Saisis en mai, les Sages estiment la licence légale extensible aux webradios, sans atteinte à la Constitution. Cette mesure sert l'intérêt général, pensent-ils, sans interférer dans les accords commerciaux des ayants droit avec les services de streaming en ligne.
N'en déplaise à certains ayants droit, les radios en ligne pourront continuer de diffuser leurs morceaux sans autorisation préalable. C'est ce qu'a décidé le Conseil constitutionnel, après saisine par le Conseil d'État en mai, sur demande de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP).
Impossible de s'opposer à la diffusion (rémunérée)
Dans sa question prioritaire de constitutionnalité, la société attaque l'extension de la licence légale aux radios en ligne, via la loi Création du 7 juillet 2016. La modification de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle qu'elle a engendré ne leur convient guère. Dans ce cadre, les producteurs ne peuvent pas s'opposer à la diffusion de leurs contenus sur les radios hertziennes ou en ligne, à condition que ces dernières ne soient pas interactives.
En échange, les ayants droit sont rémunérés via la Société pour la perception de la rémunération équitable (SPRE). Sont explicitement exclus les services de radio principalement dédiés à un artiste, auteur ou album, ainsi que les plateformes de streaming classiques, comme Spotify ou YouTube, où l'utilisateur influe sur la programmation.
Pas d'entraves aux libertés selon les Sages
Ces producteurs affirmaient que cette licence légale étendue porte atteinte à leur droit de propriété, ainsi qu'à leurs libertés contractuelle et d'entreprendre. Le législateur aurait aussi mis à mal la sécurité juridique des contrats déjà signés, en n'imposant pas de période transitoire avant l'application de la mesure. Le Conseil constitutionnel répond que cette licence légale ne constitue en rien une privation de la propriété des artistes sur leurs oeuvres ou un déni des libertés.
Selon l'institution, la disposition n'entraine aucune atteinte au droit moral des artistes, ni de méconnaissance de l'égalité devant la loi, l'extension de la licence légale n'entrainant « aucune différence de traitement ». Elle note que cette extension aux radios en ligne exclut bien les plateformes interactives, comme Spotify ou YouTube, considérées commme concurrentes des ventes d'albums.
Recherche de l'intérêt général
La mesure se justifie aussi par la recherche de l'intérêt général. Le législateur a voulu « favoriser la diversification de l'offre culturelle proposée au public », pense le Conseil constitutionnel. Il peut donc porter une limite à la liberté d'entreprendre des producteurs, tant qu'elle est proportionnée. Pour l'institution, elle l'est bien.
Cette analyse était précédemment partagée par les représentants de l'Etat, pour qui le partage à parts égales des revenus des radios était plus équitable que celui issus des accords entre les artistes, producteurs et services exploitant les œuvres. Ces derniers accords sont toujours au centre de vives discussions entre les plateformes de streaming et les labels, alors que ce mode de consommation est perçu comme la future poule aux œufs d'or de l'industrie musicale.
Spotify, le leader du marché, bataille dur avec les maisons de disque, faisant des concessions sur l'utilisation en échange d'une rémunération réhaussée sur chaque écoute. En avril, il a signé un accord avec Universal Music Group laissant la possibilité de réserver un temps certains albums aux membres payants, alors que les ayants droit réclament plus de données sur les habitudes des internautes.