On l’oublie souvent, mais depuis la loi Macron, le consommateur ne peut exercer son droit de rétractation qu’à compter de la réception d'un bien acheté sur Internet. Une proposition de loi sénatoriale entend toutefois revenir sur cette réforme, perçue comme défavorable pour les particuliers.
« Si vous aviez acheté un bien sur Internet et que celui-ci tardait à être livré ou bien, si l'ayant acheté vous regrettiez immédiatement cet achat impulsif, à quel moment préféreriez-vous pouvoir exercer votre droit à rétractation ? Dès que possible, ou seulement à la livraison du bien ? » interroge faussement le sénateur François Pillet à l’appui de son texte, soutenu par plus de soixante-dix élus Les Républicains.
Le parlementaire rappelle que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi pour la croissance et l’activité, en août 2015, le droit de rétractation (cette période de quatorze jours au cours de laquelle le consommateur peut changer d’avis sans avoir à se justifier) pouvait s’exercer « à compter de la conclusion du contrat », donc avant la livraison. Cela « dispensait des coûts de réexpédition rendus nécessaires, une fois le bien livré, pour le renvoyer à son expéditeur », souligne François Pillet.
Pas de rétractation avant la réception du bien
Mais dorénavant, l’article L221-18 du Code de consommation prévoit que le droit de rétractation ne peut s’exercer qu’à compter de « la réception du bien par le consommateur ». Cela n’empêche pas certains cybermarchands de permettre les annulations de commandes avant l’expédition. Les consommateurs peuvent également obtenir, en cas de non-respect des délais de livraison et sous certaines conditions, un remboursement. Mais rien n’oblige les vendeurs à annuler de fait une commande avant qu’elle ne sorte de leur entrepôt.
Pour François Pillet, la vente « est ainsi un peu forcée », les coûts et « tracas de la réexpédition » étant de nature à « décourager l'acheteur de se rétracter ». Certains se souviendront que l’association de consommateurs UFC-Que Choisir avait elle aussi critiqué cette réforme. Quel intérêt en effet de remballer et renvoyer un bien quand les seuls frais postaux avoisinent le montant du produit finalement non désiré ?
Cette proposition de loi vise par conséquent à revenir à la situation antérieure, à savoir que le droit de rétractation puisse s’exercer « à compter de la conclusion du contrat » en cas d’achat à distance.
Une réforme passée inaperçue
Son auteur ne manque pas d’étriller le gouvernement et les députés de la majorité, qui ont mis en œuvre cette réforme dans la plus grande discrétion. Le Sénat s’y était d’ailleurs vivement opposé, par la voix de... François Pillet : « Je dois avouer ne pas bien comprendre quel progrès il y a à rendre plus coûteux et plus contraignant pour le consommateur l’exercice de son droit de rétractation. (...) La facilité d’achat sur Internet peut certes conduire à des achats impulsifs ou mal informés, mais le consommateur s’aperçoit vite que ceux-ci ne sont pas raisonnables. Condamner le consommateur à attendre la livraison du bien pour pouvoir, enfin, se rétracter, ne paraît pas le plus opportun. »
Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, lui avait rétorqué qu’en matière d’achats en ligne, l’intérêt du droit de rétractation résidait « dans la possibilité qui est offerte [au consommateur] de pouvoir revenir sur son engagement s’il s’aperçoit au moment de la livraison que son appréciation du produit est mauvaise ou que celui-ci ne répond pas à ses besoins ». Avant d’insister : « Lorsque l’on commande en ligne, il est normal que la date de livraison serve d’élément déclencheur pour le délai de rétractation. En effet, le déclenchement du délai doit correspondre non pas à la date d’un démarchage qui n’a pas eu lieu ou à la date de la commande, mais bien au moment de la réception du bien. »

Quand bien même la Haute assemblée avait tenu tête au locataire de Bercy en supprimant ces dispositions, le gouvernement les fit réintroduire par les députés, à coup de 49-3. Restera maintenant quel sort sera réservé à cette proposition de loi sénatoriale, qui débute tout juste son parcours législatif, à quelques mois de l’élection présidentielle...