En fin de semaine dernière, les sénateurs ont adopté, en la modifiant quelque peu, l’obligation pour les plateformes de mise en relation de notifier au fisc les revenus de leurs utilisateurs.
Le Sénat a donc voté l’article 19 ter du projet de loi de finances rectificative pour 2016. Cette disposition va avoir des effets mécaniques directs pour les utilisateurs d’eBay, Airbnb, Uber, Priceminister... Du moins ceux qui arrondissent leurs fins de mois via ces intermédiaires.
Ces plateformes devront en effet adresser chaque année à l’administration fiscale une déclaration électronique, mentionnant, pour chacun de leurs utilisateurs présumés redevables de l’impôt en France, tout un lot d’informations :
- Pour une personne physique, le nom, le prénom et la date de naissance de l’utilisateur ;
- Pour une personne morale, la dénomination, l’adresse et le numéro Siren de l’utilisateur ;
- L’adresse électronique de l’utilisateur ;
- Le statut de particulier ou de professionnel caractérisant l’utilisateur sur la plateforme ;
- Le montant total des revenus bruts perçus par l’utilisateur au cours de l’année civile au titre de ses activités sur la plateforme en ligne, ou versés par l’intermédiaire de celle-ci ;
- La catégorie à laquelle se rattachent les revenus bruts perçus ;
Et encore, cette liste n’est pas définitive, puisqu'un décret programmé par le législateur pourra ajouter à ce stock « toute autre information (…) à titre facultatif ou obligatoire », non encore précisées dans le marbre de la loi.
Deux ajustements votés au Sénat
L’article a été voté par les sénateurs avec deux ajustements qui devront être arbitrés avec les députés.
D’une part, seules seront obligées les plateformes de « mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service » (2° du I. de l’article L111-7 du Code de la consommation).
Sur ce point, l’Assemblée nationale avait vu plus large encore, en intégrant ceux qui classent ou référencent au moyen d’algorithmiques les contenus de tiers, et donc les comparateurs de prix et les moteurs de recherche.
Autre adaptation : alors que les députés voulaient déporter cette obligation au 1er janvier 2019, les sénateurs ont prévu sa mise en œuvre une année plus tôt, au 1er janvier 2018.
Pour un meilleur recouvrement de l'impôt
Ces dispositions « participent au combat pour un meilleur recouvrement de l'impôt », s’est félicité en séance le sénateur Richard Yung. Dans la logique de l'amendement, les gains calculés par Bercy pourront en effet être déportés dans les déclarations préremplies que doivent signer les contribuables.
Ajoutons que suite à l’adoption de la loi de finances pour 2016, les plateformes devront adresser également un récapitulatif des transactions à leurs abonnés. Un décret notifié à la Commission européenne est sur la rampe.
Les internautes recevront au final deux documents annuels : ce récapitulatif mais aussi une copie de la notification adressée automatiquement au fisc.
Une disposition impraticable
Contacté, Benjamin Moutte-Caruel, ne décolère pas. « La notion de revenus bruts est impraticable » considère le responsable juridique de Priceminister. Et pour cause, ces intermédiaires n’ont connaissance que du montant des ventes cumulées par une personne outre la commission prélevée, mais sans plus. « Et le prix vendu ne quantifie pas le revenu ! »
De même, l’intermédiaire devra souffler à l’oreille du fisc le statut de particulier ou de professionnel caractérisant l’utilisateur. Or, il s’agit d’un critère tout aussi flou, uniquement déclaratif aux yeux des plateformes. Juridiquement, il revient en effet aux tribunaux, in fine, de déterminer si tel utilisateur peut être requalifié en commerçant, parce qu’il a effectivement réalisé des actes de commerce (achats pour reventes, etc.).
Un problème concurrentiel entre les plateformes
« Cette disposition engendre aussi un vrai problème concurrentiel entre les places de marchés comme Priceminister ou eBay et les sites d’annonces, qui, une fois de plus, ne sont pas concernés ».
Le risque est que ces couches successives sur ce premier groupe incitent les internautes à se rendre par exemple sur LeBonCoin, qui échappe à une telle régulation. « Et encore, le texte va se heurter aux réalités » ajoute le juriste de Priceminister. Comment faire par exemple lorsqu’une personne ou un foyer a plusieurs comptes, en utilisant des noms différents et des adresses bidon ?