Alors que le projet de loi Travail a soulevé un impressionnant vent de contestation sur Internet, la secrétaire d’État au Numérique, Axelle Lemaire, a soutenu hier que le gouvernement aurait pu utilement procéder à une consultation en ligne des citoyens avant de présenter son texte, à l’instar de ce qui a été organisé pour le projet de loi Numérique.
Plus d’un million de signatures pour la pétition sur Change.org, des twittos qui raillent le compte « @LoiTravail » ouvert par le gouvernement, des internautes qui se mobilisent sur les réseaux sociaux autour du hashtag #OnVautMieuxQueCa... C’est peu de dire que la mobilisation contre le projet de loi El Khomri est loin de se limiter aux dizaines de milliers de manifestants descendus dans les rues de France ces derniers jours.
Tandis que le nouveau secrétaire d’État en charge de la Réforme de l’État, Jean-Vincent Placé, s’est fait remarquer en affirmant la semaine dernière que ce n’était « pas les réseaux sociaux qui [faisaient] la loi de la République », sa collègue Axelle Lemaire a été interrogée hier sur Radio Classique : le gouvernement aurait-il du s'inspirer de sa consultation en ligne pour le projet de loi Travail ? « Je crois que la réponse est simple : oui », a soutenu la secrétaire d’État au Numérique :
« Oui, parce qu'on voit bien qu'aujourd'hui, il y a une grande défiance dans la politique de manière générale, qu'il y a un besoin de renouveau – peut-être du personnel politique mais aussi des méthodes – et que si l'on peut tirer une leçon de la culture numérique, c'est bien la nécessité de travailler en mode collaboratif de manière plus horizontale, plus concertée, et en s'appuyant sur l'intelligence collective. »
Pour mémoire, les internautes avaient été invités à donner leur avis durant trois semaines sur l’ensemble de l’avant-projet de loi Numérique, avec possibilité de proposer des amendements ou de nouveaux articles. Bercy avait finalement apporté des réponses – plus ou moins précises – à plusieurs dizaines de participants, expliquant pourquoi il avait modifié son texte en conséquence, ou, au contraire, refusé de bouger (à l’image de la délicate question de la priorisation des logiciels libres au sein de l’administration).
« Je crois que le résultat du vote à l'Assemblée nationale n'est pas étranger à (...) la manière dont le texte est arrivé sur les bancs de l'hémicycle » a enfin fait valoir Axelle Lemaire, en référence à l’unique vote « contre » exprimé lors du scrutin du 26 janvier. Des propos qui ne sont pas sans faire penser à la menace brandie par Matignon concernant l’usage du « 49-3 » sur le projet de loi Travail...
L'exécutif a préféré lancer une seconde concertation sur le projet de loi Kanner
Pour autant, la secrétaire d’État au Numérique s’était montrée plus pondérée en janvier dernier à l’Assemblée nationale, lorsqu’elle avait expliqué que ces opérations en ligne n’avaient pas vocation à se développer trop rapidement. « Je crois que c'est encore prématuré [de songer à une généralisation, ndlr] puisque nous avons conçu cette consultation comme une expérimentation, que cela a été très compliqué – je ne vous cache pas la réalité – et qu'il faut vraiment en tirer en interne, au sein du gouvernement, tous les enseignements. » Axelle Lemaire avait notamment souligné que cela rallongeait la durée de préparation des textes, ce qui aurait probablement été problématique sur la loi Travail, qui arrive en fin de quinquennat. Sans parler du nombre astronomique de messages qui auraient vraisemblablement été déposés par les internautes, nécessitant un travail de tri et de synthèse titanesque...
Le gouvernement a d'ailleurs choisi la prudence en proposant comme prochain texte soumis à une consultation en ligne le projet de loi « égalité et citoyenneté » du ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, Patrick Kanner (voir notre article).