Le groupe télécoms américain AT&T et Time Warner ont annoncé être entrés dans la dernière phase d'un rachat à plus de 85 milliards de dollars. Avec les réseaux du premier et les contenus du second, les deux groupes comptent écrire une nouvelle page dans la convergence entre télécoms et médias.
L'enthousiasme des actionnaires ne semble être égalé que par l'inquiétude des associations de consommateurs. Le premier opérateur américain AT&T a annoncé le rachat de Time Warner pour un montant estimé à 85,4 milliards de dollars (108,7 milliards en comptant la dette du dernier). Les deux sociétés entrent en « accord définitif », pour l'acquisition de marques aussi importantes que CNN, HBO et Warner Bros. Dans son communiqué, le groupe télécoms estime que ce rachat marque la « prochaine vague de convergence entre les industries des médias et des communications ».
Le mouvement n'est pas nouveau. L'an dernier, Verizon s'est ainsi récemment offert AOL et ses nombreux médias web. En France, bien entendu, ce sont les nombreux rachats de médias par Altice (SFR) qui viennent en tête. L'ensemble des activités de la société sont ainsi sous une même bannière, qui permet notamment à l'opérateur de jouer sur la TVA via son offre SFR Presse.
Des réseaux, des contenus et de la conquête
Dans les faits, AT&T vante les synergies entre ses réseaux et les moyens de production de contenus de sa future filiale, jugées comme inégalées. L'opérateur affirme voir l'avenir dans la vidéo sur mobile, et s'estime très bien placé dans la distribution de contenus, par Internet aux États-Unis, sur mobile au Mexique et sur TV en Amérique latine... Cela quand HBO est l'un des principaux distributeurs de vidéo dans 24 pays d'Amérique latine.
Pour l'acquérir, AT&T propose 107,5 dollars par action, qui atteint aujourd'hui près de 90 dollars. L'action de Time Warner a d'ailleurs grimpé de 7 % depuis l'annonce du rachat, quand celle du repreneur a baissé de 3 %. Le rachat sera effectué pour moitié en numéraire et pour moitié en actions AT&T. La partie en numéraire sera financée par un prêt relais de 40 milliards de dollars, qui doit servir à fournir l'argent dans un premier temps, avant d'obtenir un ou plusieurs prêts à un meilleur taux. À l'issue de l'opération, les actionnaires de la future filiale devront posséder entre 14,4 % et 15,7 % du futur ensemble.
Des synergies et des opportunités
D'un point de vue purement financier, l'offre a toutes ses chances de passer, tant le prix par action est élevé face au cours actuel. AT&T estime d'ailleurs que l'opération sera relutive dès la première année, en clair qu'elle améliorera rapidement les gains pour chaque actionnaire.
Dans son communiqué, le groupe télécoms s'attend à des synergies de coût d'un milliard de dollars les trois premières années, principalement sur les postes administratifs et l'approvisionnement. « À plus long terme, AT&T s'attend à s'emparer d'opportunités financières qu'aucune des deux entreprises n'aurait pu obtenir seule » explique la société.
De même, Time Warner doit compenser certaines difficultés, ses activités ayant besoin de très peu de dépenses en capital, contrairement à celles d'AT&T. Autre avantage : l'activité de Time Warner serait bien moins régulée que celle de sa future maison-mère, dans un combat permanent avec son régulateur. Dans l'absolu, la nouvelle filiale devrait compter pour environ 15 % du chiffre d'affaires de l'ensemble. Pour référence, au deuxième trimestre, AT&T a engrangé 40,5 milliards de dollars de revenus, contre 7 milliards pour Time Warner.
Une conclusion espérée avant fin 2017
Mais tout n'est pas encore réglé. Le « deal » doit encore obtenir l'approbation des autorités, principalement du département américain de la Justice. Le régulateur des télécoms, la FCC, pourrait également avoir son mot à dire si des fréquences sont transférées dans l'opération, ce que les deux entreprises sont en train de vérifier. Reste que la transaction ne concernera pas l'opérateur Time Warner Cable, dont le groupe s'est séparé en 2009.
Rappelons qu'AT&T n'est pas novice dans ce genre de rachat. En 2014, il avait acquis le service de télévision par satellite DirecTV pour 48,5 milliards de dollars. Le service est depuis devenu une brique de l'offre de l'opérateur américain.
L'annonce du rachat de Time Warner a bien fait lever quelques sourcils ce week-end... Dont ceux de Donald Trump. Lors d'un meeting, le candidat républicain à la présidence des États-Unis a affirmé qu'il s'opposerait au rachat s'il était élu, la nouvelle entité concentrant trop de pouvoirs à son goût. D'autres, comme des associations de consommateurs et de défense des libertés civiles, craignent la reconstitution du géant AT&T, qui avait un monopole sur les réseaux télécoms du pays.
Interrogé par le New York Times, le groupe affirme pourtant qu'il n'est aucunement question de réserver la distribution des contenus de Time Warner aux seules offres d'AT&T. L'intérêt de networks comme HBO serait justement plutôt d'être disponible partout. Rendez-vous l'année prochaine, donc, pour voir si le plan du géant des télécoms se déroule sans accroc. En attendant, l'entreprise doit tenir une conférence téléphonique à 14h30 pour discuter des détails de la transaction.