En l'espace de deux semaines, deux films inspirés par des jeux vidéo ont tenté de remplir les salles de cinéma : Angry Birds et Warcraft : Le Commencement. Tous deux tentent de capitaliser sur une franchise à succès pour attirer les foules, ce qu'ils parviennent à faire avec plus ou moins de bonheur.
Les passerelles entre l'industrie du cinéma et celle du jeu vidéo ont toujours été très nombreuses. Dès les années 1980, les films les plus populaires avaient le droit à leur adaptation vidéoludique, quitte à ce qu'elle finisse enfouie au fond d'un désert du Nouveau Mexique. Inversement, depuis les années 90 les grands studios tentent, avec plus ou moins de succès d'amener dans les salles obscures les plus grands succès des consoles de jeu.
Si certaines adaptations sont restées dans les annales pour leur médiocrité (quelqu'un a dit Super Mario Bros et Far Cry ? ), plusieurs éditeurs ont réussi à tirer leur épingle du jeu et comptent sur les films basés sur leurs franchises pour arrondir leurs fins de mois. Capcom peut ainsi se vanter de flirter avec la barre du milliard de dollars générés au box office, en cumulant les revenus de ses cinq films Resident Evil.
La colère est mauvaise conseillère
Forcément de tels chiffres ne peuvent qu'aiguiser l'appétit d'autres studios, qu'ils disposent d'un univers adulte et complexe comme Assassin's Creed ou bien plus basique comme les fameux lapins crétins, qui connait un certain succès à travers une adapation en série animée.
Rovio, qui à l'origine du jeu mobile Angry Birds était aussi passé par cette case, mais a décidé de mettre toutes les chances de son côté pour faire une entrée fracassante... au cinéma. Il faut dire qu'avec le précédent de Pixels (voir notre critique) et l'arrivée de la trilogie Tetris, tout semble désormais possible.
L'entreprise finlandaise a été jusqu'à racheter tout un studio d'animation afin de contrôler la production de son film de bout en bout. Une aventure ambitieuse et périlleuse qui a forcé de nombreux sacrifices, qui n'auront finalement pas été complètement vains.

Coupons court au suspense, Angry Birds est très loin d'être un chef d'œuvre du calibre d'un Pixar, mais il remplit parfaitement son rôle : celui d'un film que l'on va voir avec ses enfants afin d'avoir la paix pendant une heure et demie. Le scénario de la saga n'est pas bien épais et Rovio comptait sur le talent de John Vitti, le scénariste du film Les Simpson, pour lui trouver un peu de relief.
Tout se passe sur une île éloignée de toute civilisation où les oiseaux mènent tous une vie archi-paisible où tout le monde s'aime et se trouve gentil. Tous ? Non. Un seul oiseau laisse trop souvent parler sa colère et cause du tracas au reste des habitants de l'île : Red, campé par Omar Sy.
Après avoir gâché la fête d'anniversaire d'un poussin, il est condamné à la plus lourde sentence qu'un juge puisse infliger sur l'île : un stage de maîtrise de la colère. Il y rencontrera ses futurs acolytes : Chuck un oiseau jaune surexcité, Bomb, qui explose à la moindre contrariété et Terence une brute épaisse incapable de s'exprimer autrement qu'en grognant.
Pendant ce stage, des cochons débarquent sur l'île et se font passer pour d'amicaux explorateurs, avant de révéler leur véritable nature que vous n'aurez pas de mal à deviner si vous avez déjà mis les mains sur au moins un des jeux de Rovio.
Un scénario tué dans l'œuf
La suite est cousue de fil blanc et aucun rebondissement ne viendra surprendre le spectateur. La recette fonctionnera certainement avec les bambins, principale cible de ce type de film, mais pour les adultes les accompagnant, l'ennui arrive rapidement. Et ce ne sont malheureusement pas les quelques références à la culture pop saupoudrées tout au long du film pour maintenir notre attention qui relèveront le niveau (à part peut-être un clin d'œil bien vu à Shining).
Si vous comptiez sur l'humour pour rattraper le scénario... c'est malheureusement un peu loupé aussi de ce côté-là. Certains gags auraient pu faire mouche si leur scène n'avait pas autant été tirée en longueur (on pense notamment à la première apparition d'Aigle Vaillant). Alors qu'il avait le potentiel de faire bien mieux, Angry Birds est à tout juste arrivé à nous tirer quelques sourires. Dommage.
Les enfants présents dans la salle semblaient quant à eux plutôt ravis devant les aventures de Red et sa bande.

Warcraft, le début de la fin ?
L'autre gros morceau de cette semaine n'est autre que Warcraft : Le Commencement. Attendu de pied ferme par les fans de la franchise Blizzard (dont ceux qui comme nous ont rempli davantage de candidatures pour des guildes que pour des postes en CDI), Warcraft n'avait pas le droit de se louper.
La promesse formée par Blizzard était alléchante. Entre la longue gestation qu'a connu le film, l'arrivée d'un réalisateur expérimenté (Duncan Jones) et le suivi pressant de l'éditeur sur la réalisation, tous les signaux étaient au vert et l'on pouvait s'attendre à un divertissement de qualité respectant à la virgule près l'univers du jeu. La réalité, Elise Lucet la résume en une phrase.

Concrètement, si vous connaissez l'histoire de l'univers de Warcraft, formatez votre cerveau de tout souvenir dans ce domaine avant de mettre les pieds au cinéma. Blizzard a en effet pris quelques libertés avec son univers original, et se justifie en expliquant que le film se déroule dans un univers alternatif. Encore un coup de Chromie, diront les adeptes.
Sans dévoiler l'intrigue, retenez que la mort de certains personnages ne se produit pas dans les bonnes circonstances ou que certains aspects de l'histoire (la romance entre Garona et Medivh par exemple), bien qu'importants, sont complètement occultés.
L'éditeur est même allé jusqu'à faire apparaître des personnages qui n'ont normalement pas de raison d'apparaître à ce moment de l'histoire, comme la mère de Llane Wrynn censée passer l'arme à gauche dans l'un des premiers assauts des orcs dans une garnison et coule des jours heureux au palais.
Quand y'en a marre, y'a Durotan
Oublions ces considérations qui ne toucheront que les fans les plus assidus de la franchise. En se laissant ainsi le champ libre, on pouvait espérer que Blizzard allait en profiter pour nous présenter un scénario riche en rebondissements, crédible et surtout intéressant. C'est presque ça, mais on est quand même encore un peu loin du compte.
La partie traitant du sort des orcs est intéressante. Ce peuple suit aveuglément un chef du nom de Gul'Dan qui leur a promis de leur trouver un nouveau monde où vivre, le leur ayant été ravagé. En sacrifiant la vie de millions de Draeneis il parvient à ouvrir un portail qui amènera sa « Horde » vers une terre merveilleuse, qui s'avère être Azeroth.
Problème, les orcs atterrissent en plein territoire humain et la cohabitation s'avère un peu compliquée, surtout pour les humains qui subissent de lourdes pertes lors de leurs premières rencontres avec leurs nouveaux voisins. Parallèlement, Durotan, le chef du clan Loup de Givre se demande si l'utilisation de la magie noire (le fel) de Gul'Dan n'est pas la source de tous les problèmes des orcs, ce qui va créer des tensions entre les différents clans.

L'histoire s'étale longuement sur les sentiments de Durotan, qui doit choisir entre se rebeller contre Gul'Dan pour promettre un avenir meilleur à son peuple, ou bien suivre son chef. De l'autre côté, Garona, une mi-orque capturée par les humains est elle aussi tiraillée entre deux mondes.
On regrettera seulement que pour faire avancer plus rapidement l'histoire, qui a parfois tendance à faire du sur-place, Blizzard s'est autorisé quelques raccourcis parfois surprenants avec, à chaque fois, Khadgar à la manœuvre. L'apprenti du Kirin'Tor a en effet une certaine faculté à se tirer de situations compliquées en un claquement de doigts et à faire apparaître de façon complètement improbable des éléments indispensables au bon déroulement de l'intrigue.
Une réalisation aléatoire
Warcraft : Le Commencement ne pêche pas seulement par son scénario, mais aussi par sa réalisation. Certes, les décors sont superbes et collent parfaitement avec l'esprit du jeu. Les vues aériennes d'Hurlevent et de Forgefer sont saisissantes et la forêt d'Elwynn, zone préférée des n00bs et des adeptes d'un certain genre de role-play prend une autre dimension dans le film, en prenant un aspect presque angoissant.

Mais les scènes mélangeant images de synthèse et acteurs en chair et en os manquent cruellement de réalisme. Si l'animation des personnages est irréprochable, on se demande lors de chaque prise de vue pourquoi l'ensemble sonne faux, sans vraiment trouver pourquoi. Parfois on met cela sur le compte de la couleur de Garona dont le teint vert ressemble tantôt davantage à celui d'une tortue ninja qu'à celui d'un orc, ou sur l'éclairage qui ne semble pas toujours très naturel.
Au bout du compte et malgré ses défauts évidents, on ne parvient pas à détester ce Warcraft. Au diable le « lore », tant pis pour la réalisation et tout le reste. Pour les joueurs, le film parvient quand même à faire vibrer notre corde nostalgique en nous replongeant dans une reconstitution convaincante d'un univers que l'on a arpenté pendant des centaines, voire des milliers d'heures, pour nous le montrer sous un jour nouveau. Deux heures plus tard, nous sommes donc ressortis du cinéma avec le sourire, et une furieuse envie de voir si notre paladin niveau 100 est encore vivant.
Pour les autres, Warcraft : Le Commencement ne sera qu'un film d'héroic-fantasy de plus, avec un scénario et une réalisation qui auraient mérité d'être un peu plus travaillés. Les fans du genre trouveront certainement une bonne raison d'aller le voir, les autres passeront leur chemin.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, Angry Birds a droit à une note de 3,5/5 chez Allociné, 5,9/10 chez Sens Critique et 6,4 chez IMDb. De son côté, Warcraft a droit à une note de 4,4/5 chez Allociné, 6,4/10 chez Sens Critique et 8,2 chez IMDb.