La vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés constitue-t-elle une pratique commerciale déloyale au sens de la législation européenne ? Voilà la question à laquelle va répondre la Cour de justice de l’UE, mercredi 7 septembre, à la demande des juridictions françaises.
Le litige remonte à 2008. Vincent Deroo-Blanquart achète un ordinateur portable Sony, équipé de nombreux logiciels préinstallés – à commencer par le système d’exploitation Windows Vista. Jusque-là, rien de bien extraordinaire. Sauf que lors de la première utilisation de cet appareil, ce consommateur refuse de souscrire au « contrat de licence utilisateur final » (CLUF) proposé par Microsoft.
Souhaitant n’acquérir que le matériel, M. Deroo-Blanquart demande à Sony un remboursement de la partie du prix d’achat correspondant au coût de tous les logiciels préinstallés. En vain : le fabriquant accepte simplement d’annuler la vente et de lui reverser la totalité du prix d’achat, soit 549 euros, moyennant le retour du matériel.
« Pas question » rétorque alors – en substance – l’intéressé, qui s’est donc tourné vers les tribunaux afin d’obtenir 450 euros d’indemnités pour les logiciels préinstallés, plus 2 500 euros au titre du préjudice subi du fait de pratiques commerciales jugées déloyales.
La Cour de cassation en appelle à la CJUE
La suite de l’affaire n’est cependant guère positive pour M. Deroo-Blanquart, puisque la cour d’appel de Versailles rejette ses demandes fin 2013. Pour les juges, cette vente ne constitue « ni une pratique commerciale déloyale de vente forcée interdite en toutes circonstances, ni une pratique commerciale de vente liée déloyale, ni une pratique commerciale trompeuse ou agressive ». À leurs yeux, le consommateur avait tout bonnement la possibilité de s’approvisionner chez un autre fabricant, « le marché offrant une variété d’ordinateurs et de logiciels dont la combinaison permettait d’assurer la liberté de son choix ».
Le dossier a toutefois été transmis à la Cour de cassation, qui a préféré, courant 2015, saisir la Cour de justice de l’Union européenne. La plus haute juridiction française de l’ordre judiciaire voudrait savoir comment interpréter la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises, d’où découle notre droit national. C’est ce mercredi, à 9h30, que la CJUE donnera sa réponse aux trois questions préjudicielles suivantes :
- Le fait de vendre conjointement un ordinateur et des logiciels sans préciser le coût de chacun de ces éléments doit-il être considéré comme une pratique commerciale trompeuse au sens de la directive ?
- La législation européenne interdit-elle aux fabricants de ne laisser d’autre choix au consommateur que d’accepter des logiciels préinstallés ou d’obtenir la révocation de la vente ?
- Faut-il enfin considérer comme pratique commerciale déloyale « l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, lorsque le consommateur se trouve dans l’impossibilité de se procurer auprès du même fabricant un ordinateur non équipé de logiciels ? »
La réponse apportée par la Cour permettra aux magistrats français de trancher (enfin) dans le dossier Deroo-Blanquart. Elle vaudra également pour l’ensemble des États membres de l’UE, d’où l’importance de la décision à venir. Le gouvernement, invité à interdire les ventes liées PC/OS lors de la consultation relative à l’avant-projet de loi Numérique, avait d’ailleurs refusé d’avancer sur ce dossier dans l’attente de cet arrêt.