Connecter les campagnes : les promesses d'Orange, les aides de l'État

Connecter les campagnes : les promesses d’Orange, les aides de l’État

Une belle balade dans les champs

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Guénaël Pépin

Publié dans

Internet

09/06/2016 7 minutes
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Connecter les campagnes : les promesses d'Orange, les aides de l'État

En inaugurant un nouveau centre de recherche et développement, Orange a multiplié les promesses sur le très haut débit dans les campagnes. Un engagement de l'opérateur historique largement aidé par les décisions et les finances publiques.

Hier, François Hollande et Stéphane Richard étaient sur la même scène, à la fois pour inaugurer le nouveau centre de R&D d'Orange (Orange Gardens) et pour annoncer un grand plan destiné à mieux connecter les zones rurales (« Orange Territoires Connectés »). Celui-ci sert autant les intérêts de l'opérateur historique que ceux de François Hollande, qui se rapproche opportunément de « l'opérateur des champs », comme le remarque à juste titre Rue89.

Ce plan, composé de plusieurs grandes mesures sur le fixe et le mobile, doit globalement améliorer les débits disponibles dans les campagnes, via un investissement humain et financier important de l'entreprise. Pourtant, celle-ci oublie de préciser qu'une bonne partie de ses promesses sont soit financées, soit largement soutenues par l'État et les collectivités locales.

Un mauvais élève qui se rattrape sur le service universel

Avant tout, Orange se vante d'avoir mis en place une charte de qualité réseau et une application Signal Réseaux, pour permettre aux élus de signaler plus facilement les incidents sur le réseau cuivre. Des initiatives louables, que l'opérateur historique présente comme siennes... Ce qui n'est pas tout à fait vrai.

En fait, ces deux initiatives entrent dans le cadre du service universel (l'entretien du réseau téléphonique), pour lequel le groupe est compensé financièrement par les autres opérateurs, pour plusieurs millions d'euros par an. Surtout, ces initiatives viennent après une année 2013 désastreuse sur la qualité de service du réseau cuivre. Les délais de rétablissement, notamment, étaient loin d'être respectés.

Cela a amené l'ARCEP à travailler de près avec Orange pour la redresser en 2014 et 2015. Le cahier des charges pour le renouvellement de la mission de service universel doit d'ailleurs être renforcé, l'État en attendant plus d'Orange dans ce domaine. Pour sa part, le gendarme des télécoms réclame un contrôle étroit des obligations.

Plus de débit en ADSL et VDSL, en partie via les collectivités

La première vraie promesse d'Orange est de « dé-saturer » les répartiteurs ADSL, voire de les « opticaliser » (amener la fibre jusqu'à eux) pour améliorer les débits et ouvrir l'accès au VDSL. Une tâche qui pourra être accomplie soit sur les fonds propres d'Orange, soit via les investissements de collectivités, dans le cadre de la montée en débit. « Ce sont des zones dans lesquelles nous avons des parts de marché élevées. Pour nous, l'enjeu est de garder ces clients chez nous, tout simplement » expliquait Stéphane Richard au micro de Radio Classique, évoquant ce nouvel investissement.

Second volet de cette amélioration : l'accompagnement des collectivités dans leurs projets. C'est-à-dire fournir de la montée en débit sur cuivre aux collectivités qui le demandent, via son offre PRM (réglementée par l'ARCEP). Si l'opérateur historique n'est pas censé en faire grand profit, cette solution est largement poussée par Orange auprès des petites collectivités (voir notre enquête) et est un moyen important de jouer la carte du « service public » auprès des élus. 80 % des projets financés par l'État pour amener le très haut débit y font appel... Avec les financements qui vont avec.

L'appropriation commerciale des investissements publics sur la montée en débit (atteignant parfois plusieurs millions d'euros) n'est d'ailleurs pas du goût de certaines collectivités. Orange affiche ainsi largement son logo et ses offres auprès des habitants de communes « traitées » en montée en débit, sans mention d'investissement public. Deux d'entre elles ont d'ailleurs saisi l'ARCEP à ce propos, l'une d'elle obtenant le retrait du logo Orange des équipements qu'il installe (voir notre analyse).

Un engagement à double tranchant sur les réseaux publics

Côté très haut débit, Orange promet de s'engager encore plus fermement auprès des réseaux d'initiative publique (RIP), montés par les collectivités pour amener de meilleurs débits (voire la fibre) aux habitants des zones rurales. Si ceux-ci commencent à sortir de terre, leur grand problème actuel est le refus récurrent des grands opérateurs nationaux d'y proposer leurs box.

Officiellement, les FAI nationaux attendent une harmonisation technique et commerciale de ces réseaux pour y venir. Se connecter à plusieurs dizaines de réseaux, chacun pour quelques dizaines de milliers de prises, ne serait simplement pas rentable. Surtout que certains ne seraient techniquement pas aux normes.

Cet argument est aussi exploité par certains opérateurs, dont Orange, pour obtenir les délégations de service public, soit la construction et la gestion de ces réseaux. Orange « prévoit d’intensifier son action en mobilisant son savoir-faire pour accompagner les collectivités territoriales dans le développement de leurs projets », soit être d'autant plus présent lors de leur conception, pour respecter ses canons.

En avance sur ses obligations en 4G rurale

Pour les zones où il est trop coûteux ou difficile de déployer un réseau filaire, Orange opte pour la 4G « fixe ». Le groupe annonce un lancement commercial en 2017, « afin de permettre à des foyers dont le débit ADSL ne permet pas une connexion satisfaisante de bénéficier d’un service internet de meilleure qualité (plus de 10 Mb/s) ». Pour les dernières lignes difficiles, Orange recommande les solutions satellites de sa filiale NordNet... qui refuse les nouveaux clients grand public sur un bon tiers du territoire via l'un de ses fournisseurs (Eutelsat), dont le réseau est saturé dans ces zones.

Comme il le note, Orange est largement en avance sur ses obligations de déploiement en 4G, contrairement à Bouygues Telecom et SFR, épinglés préventivement par l'ARCEP à ce sujet. « 5 millions d’habitants supplémentaires bénéficieront de la 4G d’Orange en zone rurale d’ici à un an », promet l'opérateur, qui compte anticiper ses obligations de couverture de trois ans.

Un accord très politique avec l'État

Surtout, ces nouvelles promesses s'inscrivent dans le dialogue permanent entre Orange et son actionnaire public ; l'un disposant d'un énorme poids dans les télécoms, l'autre dans son capital. François Hollande a d'ailleurs été clair.

« Il y a une forme de contrat entre nous. D'un côté, vous investissez pour le long terme dans les territoires qui ne sont pas les plus favorisés dans la République. De l'autre côté, l'Etat doit vous assurer une sécurité, une stabilité législative, réglementaire et fiscale. Nous y veillerons » a déclaré le président de la République.

Orange et les autres opérateurs se sont déjà largement engagés dans la couverture mobile des zones rurales, surtout des zones blanches... Même si les rythmes de déploiement peinent encore à suivre. Avec ce nouvel effort, Orange espère donc en obtenir plus. Surtout que la pression monte sur certains sujets. Nombreux sont ceux qui réclament une régulation spécifique d'Orange sur la fibre, l'opérateur historique dominant actuellement ce marché naissant (voir notre longue analyse). L'engagement d'Hollande pourrait donc signifier une stabilité sur ce plan, à confirmer dans les prochains mois.

Écrit par Guénaël Pépin

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Un mauvais élève qui se rattrape sur le service universel

Plus de débit en ADSL et VDSL, en partie via les collectivités

Un engagement à double tranchant sur les réseaux publics

En avance sur ses obligations en 4G rurale

Un accord très politique avec l'État

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (17)


2 ans qu’orange doit fibrer ma petite ville (10k habitants à 10 minutes de l’hyper centre Nantais) toujours rien.

Orange reste muet, Nantes métropole m’a indiqué n’avoir aucun pouvoir et mon maire lui s’en fout trop occupé à faire du populisme de bas étage auprès des petits vieux et de la population “aisés” de la ville


Quand je pense que la CRE(le bras régulateur de l’énergie de l’Etat) a contraint EDF à avoir une filiale pour ses activités d’exploitation des réseaux de distribution et l’a contrainte à changer de nom pour ne pas confondre ERDF (devenu ENEDIS) et EDF, le chef de l’exécutif fait sa promo grâce aux activités d’Orange opportunément nommées « Orange Territoires Connectés ».




Ne serait-on pas en plein conflit d'intérêts de la part de l'Etat et de la part de Orange ?

“En avance sur ses obligations en 4G rurale




 Pour les zones où il est trop coûteux ou difficile de déployer un réseau filaire, Orange opte pour la 4G « fixe ». Le groupe annonce un lancement commercial en 2017, « afin de permettre à des foyers dont le débit ADSL ne permet pas une  connexion satisfaisante de bénéficier d’un service internet de meilleure   qualité (plus de 10 Mb/s) »." (article Next inpact)  

 

Rassurez-moi, il s'agit des zones de montagne (les chalets d'altitude par exemple), les zones marécageuses (le marais poitevin) ou les quelques îles bretonnes ? Non, finalement :






 "Pour les dernières lignes difficiles, Orange  recommande les solutions satellites de sa filiale NordNet... qui refuse  les nouveaux clients grand public sur un bon tiers du territoire via   l'un de ses fournisseurs, son réseau étant saturé dans ces zones." (article Next inpact)

Tant qu’il n’y a pas de collecte obligatoire et à tarif réglementé sur le FTTH, comme ça existe sur l’ADSL, le marché du FTTH restera la jungle…

 


“Si ceux-ci commencent à sortir de terre”

mais non, surtout pas ! sinon ensuite il faudra faire des campagnes d’enfouissement !!



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on le voit…c’est un vrai foutoir “leur Fibre” !

la preuve : en 8 ans, ils n’ont réussi qu’à Fibrer QUE 1 million sur les 32 abonnés !!!&nbsp;<img data-src=" />


Non c pas le foutoire, pas du tout : c’est juste une histoire de rentabilité !



Tu les vois fibrer mon bled à 400 habitants avec plus des 1/ 3 de vioc qui s’en cague du web ?

(et encore on est un grand village !!!)


Peut-être qu’en passant aux dits viocs que le SAMU arrivera plus vite si on l’appelle via la fibre ça fera un peu plus de monde …



Non mais franchement +1. Les opérateurs ne sont pas pressés d’aller dans les campagnes. Pour mon village (400 ha aussi), le maire est juste désespéré de ne pas avoir le moindre interlocuteur Orange … et on ne parle que de Orange, car les autres sont en roaming sur une antenne mutualisée du clocher d’église pour les appels.





Nota que même pour fibrer une ville de région parisienne de 56.000 habitants, Orange rame, fait des ronds de jambe en promettant tenir ses engagements à 2018 et quand à SFR / Numéricable juste absent et ce, malgré que le maire soit … proprio d’une SSII et à fond sur le sujet !!! Suivez mon regard …



Le problème est donc bien plus loin que la présence de clients potentiels. Là, ils vont jouer sur la bataille des syndics et faire mine que personne veut les écouter pour justifier de ne pas fibrer à fond.


Encore et toujours, il y a Orange et les autres. Ce qui veut dire, même pour une ville de 150.000 habitants comme la mienne, Orange ou rien pour la FTTH…



Anéfé, dans les campagnes, la fibre, ça sera vraiment un plus.


+1


Il faut dire que le dégroupage de l’ADSL est apparu dans le même esprit que la présélection de la téléphonie sur réseau commuté (RTC) : Le 9, Cegetel (7), Tele2 (4), etc. C’est-à-dire partager l’infrastructure locale (issue du réseau déjà amorti et rentabilisé par France Telecom et l’Etat) entre différents fournisseurs télécom.




  D'ailleurs, même quand la régulation du réseau est prévue (MVNO sur réseau mobile notamment 4G, réseaux d'initiative publique FttH - RIP), les 4 opérateurs télécoms rechignent à accepter la concurrence des MVNO ou d'opérateurs tiers.&nbsp;        






  Dans le passé, à chaque fois qu'une concurrence existait (MVNO, réseaux locaux dans le câble, FAI des années 2000), il y a eu une forte concentration par fusions-acquisitions (SFR étant le plus bel exemple).        






  L'avenir est plutôt à la mutualisation des réseaux entre 2 ou 3 opérateurs en zones de population moyennement denses et, à mon avis, au rachat de quelques RIP par les 4 gros opérateurs nationaux dans les zones les moins denses.

Et pourtant ils ont fait des promesses d’embauches en été 2015, j’ai oublié le chiffre.

Un autre gros problème c’est le fait d’avoir plusieurs opérateurs qui déploie leur propre fibre…

Heureusement que la mutualisation est arrivé mais après… WHY ?

Bref oui c’est un foutoir, les règlementations arrivent après le début du projet… c’est le monde à l’envers… c’est comme si tu montais la toiture et que tu te disais que ce serait bien d’avoir des fondations…



Bref concurrence, rentabilité, les obligations de déploiement n’existe pas car ils déploient où ils veulent, entre mensonge sur la couverture les conflits avec les syndic de copro alors que quand ils s’agit du nouveau compteur no problemo ça passe comme une lettre à la poste.



Donc oui tout ces millions investit et qu’on voit à peine arriver la fibre ça fait quand même réfléchire.



Je précise que j’ai la fibre hein :)


C’est pire que de la mutualisation en fait.

Les villes sont réparties par opérateur capable de fibrer.

Puis, les opérateurs vendant un service fibre font la terminaison … une sorte de dégroupage fibre un peu comme le dégroupage ADSL, sauf que là, Orange n’est pas l’unique opérateur historique a proposer la fibre jusqu’à un DSLAM et qu’il (ou que l’opérateur possédant la licence sur la ville) va la proposer jusqu’au bâtiment.



Du coup nous nous retrouvons avec :




  • 1 - la commune qui veut ou ne veut pas la technologie

  • 2 - la négociation avec l’opérateur câble qui déploiera dans la ville … et les problèmes de déploiement (les fameux coups de pelleteuse qui coupent les câbles)

  • 3 - les accords de raccordement “opérateur ville” avec les syndics

  • 4 - les opérateurs finaux qui vont dans la ville, puis dans le bâtiment selon leur intérêt … où pas

  • 5 - les accords de raccordement “opérateur final” avec les syndics

  • 6 - Enfin la réactivité de l’opérateur final avec son client final





    … maintenant, tu colles 6 mois à 1 an de négociation à chaque étape ………………………………………








ledufakademy a écrit :



Non c pas le foutoire, pas du tout : c’est juste une histoire de rentabilité !



Tu les vois fibrer mon bled à 400 habitants avec plus des 1/ 3 de vioc qui s’en cague du web ?

(et encore on est un grand village !!!)



&nbsp;

Les tenants de la rentabilité ont bien changé depuis 10 ans….



Prenons l’exemple du passage à la fibre d’une ville déjà câblée et d’un village :



Sur une rue d’une ville :&nbsp;400 prises pour un taux de transfert sur la fibre de 15% (les&nbsp;clients avec des débits de 30/50/100/200 méga ne voient pas forcément l’intérêt de passer sur la fibre)&nbsp;ça va te faire 60 abonnés !

Sur un village de 400 foyers avec un taux de transfert sur la fibre de 40% ça va te faire 160 abonnés !



Et aujourd’hui, la différence dans la coût d’une installation d’une prise à la campagne et à la ville n’est plus de 110 mais plutôt 12 (depuis que le NRA sont fibrés on ne comptabilise plus le coût d’arrivé de la fibre sur le NRO) les équipements optiques sont quasiment au même prix que les&nbsp;équipements cuivres et la paire de cuivre est plus cher que la petite fibre !



Tiens vu qu’on parle d’opérateur (et plus en fait !!!)



Il y a quelque temps j’avais signaler à certains peu informés que M. DRAHI vous pissait à la raie … ben ça n’a pas loupé, lui il va au sénat en se marrant … :



“Visiblement, Patrick Drahi ne voit plus d’opportunités en France et entend plutôt poursuivre ses investissements outre-Atlantique. “Pour moi, elle n’est pas indispensable car une grande partie de mon activité se fait à l’étranger. En janvier 2015, j’ai mis une offre sur la table et on m’a dit non. Six mois après, le champion national, Orange est autorisé à faire une offre.



Ce n’est pas moi qui vais réactiver la consolidation sur ce dossier, je n’en ai pas, plus besoin, il est plus rentable pour moi aujourd’hui de me développer aux Etats-Unis alors que le marché français est en décroissance. Une consolidation aurait été bien pour le consommateur. Dommage. Orange achète en Afrique, on préférerait qu’il achète des gros, British Telecom et autres. S’il ne le fait pas, c’est parce qu’il ne peut pas, parce qu’il fait 60% de son chiffre d’affaires en France.”



source :http://www.zdnet.fr/actualites/patrick-drahi-un-client-sfr-qui-me-quitte-ca-me-f…




Surtout, ces nouvelles promesses s’inscrivent dans le dialogue permanent entre Orange

et son actionnaire public ; l’un disposant d’un énorme poids dans les

télécoms, l’autre dans son capital.&nbsp;François Hollande a d’ailleurs été

clair.



Ce que vous n’avez sans doute pas vu… c’est le discours de Stéphane Richard qui a précédé celui de François H., où le PDG a demandé justement à ce que l’état accompagne ses mesures au niveau législatif et fiscal. F.H. n’a fait que reprendre la demande et acquiescer avoir reçu le message. <img data-src=" />


Quand j’ai vu la vidéo de l’audition du Sénat (en lien surhttps://m.nextinpact.com/news/100176-aux-parlementaires-bouygues-telecom-et-sfr-… ), j’ai plutôt pensé que P Drahi était quelque peu nerveux et sur la défensive devant les représentants des collectivités locales et des élus.



En tout cas, je vois bien SFR devenir 1er réseau de France devant Orange, si son surendettement ne l’arrête pas brusquement en chemin. Ça aurait l’avantage de mettre l’Etat devant l’échec de son ingérence dans un marché d’économie libérale.