Pas contente, l’ASIC ! L’Association des sites Internet communautaires, qui regroupe Google, AirBnB, Dailymotion, Microsoft, eBay ou encore Facebook, étrille un amendement adopté par les sénateurs visant à accentuer la responsabilité des intermédiaires.
Dans le cadre du projet de loi sur la République numérique, l’amendement de Richard Yung ne pouvait évidemment laisser insensibles les acteurs du web communautaire. Pour mémoire, celui qui est également président du Conseil national d’action contre la contrefaçon entend contraindre dès 2018 cet univers à agir « avec diligence en prenant toutes les mesures raisonnables, adéquates et proactives » pour protéger les consommateurs et les titulaires de droits de propriété intellectuelle. Ils devront à ce titre prévenir « la promotion, la commercialisation et la diffusion de contenus et de produits contrefaisants ».
Lentement, on se dirige vers une obligation d'action anticipée, afin de prévenir des échanges illicites dans les tuyaux et serveurs. Soit un sérieux cran au-dessus du régime actuel, où ce sont les ayants droit qui doivent faire le premier pas, via une notification adressées aux FAI et autres hébergeurs.
L'ASIC vs « les défenseurs d'une vision archaïque de l'économique numérique »
Si le rapporteur Christophe-André Frassa et Axelle Lemaire ont jugé le texte Yung inutile - un simple rappel du droit en vigueur - telle n’est pas l’analyse de l’ASIC : cette disposition adoptée entraînerait bien la remise en cause du statut de l’intermédiaire technique, forgée par la directive de 2000 sur la société de l’information, transposée en 2004 en France par la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Mieux, « cet amendement, poursuit-elle, matérialise la crainte qu’avait déjà exprimée l’Association des services Internet communautaires lors de l’examen à l’Assemblée nationale : la tentative de récupération du projet de loi pour une République numérique par les défenseurs d’une vision archaïque de l’économie numérique ».
Explications du coup de griffe : à l’Assemblée nationale, les députés s’étaient eux aussi abrités derrière le bouclier du consommateur pour exiger des intermédiaires quelques menues actions également favorables aux intérêts des ayants droit : obligation de désigner une personne physique comme représentant légal en France, élaboration « des bonnes pratiques visant à lutter contre la mise à disposition du public, par leur entremise, de contenus illicites », ou visant à lutter contre la mise à disposition de contenus illicites, notamment par « la mise en œuvre de dispositifs techniques de reconnaissance automatisée de tels contenus », etc.
Terrorisme, pédopornographie, contrefaçon
L'article ainsi rédigé n'a pas survécu à la navette. Les sénateurs lui ont préféré la plume de Richard Yung, qui ne cache pas s'être inspiré du modèle « existant en matière de lutte contre la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, l’incitation à la haine raciale, la pédopornographie et les activités illégales de jeux d’argent ».
Le projet de loi doit encore passer en commission mixte paritaire, afin de trouver une version d’arbitrage. En attendant, l’ASIC exhorte les 7 députés et 7 sénateurs qui y siègent à purger ces sources de « graves insécurités juridiques ». La France est un peu le laboratoire d'essais des ayants droit où, par le biais du nouveau statut de la « plateforme », ils militent pour imposer de nouvelles contraintes aux acteurs du web. Pour prévenir une contamination bruxelloise, l’ASIC met d’ailleurs en avant une lettre diffusée par Politico, où 11 États membres ont demandé à la Commission européenne de ne pas entraver le développement des plateformes, celles- ci étant déjà soumises à une forte régulation en Europe.