La CNIL détaille les conditions de collecte de données et de transmission au gestionnaire de distribution par les compteurs communicants Linky et Gazpar. Si certaines informations sont envoyées par défaut, d'autres nécessitent l'accord explicite de l'abonné en amont.
Cela fait deux ans que les déploiements des compteurs communicants Linky (électricité) et Gazpar (gaz) ont commencé en France. Leur installation a soulevé de nombreuses craintes de la part de certains, notamment sur les risques liés aux émissions d'ondes, mais balayés par plusieurs études (nous y reviendrons).
Alors que plus de 7 millions de compteurs sont d'ores et déjà installés dans l'Hexagone – l'objectif est d'en poser 35 millions d'ici 2021) – la CNIL revient sur les questions de récupération et d'utilisation des données liées à la consommation des foyers.
Une collecte journalière par défaut
« Ces compteurs communicants sont capables de relever à distance des données de consommation plus fines que les compteurs traditionnels (données de consommation quotidiennes, horaires, voire à la demi-heure pour l’électricité) » rappelle la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Elle ajoute que cela ne concerne évidemment que la consommation globale du foyer, sans le détail de chaque appareil.
De plus, l'utilisation des données produites par Linky et Gazpar est strictement encadrée par le code de l'énergie. Ainsi, par défaut, Enedis et GRDF peuvent les récupérer par journée entière et les mettre gratuitement à disposition de l'abonné afin qu'il puisse avoir un historique.
Enedis (anciennement ERDF) précise de son côté que ces informations « sont envoyées une fois par mois uniquement à votre fournisseur d’électricité afin d’établir votre facture ».
Des données plus fines et/ou un transfert à des tiers après accord
A contrario, la collecte de données plus fine (par heure ou demi-heure) « n’est pas automatique » et ne peut se faire qu'avec l'accord de l'usager. Néanmoins, le gestionnaire du réseau de distribution peut ponctuellement les récupérer « lorsqu’elles sont nécessaires à l’accomplissement des missions de service public » précise la commission des libertés. Par exemple pour planifier l'entretien du réseau ou y intégrer des énergies renouvelables.
De même, la transmission de données à un tiers ne peut se faire qu'après accord du consommateur. Dans tous les cas, l'abonné peut consulter ses relevés, activer ou supprimer la collecte horaire et suspendre la transmission à des tiers depuis son espace client. Ces options peuvent être modifiées aussi souvent que nécessaire.
Un stockage des données local arrive sur Linky
Si le code de l'énergie prévoit que les données peuvent être stockées en local sur le compteur, ce service « n’est pas encore mis en place par Enedis pour des raisons techniques » précise la CNIL, sans plus de détails. Lorsque ce service sera en place, l'abonné pourra alors garder l'ensemble des données de consommation dans son compteur, sans les transmettre au gestionnaire de réseau ou à un tiers.
« L’abonné devra pouvoir faire ce choix à tout moment, sans avoir à justifier sa décision » ajoute la CNIL. De plus, l'ensemble des relevés pourra être supprimé du compteur par l'abonné s'il le souhaite, pratique en cas déménagement par exemple.
La CNIL rappelle enfin que les données envoyées par les compteurs communicants sont chiffrées et qu'elles « ne contiennent pas de données directement identifiantes (nom, adresse, etc.) : l’affectation de la donnée au client est faite dans les systèmes d’information du gestionnaire du réseau de distribution ».
Faible exposition aux ondes pour l'ANFR, « risques sanitaires peu probables » pour l'ANSES
Pour rappel, au cours des derniers mois, plusieurs agences se sont penchées sur le cas des compteurs Linky et Gazpar concernant les ondes émises. En mai de l'année dernière, l'ANFR était la première à ouvrir le feu et annonçait une exposition très faible pour les consommateurs.
En septembre, l'agence nationale des fréquences persistait dans sa conclusion avec des mesures en conditions réelles : « Ces faibles niveaux d’exposition relevés en laboratoire et chez des particuliers confirment que la transmission des signaux CPL utilisés par le Linky ne conduit pas à une augmentation significative du niveau de champ électromagnétique ambiant ».
En décembre, c'était au tour de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) de rendre son verdict : « Les données disponibles à ce jour amènent l’Agence à conclure à une faible probabilité que l’exposition aux champs électromagnétiques émis par les compteurs communicants radioélectriques (gaz et eau) et les autres (électricité), dans la configuration de déploiement actuelle, engendre des effets sanitaires à court ou long terme ».
Les opposants restent actifs...
Bref, la CNIL, l'ANFR et l'ANSES ne relèvent pas de soucis particuliers avec les compteurs communicants, mais cela ne suffit pas à apaiser leurs opposants. Certains refusent en effet l'installation des nouveaux compteurs, quand la CNIL explique que « la généralisation des compteurs résulte d’une obligation légale de modernisation des réseaux qui répond à des directives européennes. Vous n’avez donc pas le droit de vous opposer au changement du compteur d’énergie de votre logement ».
Parmi les griefs, la question des ondes revient régulièrement, celle des données personnelles aussi, mais il y a également d'autres sujets de discorde. Par exemple, des utilisateurs s'insurgent que le fournisseur puisse couper le compteur Linky à distance.
L'UFC-Que Choisir fait le point et publie une étude
Cet été, l'UFC-Que choisir s'était penchée sur cette question. L'association explique que, légalement, Enedis ne peut couper l'électricité à distance que dans trois cas : quand un appartement est inoccupé et ne dispose plus d’un contrat de fourniture, pour délester le réseau temporairement et de manière sélective, et à la demande de l’occupant.
Par contre, « Enedis ne peut pas couper l’électricité à distance en cas d’impayé. La procédure prévue par la commission de l’énergie oblige Enedis à faire déplacer un technicien » ajoutait l'association. De plus, « sauf quelques cas fortement médiatisés qui nécessitent une analyse précise, l’UFC-Que Choisir ne dispose pas d’éléments prouvant que le compteur Linky entraîne une augmentation de la consommation et de la facture ».
Enfin, l'association prend les devants et réaffirme malgré tout qu'elle est défavorable à Linky à cause du « manque d’intérêt économique que présente le déploiement du compteur ». Pour rappel, son déploiement sur la France est estimé à 5 milliards d'euros.
Tout n'est pas rose non plus lors de sa mise en place. Selon une étude publiée fin septembre par l'UFC-Que Choisir sur plus de 2 000 de ses lecteurs équipés de Linky, 69 % le trouvent inutile et 26 % constatent au moins un dysfonctionnement. Plus problématique, l'association évoque « une scandaleuse impunité d'Enedis » : « Passage en force, défauts de câblage, refus de prise en charge des problèmes consécutifs à la pose de compteurs Linky. La société Enedis accumule les erreurs sans avoir à rendre de comptes ».
Autant dire que la situation ne va pas se régler d'un coup de baguette magique...
Crédits : UFC-Que Choisir