L'Alsace signe son réseau public FTTH, celui du Grand Est se prépare

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L'Alsace signe son réseau public FTTH, celui du Grand Est se prépare
Crédits : alphaspirit/iStock/Thinkstock

La région ACAL vient de lancer officiellement la construction d'un réseau en fibre optique, qui doit couvrir l'ensemble des Alsaciens d'ici 2022. Le projet pourrait même être étendu à la majorité du Grand Est, même si les barrières concrètes restent nombreuses.

Le réseau d'initiative publique (RIP) en fibre d'Alsace est validé. La région Alsace Champagne-Ardenne Lorraine (ACAL), avec les deux départements d'Alsace, a officiellement signé hier le contrat de concession avec le groupe NGE et l'opérateur Altitude Infrastructure, qui les liera sur 30 ans. Coût estimé : environ 500 millions d'euros pour la construction de 377 000 prises sur 700 communes d'ici 2022. 100 000 prises supplémentaires sont envisagées dans une tranche conditionnelle.

Au-delà des chiffres, « Rosace » est simplement le plus grand projet de réseau public signé jusqu'ici. L'initiative est d'autant plus importante qu'elle s'appuie entièrement sur la fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH), alors que nombre d'autres collectivités ont opté pour une amélioration du réseau cuivre (montée en débit) dans un premier temps. Pour Philippe Richert, la fibre amène du très haut débit « effectif et pérenne », en contraste avec la montée en débit temporaire. Un premier opérateur local, Vialis, s'est déjà manifesté pour proposer des offres aux habitants.

Reste quand même quelques défis. D'une part, il faut déjà que les acteurs choisis, dont Altitude, construisent ce réseau. D'autre part, les fournisseurs d'accès nationaux doivent venir y proposer leurs offres, condition de la rentabilité selon de nombreux RIP. La partie est, aujourd'hui, donc encore loin d'être gagnée, alors que la région projette d'étendre l'initiative fibre à sept départements supplémentaires dans les mois qui viennent.

Des ambitions, un financement à assurer et un calendrier serré

Le rendez-vous d'hier à la Maison de la région Alsace avait en fait deux buts : présenter le rapport 2016 de la Fédération des industriels des réseaux d'initiative publique (FIRIP), sur lequel nous reviendrons bientôt, et la signature de cette délégation de service public (DSP). Le choix n'est pas anodin. Le plan de la région ACAL est un symbole de ce que veulent présenter ces industriels : des réseaux entièrement fibrés, conçus sur plusieurs départements et (bonus) construits par des acteurs alternatifs aux géants nationaux des télécoms.

Le projet a aussi passé toutes les étapes de validation par Bercy et le Premier ministre, dans lesquelles nombre d'autres projets sont encore pris. Ici, les collectivités laissent d'ailleurs les clés aux entreprises délégataires pour 30 ans, avant de reprendre la propriété du réseau une fois la concession terminée. 

Le déploiement concret est donc confié au groupe BTP NGE et à l'opérateur Altitude Infrastructure, qui avait remporté la construction ou la gestion d'un tiers des prises attribuées dans les réseaux publics à fin 2015 (voir notre entretien). Le calendrier est, lui, serré pour 377 000 prises. « Nous le faisons en six ans seulement, soit un délai très court, d'autant qu'il s'agit d'un réseau fibre jusqu'à l'abonné final. [...] Le déploiement concernera l'ensemble du territoire alsacien d'ici 2022 » promettait Philippe Richert.

Signe des temps, des banques et fonds d'investissement ont mis la main à la poche pour lancer le projet. Une initiative qui n'était pas si évidente l'an dernier encore, explique d'ailleurs la FIRIP. Dans les faits, l'entreprise Rosace appartiendra à NGE et Altitude (8 % chacun), aux fonds Marguerite (37 %) et Quaero (27 %) ainsi qu'à la Caisse des dépôts (20 %).

Prochaine étape : construire le réseau pour débloquer l'ensemble des financements, dont ceux de l'État, conditionnés à l'avancée des travaux. Bercy s'est ainsi engagé à fournir 50 % du financement public, alors que les décaissements tardent quand même à affluer en masse. Cela à cause du blocage du plan France THD à la Commission européenne (voir notre analyse), qui plonge ces projets dans une forte insécurité juridique.

Calendrier déploiement France THD
 Calendrier prévisionnel de déploiements (juillet 2015) - Crédits : France THD

La question des fournisseurs d'accès nationaux

L'autre incertitude est l'arrivée des opérateurs pour fournir une connexion aux habitants. Le fournisseur d'accès local Vialis a déjà assuré sa présence, mais la question reste entière pour les géants nationaux, de Bouygues Telecom à SFR. Sur ce point, Altitude Infrastructure se voulait rassurant, alors qu'il s'agit de l'une des principales préoccupations affichées des réseaux publics.

Ces derniers mettent ainsi régulièrement en balance l'arrivée de leurs offres box pour obtenir les contrats de construction des réseaux fibre. Selon les collectivités, les réseaux publics ne sont simplement pas viables à long terme sans ces acteurs. Bercy dit avoir pris conscience de l'ampleur du problème, et commence à préparer un groupement d'intérêt économique (GIE) FTTH pour harmoniser les conditions techniques des RIP.

Malgré tout, les réseaux publics déclarent aujourd'hui un meilleur taux de pénétration que les réseaux privés : 30 % contre 20 %. Sur cette base, Altitude Infrastructures se dit très confiant sur l'appétit des clients pour ce nouveau réseau, vantant « des réunions publiques de centaines de personnes pour accueillir la fibre » et le fait que « les gens se ruent sur la fibre [en zones rurales]. Nous avons des taux de pénétration de 30 % en quelques semaines ! »

Pour son patron, David El Fassy, pas besoin d'Orange ou de SFR, « la marque fibre se vend déjà elle-même ». C'est d'ailleurs l'intérêt du groupe Altitude, dont fait partie le fournisseur d'accès Wibox, qui se concentre désormais sur les réseaux de sa maison-mère.

Philippe Richert Alsace Grand Est
Philippe Richert, président de la région ACAL - Crédits : Guénaël Pépin (licence: CC by SA 2.0)

Des travaux prévus dès 2018 pour le Grand Est

Malgré les risques du projet, le président de la future région Grand Est compte bien l'étendre à la quasi-totalité de la nouvelle collectivité. Le 25 janvier, elle a obtenu un accord de principe des autres départements pour déployer un réseau FTTH sur l'ensemble de la région, à l'exception de la Moselle. Chaque département avait « avancé à différents niveaux, mais toujours avec des questions » explique Philippe Richert, à l'exception de la Moselle, trop engagée dans son propre plan (validé pour financement de l'État) pour reculer.

Avec les sept départements supplémentaires, le projet pourrait s'étendre sur un million de prises FTTH potentielles. Rien ne dit, par contre, que la région Grand Est prendra l'exact chemin de l'Alsace. Si cette dernière a confié la construction et la commercialisation de prises FTTH à l'ensemble NGE-Altitude, les autres départements ont la possibilité d'opter pour une autre forme de délégation de service public et d'autres entreprises.

Car si l'Alsace a souhaité confier les clés aux deux groupes privés, les autres collectivités peuvent préférer qu'ils ne s'occupent que de la construction ou de la commercialisation du réseau, laissant l'autre aspect à ses propres soins. Dans ses deux discours, hier, le président de région semblait tout de même confiant, assurant même avoir le soutien de l'Agence du numérique à Bercy. Un nouveau schéma directeur territorial (plan de déploiement) pourrait être présenté à l'automne, pour une procédure de DSP concessive à la fin de l'année et des premiers travaux en 2018.

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