Google a décidé de bloquer les publicités dans Chrome sur les sites qui ont des pratiques néfastes. De quoi changer la donne pour le secteur, d'autant que les éditeurs ne maitrisent pas toujours leurs espaces. Le géant du Net en profite pour lancer Funding choices qui mettra en avant son service Contributor.
Google passe à l'offensive. Si l'on savait que le géant du Net se préparait à agir contre les dérives publicitaires et la montée en puissance du blocage par les utilisateurs, son plan d'action est désormais en partie officiel.
Comme prévu, cela passera notamment par Chrome. Dans un billet de blog, on apprend ainsi qu'en complément du blocage des pop-ups, certains formats publicitaires ne seront plus autorisés. La société précise que cela concernera aussi bien celles distribuées par ses outils que par ceux de la concurrence, et que les règles seront principalement celles établies par la Coalition for Better Ads, les Better Ads Standards.
- La liste des formats publicitaires à éviter sur mobile
- La liste des formats publicitaires à éviter sur ordinateur
30 jours pour réagir en cas de problème, ou toutes les publicités seront bloquées
Il faudra donc que les éditeurs apprennent à dire adieu aux interstitiels et autres publicités qui lancent du son par défaut ou sont animées de manière trop « active ». Ce blocage sera mis en place début 2018, laissant aux acteurs du marché quelques mois pour paniqu... se préparer.
D'autant que ce blocage, une fois actif, ne fera pas dans le détail. En cas d'infraction, une notification sera donnée par email, et si rien ne change, Google précise que « Chrome filtre les annonces de votre site si l'état de votre rapport relatif à l'expérience publicitaire correspond à "Échec". Par conséquent, quelle que soit la région dans laquelle ils se trouvent, les internautes qui consulteront vos pages avec le navigateur Chrome ne verront pas les annonces qui y sont diffusées ».
Cela interviendra dans les « 30 jours calendaires après l'affichage de la notification dans le rapport relatif à l'expérience publicitaire ». C'est donc le temps qu'un éditeur aura pour corriger les choses et le faire savoir à Google, notamment en demandant un nouvel examen de son site.
Attention, s'il est possible de faire une demande aussi souvent que vous le souhaitez, « à partir de la troisième demande, le démarrage de l'examen est différé de 30 jours ». Notez tout de même que les résultats seront gérés de manière différente pour ordinateur et pour mobile. Une action sur l'un n'entrainera pas forcément une action sur l'autre.
Une tolérance plus ou moins forte selon les cas
Il existe tout de même différents niveaux d'action, notamment avec la notion d'avertissement. En effet, si Google détecte « un certain nombre d'expériences publicitaires qui ne respectent pas les normes Better Ads Standards. Vous devez résoudre les problèmes le plus rapidement possible et soumettre votre site pour un nouvel examen ». C'est seulement si vous ne le faites pas que vous passerez en statut d'échec, et donc dans la procédure vous laissant 30 jours pour réagir.
Notez qu'une situation peut vous mener directement à ce statut : si vous diffusez ce que Google nomme les expériences publicitaires nuisibles. Plusieurs possibilités sont ici évoquées, dont la plupart correspondent à des formats qui faisaient déjà l'objet d'actions de la part du géant du Net. Ce sera ainsi le cas lorsqu'une publicité :
- Fait appel à des logiciels malveillants ou indésirables qui peuvent être installés sur l'ordinateur de l'internaute.
- Conduit à une tentative d'hameçonnage.
- Vise à tromper l'internaute pour l'inciter à télécharger un logiciel (malveillant ou non), ou à installer un logiciel malveillant ou indésirable.
- Entraîne une redirection automatique sans intervention de l'internaute.
- Fait intervenir des composants qui prêtent à confusion (tels qu'un bouton de fermeture qui ne ferme pas l'annonce, mais effectue un clic sur cette dernière ou renvoie vers un autre contenu).
- Présente un contenu trompeur destiné à piéger l'internaute. Par exemple, l'annonce peut sembler correspondre à un message système tel qu'un bouton de mise à jour.
La publicité automatisée va devoir se réformer
Ceux qui connaissent le marché publicitaire savent que cette notion introduit une problématique importante : celle de la programmatique. En effet, désormais les publicités sont placées de manière presque totalement automatisée sur de nombreux sites. Les éditeurs ne savent ainsi par toujours ce qui est affiché, sous quelle forme et de quelle manière.
C'est notamment ce qui est à l'origine de nombreux abus, des centaines de trackers par page aux scripts malveillants. C'est aussi ce qui avait poussé la CNIL à préciser ses règles récemment pour établir les différents cas et les responsabilités de chacun dans de telles situations.
Mais avec la possibilité d'un blocage des publicités par un navigateur aussi présent que Chrome, le contrôle va devoir se renforcer. Une plateforme publicitaire qui laisserait par exemple passer une redirection vers l'App Store d'Apple comme cela arrive encore souvent sur certains sites pourrait mener à un blocage généralisé de ses clients.
Autant dire que ces derniers risquent de renforcer leur vigilance. Certains regretteront d'ailleurs sans doute que Google ait dû commencer à taper du poing sur la table pour que de telles actions soient prises, alors que de nombreux acteurs alertent sur ce sujet depuis des années.
Vendre les données, ses contenus ou des abonnements
Tout cela devrait aussi venir renforcer des tendances fortes dans les modèles économiques du web, et qui sont parfois les unes à l'opposé des autres. Celle qui tend à se déporter de la publicité traditionnelle pour plutôt collecter, utiliser voire revendre les données des visiteurs. Une solution qui va sans doute être freinée par la mise en place d'ePrivacy et du RGPD dès l'année prochaine.
D'autres préfèreront donc vendre plutôt leur influence et leur contenu afin de mettre leurs pages au service de la communication des marques. À l'inverse, ceux qui veulent préserver les données de leurs membres et la neutralité de leurs contenus vont miser de manière croissante sur les abonnements, que ce soit pour la presse ou les services.
Un outil d'alerte mis en place
« Nous savons que de nombreux développeurs tirent la majeure partie de leurs revenus de la publicité en ligne, et nous voulons rendre le respect de ces règles aussi simples que possible » explique Google, qui précise que ces dernières années les utilisateurs n'ont eu de cesse de se plaindre des pratiques du secteur, notamment en installant des bloqueurs en tout genre. 30 % de plus rien que l'année dernière selon PageFair.
Pour simplifier la vie de ceux qui sont concernés, un outil a été mis en place : le rapport relatif à l'expérience publicitaire. Intégré au sein des Web tools de la Search Console, il permettra à chacun de savoir si l'expérience de ses sites n'est pas conforme aux règles sur ordinateur ou sur mobile.
Seuls les propriétaires identifiés d'un domaine peuvent avoir accès aux résultats. « Si notre système d'examen détecte à plusieurs reprises des expériences publicitaires de nature à gêner vos utilisateurs, elles seront répertoriées » précise Google qui détaille les choses sur cette page.
Enfin, notez que Google diffuse un guide des bonnes pratiques publicitaires, accessible à tous :
Funding choices et Contributor pour sensibiliser les utilisateurs (au profit de Google)
Dernière brique mise en place, celle qui intéresse directement Google. Avec Funding choices, la société permet aux éditeurs d'afficher un message d'alerte aux utilisateurs d'un bloqueur de publicité. Un marché occupé un moment par de nombreuses startups qui ont décidé de se lancer dans ce domaine, et qui ne verront sans doute pas d'un bon œil cette nouvelle concurrence.
D'autant que le géant du Net va en profiter pour mettre en avant son service maison qu'il a récemment décidé de relancer : Contributor. En effet, le message aura pour but d'inviter les visiteurs à réactiver la publicité ou à payer via cet outil pour s'en débarrasser. Bien entendu, Google touchera ici sa commission.
Là aussi des sociétés avaient décidé de se lancer sur un tel marché, Eyeo (Adblock Plus) en tête. Mais le poids de Google et ses liens déjà profonds avec de nombreux éditeurs devraient sans doute l'aider à convaincre. Pour le moment, Funding Choices est disponible en version bêta en Allemagne, en Angleterre, en Australie, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande.
Espérons qu'une fois proposé en version finale, il permettra de mettre en avant d'autres alternatives.