Une sénatrice veut une autorité pour « préjuger » de l’illicéité des contenus du Net

La blague au doigt
Droit 3 min
Une sénatrice veut une autorité pour « préjuger » de l’illicéité des contenus du Net
Crédits : Marc Rees (licence CC-BY-SA 3.0)

Au travers d’une proposition de loi, une sénatrice prône l'instauration d'une autorité administrative indépendante qui statuerait sur l’illicéité (ou non) de contenus litigieux publiés sur Internet. Les hébergeurs, FAI ou moteurs de recherche qui suivraient ses avis – rendus au cas par cas – bénéficieraient d’une exonération de responsabilité.

Comment distinguer une blague vulgaire d’un acte de sexisme ? Juger que tels propos relèvent de la diffamation ou que d’autres font l’apologie du terrorisme ? Les hébergeurs sont souvent confrontés à des casse-têtes de ce type, la loi les obligeant à supprimer (et/ou à dénoncer aux autorités) de nombreux écarts de langage émanant de leurs utilisateurs : incitation à la haine raciale, négationnisme, discours homophobes...

On pourrait également parler du « droit à l’oubli » en vigueur en Europe depuis l’arrêt « Google Spain » de 2014. Pour le piratage, la problématique est similaire : les hébergeurs de fichiers (ou les plateformes de vidéos, à l’image de YouTube) sont tenus de retirer promptement tout contenu qui leur est signalé comme étant manifestement illicite.

Sauf qu’il y a parfois des erreurs – tant du côté de ceux qui notifient un contenu qu’ils jugent illégal, que de ceux qui ont la charge d’examiner ces requêtes. Aujourd'hui, seul le juge peut, en bout de course, dire si un contenu est licite ou illicite.

Des « requêtes en qualification » de contenus litigieux

Pour sécuriser le travail des intermédiaires, la sénatrice Nathalie Goulet vient toutefois de déposer une proposition de loi « portant création d'un Ombudsman [sorte de Défenseur des droits, ndlr] compétent pour qualifier le contenu sur l'internet de licite ou illicite ». Cette autorité administrative indépendante, composée d’un seul membre, issu de la CNIL, serait ainsi saisie de « requêtes en qualification » :

« Concrètement, cet Ombudsman interviendrait dans les cas où l’acteur de l’internet concerné par une demande de déréférencement, blocage ou suppression estimera ne pas posséder l’expertise nécessaire pour se prononcer avec certitude sur ladite demande. Le cas échéant, l’acteur de l’internet enclenchera la procédure en déposant une requête en avis auprès de l’Ombudsman, lequel devra rendre un avis définitif et non contraignant sur la qualification du contenu (illicite ou licite) sous 7 jours. »

Si le texte de l’élue UDI précise que l’Ombudsman n’aura « pas de compétence juridictionnelle », ses avis seront censés offrir une belle immunité aux demandeurs : « l’acteur de l’internet qui suit l’avis de l’Ombudsman bénéfice d’une exonération de responsabilité, tant au niveau civil que pénal », précise ainsi sa proposition de loi. En clair, Si l’autorité administrative indépendante dit que tel message litigieux ne relève pas d’un délit de diffamation par exemple, alors le réseau social qui l’aura maintenu ne pourra pas être attaqué en justice. L’auteur des propos pourra par contre faire l’objet de poursuites.

Exonération de responsabilité pour les intermédiaires

L’Ombudsman examinera chaque contenu « en exerçant un contrôle de proportionnalité entre le droit à l’information du public et le droit au respect de la vie privée et s’appuyant sur les dispositions pénales prohibant certains discours », poursuit le texte. L'institution sera en outre tenue au secret professionnel et ne pourra dévoiler ni l’identité de l’acteur de l’internet qui la saisit, ni celle de l’auteur du contenu litigieux.

« D’un point de vue pragmatique, fait valoir Nathalie Goulet, un régime d’exonération de responsabilité encouragerait les acteurs de l’internet à adopter un comportement proactif dans le traitement des demandes de déréférencement, blocage ou suppression sans craindre de subir des conséquences juridiques mais échappant également à un devoir de juger dans quelle mesure de telles demandes seraient constitutives d’une violation de la liberté d’expression. »

Restera maintenant à voir si cette proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour du Sénat, ce qui relève bien souvent du parcours du combattant. Le nombre de textes d’origine parlementaire est en effet bien supérieur à celui des créneaux disponibles...

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