateur. « Il ne peut profiter des propositions des uns et des autres, notamment si la qualité de service n’est pas au rendez-vous. On voit ainsi les vertus attachées aux offres sans engagement » relate Antoine Autier, qui reconnait que des offres à crédit peuvent satisfaire ceux incapables de payer un smartphone en une seule fois.
Seulement, « ces personnes peuvent aussi recourir à des crédits classiques. Or, comment comparer un crédit caché avec les offres concurrentes des établissements financiers si on ne dispose même pas de l’indicateur central qu’est le taux ? »
L’UFC-Que Choisir n’aime d’ailleurs pas l’expression de « subvention » attachée à ces opérations. « L'expression a un versant vertueux, une belle image, or à partir du moment où elle a un coût, on est plutôt ici dans une modalité de paiement ».
Pas de résiliation massive, mais restitution des intérêts payés
Pour l’association, néanmoins, cet arrêt ne va pas entraîner la résiliation des millions de contrats embarquant un crédit déguisé. « Notre analyse est que le défaut de formalisme n’est pas un motif de caducité de contrat. Nous n’invitons donc pas les consommateurs à dénoncer leur abonnement en prenant appui sur cette décision, car elle n’exonère pas des paiements, mais devrait entraîner la restitution des seuls intérêts versés ». L'analyse n'est cependant pas partagée par certains juristes.
Comment déterminer précisément le taux et les montants versés ? « Il y a une difficulté objective à pouvoir déterminer le montant du préjudice, qui dépend de chaque contrat ». En somme, derrière l’apparente simplicité de l’arrêt, les conséquences peuvent être diaboliquement plus ardues.
Plutôt que saisir les tribunaux, l’association va pour l’heure se tourner vers l’ensemble des opérateurs puisqu’il faudra bien résorber les situations actuelles, prévenir les cas futurs et surtout trouver des solutions pour les contrats passés dans les limites de la prescription.