La Hadopi a détaillé dans les « jaunes budgétaires » ses prévisions pour 2018. Ces documents détaillent pour les parlementaires l’avenir de plusieurs institutions dans des secteurs déterminés. S’agissant de la haute autorité, plusieurs enseignements peuvent être tirés.
Au fil de ces pages (PDF), on découvre ainsi que la Hadopi entend devenir pour la période 2018-2020, un tiers de confiance pour caractériser les sites considérés comme massivement contrefaisants.
L’idée ? En coopérant avec les ayants droit, elle veut apporter un coup de pouce « en vue de renforcer l’efficacité et la pérennité des mesures judiciaires de blocage ou de déréférencement de ces sites ».
Une telle intervention pourrait se faire à droit constant comme l’a montré la récente étude du site Zone-Téléchargement.ws, qui a justement fait l’objet en parallèle d’une procédure de blocage avec d’autres sites de téléchargements directs comme l’a révélé Next INpact.
Un tiers de confiance, la question des sites miroirs
Il faut dire que du côté des pro-droit d’auteur, la question de l’efficience des mesures de blocage est « LE » sujet sur le feu. Trop souvent les sites changent de nom après une décision de blocage, contraignant les ayants droit à revenir devant un juge qui croule sous un agenda surchargé.
Sur ce point, le professeur Pierre Sirinelli, intervenant régulier au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), a développé quelques pistes d’évolution : il souhaiterait que les mesures de blocage décidées en France soient valables dans tous les pays européens.
Mieux, pour contrer la problématique des sites miroirs, il voudrait que les ayants droit puissent s’adresser directement aux fournisseurs d’accès pour leur ordonner la mise à jour de la liste noire.
La Hadopi n’est pas bavarde sur ce point. Elle indique simplement formuler « des propositions qui s’inscrivent dans un objectif de maîtrise des dépenses publiques, dans le respect des responsabilités incombant aux ayants droit pour les notifications aux sites, l’introduction des instances de blocage ou l’exécution des décisions par les fournisseurs d’accès Internet ».
Une convention avec le ministère de l’Éducation nationale
La même institution a d’autres projets en tête. Elle annonce pour la fin de l’année 2017, une convention signée avec le ministère de l’Éducation nationale. Son objectif ? « Engager un partenariat stratégique visant à fournir à l’ensemble des académies des ressources en ligne et à confier l’animation d’ateliers (théorie et activité créative) à un tiers spécialisé. »
En somme, une société privée sera chargée d’apporter la bonne parole de la propriété intellectuelle auprès des plus jeunes, avec des ressources taillées sur mesure par la Hadopi. Des outils pédagogiques à destination des jeunes, des parents, mais aussi des profs.
L'institution « souhaite d’ailleurs développer une sensibilisation particulière à l’égard des jeunes internautes présentant le taux de pratiques illicites le plus élevé. Elle viserait à les accompagner de manière positive vers de meilleurs usages numériques en mettant en avant les bénéfices réels du recours à l’offre légale ».
Des ressources budgétaires plus contraintes
Sur le terrain de la riposte graduée, l’année 2017 et surtout l’année 2018 contraignent désormais ses ressources budgétaires.
La Hadopi est en effet tenue de compenser les fournisseurs d’accès. Un vœu rédigé en 2009 lors de la gestation de la loi, mais exaucé seulement en mars 2017, après une mise à l’index du ministère de la Culture par le Conseil d’État.
Pour 2017, elle avait eu une rallonge de 500 000 euros pour couvrir cette obligation survenue en cours d’année. Cette somme doit également soutenir « la prise en charge à hauteur de 50 % de la mise à disposition d’un agent en tant qu’expert national détaché auprès de la Commission européenne », l’autre moitié étant prise en charge par le ministère de la Culture.
Entre l’exécution 2016 et les prévisions 2018, la Hadopi se doit désormais d’allouer plus de 1,4 million d’euros en dépenses de fonctionnement, là où seront piochées les indemnisations dues aux fournisseurs d’accès dans l’identification des adresses IP.
Bientôt de nouveaux FAI visés par la Hadopi
Combien exactement seront versés aux FAI en 2018 ? Selon les barèmes publiés au Journal officiel, les quatre gros fournisseurs d’accès toucheront chacun pour l’année prochaine 80 000 euros de la Hadopi, soit 320 000 euros HT.
À cela s’ajoutera les demandes non forfaitaires payées 160 euros par wagon de fichiers envoyés chaque jour ouvré, soit 166 400 euros HT pour l’année à venir. En ajoutant les demandes individuelles payées 18 euros pièces, la somme totale devrait s’étendre entre 500 000 et 600 000 euros selon les estimations.
Mais ces sommes devraient s’élever davantage encore l'année prochaine, puisque le jaune budgétaire anticipe déjà « l’inclusion (…) de nouveaux FAI conduisant à une hausse du montant des compensations de l’ordre de 100 000 euros entre 2017 et 2018 ».
En clair, la Hadopi entend désormais frapper bientôt à la porte des FAI disposant de parts de marché plus modestes. Nous y reviendrons plus en profondeur.
Des avertissements plus ciblés, plus de transmission au parquet
S’agissant des avertissements enfin, la Hadopi poursuit sur sa lancée engagée ces dernières années, à savoir des avertissements plus ciblés.
Elle promet « le renforcement du volet pénal de son action en cas de réitération de faits de contrefaçon malgré les avertissements envoyés » et annonce « des saisines plus nombreuses de l’autorité judiciaire, dans le respect de la volonté du législateur de ne pas engorger les tribunaux ». L’autorité si pédagogique veut aussi se montrer énergique.
Sans fournir d’estimation précise, elle annonce toujours « des actions menées sur le double terrain contraventionnel et délictuel pour les cas de '"piratage" considérés comme les plus graves », sachant qu’un dossier relatif au défaut de sécurisation peut être par la suite requalifié en contrefaçon si les faits glanés par la haute autorité sont assez solides.
Ce poste reste fondamental pour l’institution, même si celle-ci dispose d’autres missions, notamment sur l’offre légale.
Selon les prévisions 2017, 279 000 seront ainsi dépensés pour couvrir les « dépenses d’investissement de l’établissement, portant majoritairement sur les installations informatiques : maintenance évolutive du système d’information cible, renouvellement du matériel de sécurisation des réseaux et extension du stockage du réseau administratif et du réseau dédié à la réponse graduée ».