La valse des résultats trimestriels reprend, et c'est Netflix qui a dégainé en premier cette fois-ci. Le géant américain de la SVOD a manqué ses objectifs de recrutement de nouveaux abonnés, pourtant, l'entreprise est enfin parvenue à dégager un bénéfice en dehors des États-Unis.
Inéluctablement, Netflix poursuit son ascension. Le géant de la SVOD flirte avec la barre des 100 millions d'abonnés à travers le monde, mais ne l'a toujours pas franchie, alors que bon nombre d'observateurs s'y attendaient. Malgré ce contre-temps fâcheux, le groupe américain est encore très loin de la catastrophe.
Le bénéfice explose
Son chiffre d'affaires a en effet bondi de près de 35 % en un an, afin d'atteindre 2,637 milliards de dollars au premier trimestre 2017. Pour la première fois de l'histoire de l'entreprise, qui avait débuté avec de la location de DVD par correspondance, les revenus du streaming ont compté pour plus de 2,5 milliards de dollars sur les trois derniers mois. Un record que Netflix compte battre dès le prochain trimestre.
Autre bonne nouvelle, le bénéfice opérationnel de l'entreprise a été multiplié par plus de cinq en l'espace d'un an et s'établit désormais à 257 millions de dollars. Un score en partie dû aux progrès réalisés par Netflix en dehors des États-Unis. Habitué à cumuler les pertes à l'étranger, le géant américain a inscrit un bénéfice de 43 millions de dollars hors de ses terres. Un exploit qui ne devrait pas être renouvelé, sauf surprise, au prochain trimestre.
Le résultat net s'établit quant à lui à 178 millions de dollars, à comparer aux 28 millions enregistrés un an plus tôt à la même période.
Les marges retomberont au deuxième trimestre
Cette embellie n'est toutefois que de courte durée. En pratique, Netflix a retardé le lancement de certains de ses contenus, notamment la saison 5 de House of Cards au deuxième trimestre, décalant d'autant l'imputation des coûts liés dans ses comptes. Ainsi, de 9,7 % de marge opérationnelle entre janvier et mars, l'entreprise passera plutôt à 4,4 % sur les trois mois suivants. Un recul qui ne remet toutefois pas en cause l'objectif de 7 % sur l'année.
Il sera également intéressant de voir quelle manière l'EBITDA du spécialiste de la SVOD évoluera. Netflix prévoit en effet de lever de nouvelles dettes lors de ce trimestre, ce alors que son taux d'endettement est déjà élevé. Il s'établit à environ 4,1x l'EBITDA des douze derniers mois, avec une dette brute à long terme de 3,365 milliards de dollars.
Ces nouveaux emprunts seront nécessaires dans la mesure où Netflix brûle 2 milliards de dollars de liquidités chaque année en raison de ses importants investissements dans les contenus à fournir à ses abonnés. Les caisses sont toutefois loin d'être vides, avec quelques milliards encore bien au chaud.
Un recrutement qui se tourne de plus en plus à l'extérieur
Côté recrutement, comme nous l'expliquions plus haut, Netflix a loupé de peu la barre des 100 millions de clients. Au 31 mars, le service comptait 98,75 millions d'utilisateurs, dont 94,36 millions d'abonnés payants. Le reste étant principalement formé de personnes profitant de leur mois d'essai gratuit ou d'une offre similaire.
Sur le seul premier trimestre, ce sont 4,95 millions de clients qui ont rejoint le géant de la SVOD. La tendance observée depuis 2014 avec une part de plus en plus importante de nouveaux clients ne provenant pas des États-Unis se confirme encore, puisque seuls 1,42 million de nouveaux arrivants sont américains, contre 3,53 millions dans le reste du monde. Sur le cumul global, Netflix se rapproche d'une parité entre son nombre d'abonnés étrangers (47,89 millions) et ceux sur le territoire américain (50,85 millions).
À l'étranger, les performances dépendent des régions du monde. Netflix se dit « très satisfait » de sa croissance en Amérique du Nord, en Amérique Latine et en Europe, mais assure avoir « beaucoup de progrès à faire » ailleurs dans le monde, notamment en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. La société ne dit d'ailleurs pas inquiète, ayant déjà eu à relever ce genre de défis en Amérique du Sud.
Dans le détail des recrutements, on peut noter que les chiffres sont moins bons qu'il y a un an, aussi bien aux États-Unis qu'ailleurs. La société justifie ce recul par le fait qu'au premier trimestre 2016, elle avait profité de son lancement dans 130 pays, ce qui avait provoqué un pic de recrutements. Pour le reste, elle précise qu'une partie des abonnements attendus avant mars ont été repoussés au deuxième trimestre, en raison du décalage du lancement de certains contenus. Un point qui explique le score attendu bien plus élevé que l'an passé pour les trois mois à venir.
Quand y'en ARPU...
Si les recrutements sont clairement tournés au large des États-Unis et que la parité s'approche entre le nombre de clients américains et les autres, les deux branches de l'entreprise sont encore loin d'obtenir les mêmes résultats comptablement parlant.
Ainsi, Netflix comptabilise 1,470 milliard de dollars de revenus avec ses 50,85 millions de clients américains, contre 1,046 milliard pour ses 47,89 millions d'abonnés étrangers. La marge brute est d'ailleurs bien plus élevée aux États-Unis (606 millions de dollars) que dans le reste du monde (43 millions de dollars).
Selon le géant de la SVOD, la différence se trouve au niveau de l'ARPU (revenu moyen par abonné), plus faible en moyenne dans le reste du monde que chez l'oncle Sam, notamment du fait de pratiques tarifaires différentes et des fluctuations monétaires. Netflix affirme travailler sur ce point, et met en avant une hausse de 12 % sur un an de son ARPU auprès de ses clients étrangers, sans donner de chiffre précis pour autant.
Un milliard pour le marketing en 2017
Pour continuer sa progression dans le monde entier, Netflix entend mettre les bouchées doubles sur sa communication, avec un plan de plus d'un milliard de dollars pour ses dépenses marketing en 2017. Cela passera bien évidemment par de la publicité sur Internet (avec l'achat d'espaces en programmatique), ou par des « évènements et activités » à destination des journalistes et autres influenceurs.
Le géant de la SVOD compte aussi promouvoir ses contenus au travers d'autres moyens, notamment en proposant certains de ses programmes à des partenaires. L'entreprise cite ainsi un exemple d'opération avec le câblo-opérateur Comcast qui avait pu offrir a certains de ses abonnés un accès d'une semaine aux contenus de Netflix un peu plus tôt ce mois-ci. Il sera d'ailleurs intéressant de voir si ce type d'action ponctuelle s'étendra à la France.
Pas peur de la concurrence
Reed Hastings, le PDG de Netflix, a enfin pris la parole pour s'emparer d'un sujet bouillant, celui de la concurrence grandissante qui s'organise autour de son entreprise. De plus en plus de sociétés comme Hulu, Sony (PlayStation Vue), Sling ou Google (YouTube TV) proposent des bouquets de chaînes payantes en dehors des offres des câblo-opérateurs, un sursaut de concurrence qui ne plait pas vraiment aux investisseurs de Netflix.
Le responsable a donc tenu à les rassurer. « Nous pensons que les distributeurs virtuels de programmes vidéo (ou VMVPD) ont plutôt vocation à concurrencer les distributeurs existants puisqu'ils proposent les mêmes bouquets de chaînes à 30 ou 60 dollars par mois, et peuvent séduire la part de la population qui ne dispose pas déjà d'une offre de télévision payante. Mais nous ne pensons pas qu'ils auront un impact sur nous, car Netflix est largement complémentaire à ces offres. », pose-t-il. « Et puis nous nous concentrons sur la télévision à la demande, sans publicité, plutôt que sur le direct financé par la publicité » balaye ensuite le dirigeant.
Autre caillou dans la chaussure de Netflix : Amazon, qui va enrichir son offre Prime Video avec la diffusion de matchs de football américain. Là encore, la situation n'inquiète pas Reed Hastings, qui estime que son concurrent fait ici une mauvaise opération. « Ce n'est pas une stratégie qui nous sied, puisque nous pensons que nous pouvons attirer plus d'audience et de satisfaction en dépensant cet argent dans des films et des séries ». Pourtant, dans le domaine de la télévision payante, le sport a souvent été un produit d'appel très largement mis en avant dans les bouquets des diffuseurs, avec son lot de succès et de déconvenues.