L'Autorité de régulation des télécoms indienne (TRAI) a rendu sa décision : différencier les prix selon le contenu est interdit. Free Basics de Facebook, suspendu fin décembre, ne rouvrira donc pas de sitôt en Inde. Le service était au cœur d'une importante bataille entre la société américaine et les défenseurs de la neutralité du Net.
Le régulateur indien des télécom, la TRAI, a tranché le grand débat du moment : les tarifs différenciés par contenus sont interdits dans le pays. « Aucun fournisseur de service ne doit offrir ou facturer pour des services de données sur la base du contenu » affirme ainsi l'autorité dans une décision publiée aujourd'hui. Par contenu, le régulateur entend n'importe quelle donnée ou service. Donc facturer différemment une connexion pour accéder à tel ou tel service est interdit.
La seule exception concerne les services d'urgence ou les situations graves, auquel cas l'opérateur doit prévenir l'autorité dans la semaine suivante. En cas de non-respect de ces lettres, elle pourra ordonner l'arrêt du service et infliger une amende forfaitaire pour chaque jour de contravention.
Une mauvaise nouvelle pour Facebook
Cela barre donc la route à l'offre Free Basics de Facebook en Inde, qui proposait d'accéder gratuitement à une sélection de services. Les contenus passent par les serveurs de Facebook et, comme nous le notions il y a quelques mois, une partie au moins des données appartient à Facebook. Selon le groupe, il s'agit surtout d'offrir un accès Internet à ceux qui n'en ont pas les moyens, via une sélection de services utiles, sélectionnés par le groupe américain. En mai, la plateforme a ouvert ses portes aux développeurs tiers, mais le choix de proposer une application reste entre les mains de Facebook.
Pour proposer son offre, Facebook s'est associé en Inde à l'opérateur mobile Reliance, pour qui ce partenariat n'a pas été de tout repos. En plus d'une forte pression publique, la société a simplement dû suspendre Free Basics fin décembre, sur ordre du régulateur. Deux éléments sont entrés en compte : la décision « à venir » sur la discrimination par le prix et le fait que Reliance n'aurait pas pu fournir les conditions d'utilisation du service. Aujourd'hui, l'autorité a donc décidé que ce type d'offre n'était pas acceptable.
Une large bataille en ligne autour de la neutralité
Avant de se décider, la TRAI a lancé en décembre une consultation publique pour obtenir le point de vue des internautes et des sociétés sur les prix différenciés. Cette consultation a été au centre d'une bataille entre les défenseurs de la neutralité du Net et Facebook. Les premiers se sont ainsi constitués en un collectif (SaveTheInternet.in), alors que le second a largement compté sur ses millions de membres pour soutenir Free Basics.
Les deux groupes ont massivement mobilisé les internautes pour défendre leur point de vue. D'un côté, SaveTheInternet.in et un grand nombre de personnalités du Net indien ont demandé aux internautes d'envoyer un mail-type au régulateur pour demander l'interdiction des prix différenciés. Face à eux, Facebook a mis en place un outil pour envoyer rapidement un mail au même régulateur. Il était entre autres accompagné de publicités dans les journaux indiens et dans les lieux publics.
Pourtant, la majorité des réponses envoyées n'a semble-t-il pas convaincu le régulateur. « Dans ce processus, l'autorité a reçu un grand nombre de réponses. La majorité des réponses individuelles reçues ne répondaient pas aux questions spécifiques posées par la consultation. D'autres réponses reçues incluent celles de 15 fournisseurs de service, 8 associations de fournisseurs de services et 42 organisations et institutions » écrit la TRAI dans sa décision.
Les défenseurs de la neutralité inquiets pour la suite
L'un des principaux arguments de Facebook est que Free Basics donne un avant-goût d'Internet aux utilisateurs, qui passeraient rapidement à un accès payant par la suite. À cela, les opposants répondent que la sélection de services opérée par Facebook crée une distorsion de concurrence, qui bénéficierait aux acteurs déjà établis, laissant de côté les entreprises émergentes. « En Inde, comme la majorité de la population n'est pas encore connectée à Internet, permettre aux fournisseurs d'accès de définir la nature de l'accès équivaudrait à laisser les FAI modeler l'expérience des internautes » tranche l'autorité.
Dans un billet de blog, SaveTheInternet.in s'est félicité de la décision du régulateur, même si l'avenir ne sera pas forcément rose, estime le collectif. Il s'inquiète entre autres de multiples déclarations des opérateurs, qui indiquaient qu'ils pourraient attaquer les décisions de la TRAI si elles ne leur convenaient pas. Cette tendance se retrouve déjà aux États-Unis, où les décisions du régulateur autour de la neutralité ont été systématiquement attaquées en justice par les groupes télécoms.
Il restera surtout à voir quel sort l'autorité réservera spécifiquement à Free Basics. Si la décision d'aujourd'hui est un sérieux coup d'arrêt à l'initiative de Facebook, aucune décision définitive n'a encore été donnée à son propos.