À la fois association et entreprise, Voxe veut réconcilier les jeunes avec les échéances électorales. Partenariat avec Tinder, comparateur de programmes, questions aux candidats et débats physiques doivent attirer les « milléniaux ». Une vision notamment financée par Xavier Niel et Google, dont l'avenir post-2017 reste à définir.
Il y a une semaine, Tinder annonçait l'arrivée de son opération « Swipe Les Primaires », qui propose de déterminer de quel candidat l'on doit être proche, en fonction de réponses à un questionnaire. Une initiative qui rejoint celles de réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, qui se battent pour accueillir les débats autour de l'élection présidentielle de 2017.
C'est aussi un tremplin pour des organisations françaises, qui s'associent de plus en plus à ces acteurs américains. C'est le cas de Voxe.org, qui a conçu les questions posées par Tinder à ses membres.
L'objectif de Voxe, une association créée en 2012, soutenue par une entreprise lancée en 2014, est de réconcilier la jeunesse avec la politique. Un objectif partagé avec de nombreux acteurs en ligne aujourd'hui, mais dans lequel le service français s'est préparé dès la précédente présidentielle. « Le but est de mieux s'informer pour mieux s'engager. On va aider les internautes à bien s'informer en 30 secondes ou quelques minutes, en comparant les programmes des candidats et des modes d'action » nous affirme Léonore de Roquefeuil, la présidente de Voxe.
#Hello2017, pour s'engager dans la présidentielle
Depuis huit mois, l'équipe de neuf personnes (cinq permanents et quatre bénévoles) prépare son opération #Hello2017, lancée le 19 septembre, censée rendre l'échéance électorale compréhensible et concrète pour les jeunes. Elle repose sur quatre idées : s'informer (sur les enjeux du pays), comparer (les programmes des candidats aux primaires et à la présidence), interpeller (en posant des questions aux candidats) et se rencontrer (en contribuant ou en organisant des débats physiques).
L'une des principales composantes est donc le comparateur de programmes. Pour l'instant centrée sur la primaire de la droite et du centre, il a d'abord été actif pour la primaire des écologistes. Doivent ensuite suivre les programmes des candidats de LaPrimaire.org, de la primaire de gauche, à la présidentielle et aux législatives.
Si, à la base, les programmes devaient être remplis par l'association et les internautes, Voxe compte maintenant sur les équipes de campagne. « Nous sommes présents dans 19 pays. En France, on est devenus suffisamment connus et légitimes pour que ce soient les équipes des candidats eux-mêmes qui saisissent leur programme, via une interface contributeur » déclare Léonore de Roquefeuil.
Voxe valide ensuite les ajouts, et en apporte elle-même pendant les débats télévisés, sans contestation des partis sur le contenu. Les contributions des internautes sont aujourd'hui considérées « à la marge », une dizaine d'internautes à peine ayant contribué au suivi de la primaire de droite.
S'informer, interroger les candidats et discuter
Compter sur les candidats pour remplir le comparateur « nous évite un travail rébarbatif. Nous nous concentrons sur des contenus d'information qui nous permettent de comprendre ces programmes » affirme encore l'association. Celle-ci propose une analyse des enjeux de l'élection présidentielle en 30 secondes, 2 minutes ou 2 minutes 30, via des infographies dédiées.
Sur son site, Voxe propose également de poser des questions aux candidats aux primaires, et de soutenir des interrogations, via un partenariat avec Curious. Une opération déclinée sur le site du Figaro, où les candidats répondent à des questions d'internautes sur un thème hebdomadaire, choisi avec l'association.
« Sur notre plateforme, nous n'avons pas du tout les mêmes thèmes que sur Le Figaro, vu qu'on a une communauté bien plus plurielle politiquement » note sa présidente. Via son site, l'organisation reçoit « trois à cinq réponses de candidats par semaine » pour environ 210 depuis le lancement de #Hello2017 à la mi-septembre. D'autres initiatives doivent être mises en place dans les prochaines semaines avec d'autres médias, au fil de l'avancée de la campagne.
Loin des claviers, Voxe s'est associé à la jeune pousse Kawaa pour organiser des ateliers physiques, la Voxe Academy. L'occasion de discuter politique avec des gens censés être éloignés de son milieu habituel, via une méthode Polka (« café politique ») initiée par l'association. « La politique, c'est apprendre à parler de sujets qui fâchent avec des gens avec lesquels on n'est pas d'accord » estime Léonore de Roquefeuil, qui veut sortir des « chambres d'écho » que constitueraient les réseaux sociaux.
Des questions « clivantes », un bot Messenger et une newsletter
Malgré tout cela, le partenariat avec Tinder est un moyen simple de promouvoir l'association. Le réseau social et Voxe ont monté l'opération en deux semaines, avec un choix volontaire de questions clivantes. En important son format « Swipe The Vote » en France, le service américain a dû trouver rapidement un partenaire français.
« On a trouvé 13 sujets clivants, où les candidats avaient des positions divergentes » affirme l'équipe. Ceux-ci vont du rétablissement du service militaire obligatoire au port du voile à l'université, en passant par l'expulsion des fichés S étrangers. Un besoin d'extrême qui s'expliquerait simplement : « Dans une primaire partisane, les candidats sont plus d'accord ». La ligne politique des questions posées pour la primaire de gauche devrait donc elle-même bouger.
En parallèle, Voxe a mis en place un bot Messenger (Hellobot) pour s'informer sur l'élection et ses enjeux. C'est aussi le but de la lettre d'information hebdomadaire What The Voxe, qui analyse l'actualité et « donne des pistes d'engagement ». Celle-ci était d'ailleurs une ébauche de projet d'application « Newswatch » envisagée il y a quelques mois, qui devait fournir des données complètes sur des événements politiques, comme un projet de loi. « Il était vraiment intéressant de continuer avec ce format, plutôt que de partir sur une application » justifie l'équipe.
#Hello2017, une vitrine pour d'autres activités
L'ensemble des activités publiques de Voxe sont menées au sein de l'association. Une SAS a été créée en 2014, mais n'a pas encore généré de revenus, martèle l'équipe. Le but affiché de la société est de financer la partie associative, via une licence de marque.
En elle-même, celle-ci n'a fourni aucun chiffre d'affaires en 2012, avant qu'elle ne remporte un appel d'offre du ministère des Affaires étrangères (pour une plateforme dédiée aux élections européennes). Elle a ensuite reçu une enveloppe de 25 000 euros au concours des 101 projets de Xavier Niel, Marc Simoncini et Jacques-Antoine Granjon. C'est là que Léonore de Roquefeuil a quitté son travail, pour monter une SAS et se consacrer à plein temps au projet.
D'autres financements ont suivi, de la part de la mairie de Paris pour la COP21, de l'Open Society Foundation pour une opération en Amérique latine et de Google (via son Google Impact Challenge l'an dernier). « Ce concours nous a permis de remporter 200 000 euros, ce qui nous fournit de quoi voir venir » explique la présidente de l'association.
La plateforme Voxe.org, elle, doit rester libre et gratuite. Le code est open source et les données publiées sur data.gouv.fr, comme l'ont été celles des campagnes précédentes. « On a réfléchi à plein de modèles économiques autour du comparateur de programme, et on s'est rendus compte qu'on préférait ne pas monétiser les données ou le code » justifie l'organisation.
Des fonds à lever et un avenir post-électoral à réfléchir
Cette vitrine semble d'ailleurs porter ses fruits. « L'ensemble de notre travail commence à intéresser des organisations gouvernementales, qui vont nous demander de les aider à communiquer sur ce qu'ils font » explique l'équipe, qui dit avoir des « pistes très concrètes en ce sens ». L'entreprise doit permettre d'expérimenter de nouveaux modèles économiques, même si rien n'est encore en place. Une activité de séminaires de formation pour entreprises devrait, tout de même, voir le jour en janvier prochain.
Pour pérenniser Voxe, ses membres comptaient lancer une levée de fonds, comme ils l'expliquaient en juin au Figaro. Une initiative tombée à l'eau. Elle recherche maintenant plutôt des subventions, appels à projets et dons privés pour l'association, à l'image de ce dont elle a bénéficié jusqu'ici. « Nous ne communiquons pas sur les montants et les partenaires potentiels de notre levée en cours » conclut sa présidente à ce propos.
Les actions futures de l'entité doivent, elles, toujours s'inscrire dans la complémentarité entre opérations numériques et physiques. Elle compte lancer un tour de France en mars, pour emmener des jeunes à la rencontre d'autres « pendant un mois, avec une caravane ». Elle compte aussi se concentrer sur ses débats physiques, la Voxe Academy.
Au-delà de mai 2017, les projets de l'association/entreprise sont incertains. « On y réfléchit activement. On sait qu'on veut continuer à travailler à la fois en ligne et hors-ligne. Notre public cible est vraiment les milléniaux et on continue à tester des tas de choses pour mieux les engager et faciliter le passage à l'action » conclut Léonore de Roquefeuil.