Les grandes entreprises contraintes de dévoiler une batterie d’informations « extra-financières »

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Les grandes entreprises contraintes de dévoiler une batterie d’informations « extra-financières »
Crédits : DragonImages/iStock/Thinkstock

Pour tous leurs exercices ouverts à compter du 1er septembre, les grandes entreprises françaises devront dorénavant dévoiler différentes informations non financières : évolution des rémunérations, mesures prises contre le changement climatique ou en faveur de l’égalité hommes femmes, etc. Il s’agira toutefois d’une simple mise en ligne, non d’un véritable Open Data.

Il ne s’agit pas encore d’une diffusion des chiffres relatifs aux bénéfices réalisés (ou aux impôts qui en découlent) selon les pays d’implantation, mais cela reste malgré tout un premier pas vers plus de transparence. La France s’est décidée à transposer, par ordonnance et dans la torpeur de l’été, la directive européenne relative à la « publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes ».

Complété par un décret en date du 9 août, le dispositif s’apprête donc à prendre pleinement son envol. Pour résumer, les entreprises dépassant certains seuils devront publier à l’avenir une « déclaration de performance extra-financière » (en remplacement de l’actuel rapport de responsabilité sociale des entreprises, ou « RSE ») :

  • À partir de 20 millions d'euros de bilan, 40 millions d'euros de chiffre d'affaires net et 500 salariés permanents employés au cours de l'exercice (en moyenne) pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé
  • À partir de 100 millions d'euros de bilan, 100 millions d'euros de chiffre d'affaires net et 500 salariés permanents employés au cours de l'exercice (en moyenne) pour les sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé

« C’est ainsi que les petites et moyennes sociétés cotées ne sont plus soumises [au RSE], ce qui constitue une importante mesure de simplification » se félicitait le gouvernement à l’issue du Conseil des ministres du 19 juillet dernier. « En outre, le nouveau dispositif exempte les filiales de produire une telle déclaration, dès lors que les informations les concernant sont présentées par la société tête de groupe de façon consolidée », poursuivait-il.

Une batterie d’informations éparpillées sur les sites des différentes sociétés

Lorsque « cela s'avère pertinent », chaque entreprise concernée par ce dispositif sera tenue de faire la lumière sur les incidences de son activité, tant sur un plan social et environnemental qu’en matière de respect des droits de l'homme et de la lutte contre la corruption.

Les informations devant être dévoilées sont ainsi assez vastes : « les conséquences sur le changement climatique de l'activité de la société et de l'usage des biens et services qu'elle produit ; ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l'économie circulaire, de la lutte contre le gaspillage alimentaire ; les accords collectifs conclus dans l'entreprise et leurs impacts sur la performance économique de l'entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés ; les actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités » (voir le détail à l’article 2 du décret).

décret informations extra-financières

Exemple d'informations devant être publiées en vertu du décret

Un véritable chemin de croix

Chaque déclaration devra être mise à la « libre disposition du public » et rendue « aisément accessible sur le site Internet de la société dans un délai de huit mois à compter de la clôture de l'exercice ». Passé cinq ans, l’entreprise ayant élaboré le document pourra le faire disparaître de ses serveurs.

Même si les grands groupes sont enjoints à mettre en parallèle « les données observées au cours de l'exercice clos et, le cas échéant, au cours de l'exercice précédent, de façon à permettre une comparaison entre ces données », force est de constater que le moindre petit exercice de mise en perspective risque de tourner rapidement au parcours du combattant.

Et pour cause. Il n’est pas prévu de publication de données au format ouvert et librement réutilisables, mais la simple diffusion d’informations présentées selon le souhait de chaque entreprise. On peut ainsi imaginer que certains s’amuseront à scanner un rapport de façon à ce qu’il soit encore plus difficile d’en extraire des données...

Difficile - pour ne pas dire impossible - dans ces conditions de se lancer dans une comparaison, d’autant qu’il faudra aller chercher chaque déclaration sur le site de chaque entreprise... L’association Regards Citoyens, qui milite pour une meilleure diffusion de l’information publique, avait ainsi eu l’occasion de pointer du doigt le manque de transparence de certains grands groupes, « peu coopératifs car ils savent les conséquences que ça a sur l'opinion publique ».

Si jamais une entreprise ne se pliait pas à ces nouvelles obligations, « toute personne intéressée » pourrait demander à la justice d’ordonner, éventuellement sous astreinte, la communication de la déclaration d’informations extra-financières manquant à l’appel.

À quand la transparence sur les données financières ?

Les regards se tournent désormais vers Bruxelles, où la Commission européenne porte depuis l’année dernière un projet de directive censé imposer la transparence sur les données financières des grandes multinationales qui disposent d’au moins une filiale sur le Vieux continent (voir notre article).

La France a failli prendre les devants sur ce texte, puisque la précédente majorité avait voulu contraindre, au travers du projet de loi « Égalité et citoyenneté », les sociétés au chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros à mettre en ligne chaque année un rapport contenant des informations relatives à leur nombre de salariés, leur chiffre d’affaires net, le montant de l’impôt sur les bénéfices acquitté, etc. Le tout pays par pays, et « dans un format de données ouvertes, gratuites, centralisées et accessibles au public ».

Le Conseil constitutionnel a toutefois retoqué ce dispositif prévu pour entrer en application dès 2018. Tout en reconnaissant que le législateur avait voulu, « par une mesure de transparence, éviter la délocalisation des bases taxables afin de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales » (objectif de « valeur constitutionnelle » selon les « Sages »), le juge a estimé que l’atteinte à la liberté d’entreprendre était malgré tout « manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ». Une interprétation qui avait choqué de nombreuses associations luttant contre la corruption.

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