Les députés ont supprimé le projet de faire payer une redevance à Google Images (et outils assimilés) au profit des sociétés de gestion collective du secteur. Craignant un retour de cette disposition en séance, un collectif appelle à la vigilance.
Adopté par les sénateurs, contre l’avis du gouvernement, cet article 10 quater du projet de loi Création aurait imposé aux activités de recherches d’images le paiement d’une redevance du seul fait de référencer des contenus mis en ligne par des tiers.
La semaine dernière, lors de l’examen en commission des affaires culturelles, la disposition n’a toutefois pas survécu. Audrey Azoulay et plusieurs députés ont rappelé un risque de contrariété avec le droit européen. « Dans un arrêt Svensson c/Retriever Sverige AB du 13 février 2014, explique le rapport fruit de ces travaux, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que le fait d’établir un lien cliquable vers une œuvre protégeable par le droit d’auteur pouvait intervenir sans l’accord du titulaire des droits, sous réserve que cette œuvre soit librement accessible sur un autre site ». Par analogie, « la fourniture de vignettes reproduisant des œuvres librement disponibles sur d’autres sites internet ne constitue pas plus un acte de communication au public ».
« Je suis toujours gêné lorsqu’on veut imposer de nouvelles taxes pour régler des difficultés dans le domaine d’Internet » a enchéri Lionel Tardy, lequel est revenu sur un principe simple : si celle-ci leur pose tant de problèmes, les titulaires de droit peuvent déjà interdire techniquement l’indexation de leurs œuvres par les moteurs.
Une lettre ouverte adressée à Audrey Azoulay et Patrick Bloche
L’épisode a suscité la réaction d’un collectif d’internautes, consommateurs, bibliothèques, start-ups, FAI et d’autres grandes entreprises du secteur (Asociacion de Usarios de Internet, Bitkom, Center for Democray & Technology, Centrum Cyfrowe, Communia, Computer & Communications Industry Association, Copyright for Creativity, CReative Commons, DigitalEurope, IGEL, OpenForum Europe, le Syndicat de l’Industrie des Technologies de l’Information, Tech’in France).
Dans une lettre ouverte adressée à la ministre de la Culture et au président de la Commission des affaires culturelles, ces signataires se félicitent de cette fin heureuse, alors que l’introduction d’un mécanisme similaire s’est déjà révélée néfaste en Espagne et en Allemagne. Le texte égraine en ce sens « des restrictions de concurrence, des contentieux, une réduction de l’accès à l’information et des freins à l’innovation ».
En France, la proposition aurait eu « un impact sur de nombreux services numériques et applications mobiles, allant des moteurs de recherche aux modèles de Creative Commons et à Europeana, la bibliothèque numérique européenne ». Adoptée, elle aurait ainsi conduit à ce que « des activités quotidiennes et élémentaires des internautes, comme le fait de publier en ligne une image ou de créer un lien redirigeant vers cette image [fassent] l’objet d’importantes incertitudes juridiques », tout en isolant l'Hexagone des autres pays européens.
Seulement, le rejet de la redevance sur les moteurs n’est pas totalement acquis puisque le processus parlementaire va se poursuivre en séance. Les auteurs de la lettre demandent du coup aux députés de maintenir ce cap, le risque d’une attaque des clones n’étant jamais écarté.
L'attaque des clones
On remarquera d’ailleurs que, pas plus tard que la semaine dernière, en commission, un amendement de Christan Kert a tenté de faire adopter – en vain – une nouvelle version de la ponction. Le texte était taillé pour évincer l’arrêt Svensson, tout en ciblant plus précisément Google puisqu’il tentait de frapper les moteurs d’indexation « dans le cadre duquel sont reproduites et mises à la disposition du public » des images. Pour la séance qui s’ouvre aujourd’hui, le même député a déposé un nouvel amendement visant à réintroduire la version sénatoriale