Dans une logique de « name and shame », le gouvernement veut que chaque condamnation pour travail illégal soit inscrite sur une « liste noire » diffusée sur un site officiel. Un projet de loi portera des dispositions en ce sens, ainsi que différentes dispositions ouvrant certains fichiers du fisc aux contrôleurs.
Prêt illicite de main d’œuvre, travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, cumul irrégulier d’emplois... Toutes ces infractions au Code du travail, généralement rangées dans le terme générique de « travail au noir », peuvent depuis une loi de 2014 faire l’objet d’une peine complémentaire plutôt singulière : une sorte de mise au pilori numérique, sur une page du ministère du Travail.
Les juges ont en effet la possibilité, lorsqu'une amende est prononcée, de mettre à l’index le contrevenant sanctionné. Pendant une durée maximale de deux ans, doivent se retrouver en ligne : le nom de l’entreprise condamnée, son numéro de SIREN ou de SIRET, son adresse, l’identité de son représentant légal, la date et le « dispositif » de la décision (c’est-à-dire le détail des sanctions), etc.
L’exécutif veut rendre « systématique » cette peine jusqu’ici facultative
Lundi 12 février, à l’occasion d’un bilan intermédiaire du « plan national de lutte contre le travail illégal », le gouvernement a dévoilé 16 mesures destinées à renforcer davantage cette politique. L’une d’entre elles vise justement à « rendre systématique » – et non plus facultative – la peine complémentaire prévue par l’article L8224-3 du Code du travail.
« Le « name and shame » permet de donner une plus grande visibilité aux sanctions pénales prononcées en cas de travail illégal », se justifie le ministère du Travail. Ce dernier entend entériner cet arbitrage au travers d’un projet de loi sur la fraude fiscale, prévu pour cette année.
Curieusement, l’exécutif ne s’étend pas davantage sur les raisons qui le poussent à plaider pour une telle évolution législative. Drôle de hasard : nous avons demandé le 1er février dernier au ministère du Travail combien de condamnations avaient été inscrites sur « liste noire » par les magistrats français, la page officielle visiblement prévue à cet effet ne contenant aucune entrée...
Depuis, silence radio. Le bilan intermédiaire présenté lundi ne fait d’ailleurs aucune allusion à la mise en œuvre de ce dispositif, ce qui laisse à penser qu’il n’a tout simplement jamais été activé par les magistrats. Peut-être ces derniers ont-ils pensé que cette peine complémentaire resterait inefficace, la CNIL ayant insisté pour que les informations de cette liste noire ne puissent pas être accessibles via les moteurs de recherche ?
Vers un accès des contrôleurs aux fichiers FICOBA, FNIG, etc.
Autre chantier lancé par le gouvernement : l’ouverture de nombreuses bases de données administratives aux agents chargés de contrôler le travail illégal. Le ministère du Travail explique à cet égard que l’accès à différentes « données essentielles » est aujourd’hui « soit impossible, soit possible uniquement sur demande écrite aux organismes concernés ».
L’exécutif souhaite ainsi procéder aux modifications règlementaires qui permettront aux contrôleurs d’accéder à :
- La Déclaration sociale nominative (DSN)
- La base Traitement de la TVA intra-communautaire (TTC)
- Le fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA)
- Le fichier des déclarations préalables à l’embauche du régime agricole
- La base SIPSI des déclarations de détachement
- Le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS)
- Le fichier national des interdits de gérer (FNIG)
« Les possibilités offertes par la dématérialisation des données permettraient d’améliorer considérablement les performances des services de contrôle et les délais des enquêtes », soutient-on au ministère du Travail. L’objectif sera de commencer par ouvrir un accès à la DSN, en 2018, ce qui permettra par exemple aux agents de « vérifier rapidement qu’un salarié formellement déclaré a fait l’objet du versement effectif des cotisations et que les salaires et durées du travail indiqués sont cohérentes avec la réalité des constats effectués lors du contrôle ».
Recours au data mining et à la cartographie, grâce aux données du fisc
L’exécutif entend enfin utiliser le potentiel des données pour mieux cibler ses contrôles. Le projet de loi sur les fraudes contiendra en ce sens des dispositions qui permettront aux agents de s’appuyer sur les données de l’administration fiscale :