Les modifications apportées aux conditions d'obtention du crédit d'impôt jeu vidéo n'étaient pas du goût de tous les députés. Le gouvernement vient de répondre à la question d'une parlementaire qui s'inquiétait de la possibilité de fournir ce type d'aide à des jeux véhiculant des messages sexistes.
La députée socialiste Catherine Coutelle a interrogé le gouvernement en octobre au sujet de l'ouverture du crédit d'impôt jeux vidéo (CIJV) aux titres classés PEGI 18. La parlementaire ne trouve rien à redire sur le principe même de l'élargissement de cette aide, mais elle s'inquiète de voir que « si les conditions d'éligibilité au CIJV prévoient que ces jeux devront répondre à un barème visant à apprécier la contextualisation de la violence, la loi ne prévoit pas, à ce jour, de dispositions similaires permettant de signaler la présence de contenu sexiste dans un jeu vidéo ».
Une question écrite qui fut suivie en janvier d'une proposition d'amendement (retiré) au projet de loi pour une République numérique visant à écarter du CIJV les jeux vidéo comportant « des représentations dégradantes à l’encontre des femmes ».
Un appel du pied au CSA
Dans sa question, la parlementaire fait appel à la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes et plus particulièrement à son article 56, qui prévoit de léguer au CSA la responsabilité « d'assurer le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle ».
«A cette fin, il veille, d'une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d'autre part, à l'image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destinés à l'enfance et à la jeunesse », précise le texte.
Cette disposition, Catherine Coutelle aimerait la voir étendue au domaine du jeu vidéo, afin de pouvoir signaler les contenus sexistes. Le but serait ainsi de créer « un label indiquant si une œuvre participe, ou non, à la reproduction des stéréotypes de genre », reprenant un modèle déjà en place en Suède. Le dispositif pourrait également permettre aux instances du CNC de « disposer des outils nécessaires pour identifier le contenu sexiste de certaines œuvres éligibles aux financements publics » et ainsi « s'assurer que les financements publics alloués au secteur du jeu vidéo soient conditionnés au respect de l'égalité femmes-hommes et à la lutte contre les stéréotypes de genre ».
La prudence du cabinet d'Axelle Lemaire
La réponse du secrétariat d'État au numérique n'est parue au Journal officiel qu'à la fin du mois de mai. L'équipe d'Axelle Lemaire note « depuis quelques années un mouvement de fond en faveur de la place des femmes » au sein des studios de développement et des jeux. Une évolution qu'elle met au crédit de « polémiques violentes sur le sujet sur les réseaux sociaux ».
Le sécrétariat d'État assure également que les studios français ont récemment fait des efforts afin de mettre en avant « des personnages principaux féminins porteurs d'une image positive de la femme », citant les exemples de Dishonored 2 (Arlane Studios), Beyond Two Souls (Quantic Dream) ou Life is Strange (Dontnod). La situation ne serait donc pas si alarmante que cela.
Pour la ministre chargée du numérique, il ne faut pas regarder du côté des conditions d'attribution du CIJV, mais plutôt miser sur « l'accroissement de la féminisation des métiers du jeu vidéo ». En faisant grimper le ratio de femmes dans les formations dédiées au numérique, le gouvernement estime que le milieu du jeu vidéo ne pourra qu'en profiter. Une inclusion qui devrait néanmoins réclamer quelques années avant de porter ses fruits.
Le FAJV pourrait voir ses conditions d'attribution modifiées
Concernant le CIJV, le gouvernement ne souhaite pas y toucher pour l'instant. Il estime en effet que sa dernière réforme incluant les titres PEGI 18 dans son assiette fait « partie de [sa] volonté de soutenir les jeux qui traitent sérieusement de ces sujets difficiles (agressions sexuelles, etc.) ».
Par contre, des leviers pourraient être actionnés du côté du Fonds d'aide au jeu vidéo, dont l'utilisation des ressources est gérée par une commission du CNC, présidée depuis peu par Juliette Noureddine. Le secrétariat d'État évoque ainsi « des évolutions » des critères d'accès à ce fonds ou encore par la création d'un label spécifique. Des pistes que nous ne manquerons pas de surveiller dans les prochains mois.