Après un Deadpool fendard mais un peu juste, certains attendaient beaucoup de Suicide Squad, qu'ils espéraient sans doute dans la même veine. Malheureusement, si le film n'est pas un raté complet, il est bourré de faiblesses difficiles à pardonner.
Ces derniers temps, les super-héros avaient décidé de se la jouer « chorale », aussi bien dans les séries que dans les films, sans doute portés par le succès des Avengers au box-office, puis des Gardiens de la galaxie.
Super-héros, un métier pas si facile
Chez DC, les briques pour la mise en place de Legends of tommorow ont ainsi été assemblées, et, bien que l'on commence seulement à le voir en France sur TF1 avec la nouvelle saison de Flash, sa première saison a été diffusée aux États-Unis sur CW à partir de janvier dernier. Mais 2016 a été l'occasion de nouvelles tendances.
La première était de miser sur des équipes où tout n'est pas toujours rose, et où les objectifs peuvent parfois diverger. De se poser aussi une question : les super-héros en sont-ils vraiment, et doivent-ils répondre de leurs actes lorsque rien ne va plus ? Au début de l'année, on a ainsi vu DC et Marvel se lancer dans deux gros projets qui reprenait cette thématique commune : Batman v Superman et Captain America : Civil War. Ni l'un ni l'autre ne nous avaient vraiment emballé.
Le premier était plutôt fouillis, mais avait deux avantages : celui d'un ensemble un peu plus réussi que Man of steel et quelques bons moments, malgré de nombreuses ambitions du scénario qui finissent par tomber à plat. C'est notamment le cas de l'introduction de Wonderwoman et de l'amorce de la Justice League, qui trouvent autant leur place dans le film que Ben Affleck dans le rôle de Bruce Wayne. C'est dire.
Civil war nous a plutôt donné l'impression d'un film pour rien. Cheville sans âme entre deux phases de l'univers cinématographique de Marvel (MCU), il nous a donné l'impression d'assister à une bataille de récré grandiloquente, prévisible et un peu trop longue. La scène d'introduction était néanmoins plutôt réussie et le nouveau Spiderman, aussi jeune que décalé, avait réussi à tirer son épingle du jeu.
Mais au final, notre réaction en sortant du film tenait plus du « tout ça pour ça » que de l'impression d'avoir assisté à un arc majeur de l'histoire des Avengers. Et dans un cas comme dans l'autre, si l'esquisse d'une réflexion sur la responsabilité des héros était bien là, la problématique n'avait été qu'un prétexte largement survolé.
Il y a du bon dans le méchant
C'est finalement sur Netflix, que l'on a eu droit à notre première bonne surprise de l'année, avec une assez bonne seconde saison de Daredevil où ce dernier était « accompagné » d'Elektra et du Punisher. Notre héros se retrouvait face à des alliés qui pouvaient aussi être ses ennemis. Une dualité que notre homme de loi aura du mal à saisir, et que l'on retrouvait déjà un peu dans Jessica Jones.

Cette tendance a trouvé un nouveau tournant avec l'arrivée de Deadpool (voir notre critique). Simple (peut-être même un peu trop), efficace et très drôle pour qui ne se complait pas que dans la subtilité, cette œuvre décalée de la Fox a montré que l'on pouvait rencontrer le succès avec un super-héros sans se prendre au sérieux. Et surtout avec un personnage un tant soit peu sadique et sanglant.
Nous attendions alors avec impatience la réplique de DC, Suicide Squad. Son principe de base semble plutôt bien coller et pouvoir profiter du succès de Deadpool : alors que le monde vient d'assister à l'opposition entre Batman et Superman, Amanda Waller veut constituer une force d'élite afin de combattre un autre super-héros qui pourrait mal tourner, la Task Force X.
Celle-ci n'est pas composée d'enfants de chœur aux cheveux gominés, mais bien de tueurs et de psychopathes aux dons intéressants à exploiter qu'elle veut mettre au service des USA de gré, ou de force.
Plus Suicide que Squad
Mais voilà, comme Man of Steel et Batman v Superman avant lui, ce Suicide squad souffre de défauts profonds, dont on a toujours du mal à comprendre comment ils peuvent arriver sur des productions de ce niveau. Tout commençait pourtant bien, avec une ouverture sur fond de House of the rising sun (Les portes du pénitencier, pour les adeptes de Johnny), ayant pour but de nous présenter Deadshot.
Une scène de quelques minutes, qui nous avait fait oublier les couleurs criardes de l'habillage de la promo, mais qui est malheureusement à l'image de toute la première moitié du film : une suite de featurettes pensées avant tout pour une diffusion sur YouTube ou Snapchat.
Sans doute le symbole de l'individualisme des personnages, cette partie s'enchaîne sans vraiment trop de cohérence et avec un niveau assez inégal sur le développement des histoires de chacun et des aller-retours incessants. Un manque de rythme impardonnable tant il est à l'opposé des bandes-annonces diffusées jusque-là.
Si cette suite de scènes d'exposition était nécessaire, la majorité des membres de l'équipe n'étant pas vraiment connue du grand public, elle aurait gagné à être bien mieux ficelée. Ici, on a l'impression que tout a simplement été mis à la queue leu-leu au montage, sans plus de réflexion. Un peu comme si l'on se contentait de grignoter quelques curly en attendant de pouvoir passer au plat principal... mais pendant une heure.
À quand un film dédié à Harley Quinn ?
Heureusement, passé un moment aussi prévisible que critique du film, il reprend sa route et trouve un nouveau souffle (de blockbuster). L'action se fait plus prenante, la réalisation des scènes plus travaillée, jusqu'à un final plutôt chargé en adrénaline. Ainsi, tout n'est pas à jeter dans Suicide Squad, loin de là.
Du casting, plutôt réussi, on retiendra surtout Margot Robbie. Étonnante dans un rôle d'Harley Quinn à contre-emploi, elle transcende presque le personnage pour lequel elle semble finalement parfaitement taillée. Un contraste avec le Joker de Jared Leto qui oscille entre roi de boîte de nuit et cuistot un peu dingue, qui peine à convaincre tant visuellement qu'avec son (sur)jeu.
En la matière, il reste compliqué de passer après l'interprétation d'Heath Ledger. Le personnage est d'ailleurs relativement mis de côté dans le montage final, alors qu'il est de loin le plus connu à être exploité dans le scénario.

On regrettera aussi le sort réservé à Cara Delevingne dans son rôle d'Enchanteresse, qui a eu droit aux pires CGI que nous ayons eu l'occasion de voir au cinéma depuis Green Lantern. Un point étonnant puisque les effets spéciaux sont plutôt bons le reste du temps.
Will Smith, qui était sans doute attendu au tournant, campe de son côté un Deadshot plutôt réussi bien qu'omniprésent et versant un peu trop souvent dans le pathos pour ce qui est de la relation avec sa fille, manifestation de l'un des défauts du film qui cherche sans doute à ne pas trop se couper d'un public un minimum familial.
La paresse ne paie pas
Ce qui symbolise sans doute le mieux notre réaction face à ce film est sans doute sa bande originale. Plutôt plébiscitée, et relativement adaptée aux différentes scènes, notamment d'exposition de chaque personnage, elle verse bien trop dans la facilité. Ainsi, on retrouve surtout des « hits » de ces dernières décennies, qui font leur petit effet sur le moment, sans parvenir à donner un souffle suffisant au film sur sa longueur.
Ce manque d'ambition se retrouve dans le scénario qui est aussi léger que bourré d'incohérences, ce qui a tendance à gâcher même les bonnes scènes, dont la bataille finale. Autre point regrettable : la version française qui est à fuir tant le doublage nous a semblé mauvais. Si vous en avez l'occasion, préférez la version originale sous-titrée.
Un film qui méritait mieux
Au final, il nous paraît un peu dur de dire qu'il s'agit là d'un mauvais film. Malgré ses nombreux défauts, nous avons passé un bon moment, ainsi que les personnes qui nous accompagnaient. Celles-ci ont d'ailleurs étrangement préféré la première partie, qui n'était pas constitué de pure action, mais d'une présentation des personnages, notamment pour le duo Joker/Harley.
Mais il s'agit sans doute d'un réel acte manqué. Comme ses personnages, Suicide Squad avait tout le potentiel en lui pour, non pas devenir un grand film, mais faire mieux. Il a préféré tout gâcher en refusant d'affronter les défis qui se posaient face à lui. Et manque de chance, aucune Amanda Waller ne semblait être là pour expliquer à l'équipe combien elle faisait fausse route.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, Suicide Squad a droit à une note de 3,6 chez Allociné, 5 chez Sens Critique et 7,2 chez IMDb.