La Hadopi veut maintenant licencier Éric Walter pour « vol de documents »

Hadopi vs Walter E02S04
Droit 6 min
La Hadopi veut maintenant licencier Éric Walter pour « vol de documents »

C’est un cran supplémentaire que la Hadopi a décidé de franchir pour se débarrasser au plus vite de son ancien secrétaire général. Après l’argument de « l’insuffisance professionnelle », voilà donc celui du « vol de documents. »

Jusqu’à où ira la série Hadopi vs Éric Walter ? Le 1er août 2015, le fidèle secrétaire général de la haute autorité était prié de faire ses cartons, licencié pour « insuffisance professionnelle ». Quelques semaines plus tard, l’ex-protégé de Marie-Françoise Marais contre-attaquait devant le tribunal administratif où il obtenait finalement gain de cause dans une procédure de référé-suspension. Le 16 octobre 2015, la juridiction ordonnait en effet sa réintégration dans le mois, considérant que dans sa décision, la Hadopi s’était mis le doigt dans l’œil jusqu’au coude (les juristes parlent « d’erreur d’appréciation »).

On apprenait alors les dessous chics du dossier, notamment ce diagnostic de l’ensemble des services initié vers fin 2014 par Éric Walter qui a contribué à mettre les feux aux poudres. Selon l’avocat de Walter, la mesure avait été vécue comme une intrusion par Mireille Imbert-Quaretta, la présidente de la Commission de protection des droits.

Par le biais de la fenêtre juridictionnelle, Éric Walter n’était plus mis à la porte. Il allait ainsi retrouver sa place, juste avant la conférence de presse annuelle de la Hadopi du 25 novembre. Seulement, la haute autorité n’avait pas dit son dernier mot. Elle attaquait à son tour l’ordonnance de réintégration devant le Conseil d’État. Seul hic, ce pourvoi n’est pas suspensif. Pas de souci ! Le 16 novembre, elle lui adressait dans la foulée deux courriers : le premier pour lui indiquer qu’il était réintégré, le second pour l’informer qu’il était immédiatement suspendu.

Convoqué le 7 décembre pour vol de documents

Grâce à un récent échange de courriers internes, qui ont inondé les boites mails de l’ensemble des membres du collège, nous savons désormais pourquoi. « On me convoque de nouveau toutes affaires cessantes à un nouvel entretien de licenciement le 7 décembre prochain, cette fois-ci pour « vol » de documents. Rien que ça ! » écrit Walter. Dans cette missive, celui-ci dénonce désormais un « acharnement destructeur » de la part de l’actuelle présidente de la Hadopi à son encontre, qui après l’avoir « chassé comme un pestiféré », le plonge en plein « cauchemar. »

Ce « vol de documents » aurait eu lieu le 31 juillet, soit la veille de son premier licenciement. La notion de vol de documents doit être prise avec des pincettes chirurgicales puisque sans compter les faits de cambriolage digne d’un bon vieux polar, elle vaut désormais en matière informatique : la loi du 13 novembre relative à la lutte contre le terrorisme a revu l’article 323-3 du Code pénal.

Cette disposition de la loi Godfrain, qu’avait anticipé l’affaire Bluetouff, permet désormais de punir de piratage informatique le seul fait « d'extraire, de détenir, de reproduire, de transmettre » une donnée informatique sans autorisation. Une simple copie sur clef USB, une duplication de CD-ROM, un seul transfert de fichier, etc. permettent désormais d’engager des poursuites sur ce chef. Mieux, depuis la récente loi sur le renseignement  les peines ont été portées à 7 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende… Et pour la petite histoire, cette nouvelle échelle est entrée en vigueur quatre jours avant les faits reprochés à Éric Walter

Demande d'enquête par un tiers indépendant

Dans son courrier, il réclame à tout le moins qu’ « une enquête interne soit confiée à un tiers indépendant » et que l’entretien préalable soit reporté, histoire de laisser du temps à la raison, moins à l’empressement. « Agent contractuel de la fonction publique depuis 13 ans, je ne bénéficie ni de la protection liée au statut de fonctionnaire, ni de celle du droit privé. Dans ces deux cas, rien de tout cela n’aurait été rendu possible, écrit-il aux membres du collège. J’ai contribué à bâtir cette institution. Je l’ai toujours servie loyalement et dans le respect des valeurs de probité, de neutralité et de moralité qui président à la fonction publique. Aussi loin que je cherche je ne trouve pas la moindre explication rationnelle aux événements récents. Je m’en remets à vous pour que cesse cette exécution en règle dont je fais l’objet depuis quatre mois désormais. »

Le secrétaire général a aussi sollicité le report de cet entretien directement auprès de Marie-Françoise Marais. Il fait spécialement état d’une dégradation de son état de santé « consécutive au traitement que vous m’infligez depuis l’été dernier » et réclame là encore une solide enquête pour les faits reprochés. Le 2 décembre, la réponse de Marais, transférée par Walter à tout le collège, est limpide : c’est niet. « Comme vous l'avez découvert lors de la consultation de votre dossier, une enquête administrative sur les faits qui vous sont reprochés a déjà eu lieu et vous en avez pris dûment connaissance » écrit-elle.

« Aucune enquête administrative n’est présente au dossier contrairement à ce que vous affirmez, lui a répondu le principal mis en cause le même jour. Seul un rapport administratif de la plume d’un agent est inclus, associé de quelques attestations et complété d’un constat d’huissier auquel vous avez fait procéder 3 mois et 1/2 après. »

Marie-Françoise Marais refuse tout report de la procédure en cours

Le 4 décembre, Marie-Françoise Marais est restée insensible à ce flot d’arguments tout comme au certificat d’arrêt de travail : « Vous avez pris connaissance de votre dossier et la date du 7 décembre a été fixée, en respectant un délai largement supérieur à celui prévu par les textes, pour vous laisser pleinement la faculté d'organiser votre défense. (…) Vous connaissez donc tous les éléments du dossier et, en cas d'indisponibilité, vous avez la possibilité de vous faire assister de votre conseil et des représentants de votre choix, lesquels connaissent également votre dossier. Je ne peux, dans ces conditions, reporter votre entretien à une date ultérieure, car la continuité du fonctionnement de l'HADOPI exige, compte tenu du poste que vous occupez, qu'une décision soit prise dans l'intérêt du service. »

Alors que la Hadopi a fonctionné avec une secrétaire générale en interim pendant plusieurs mois (en l’occurrence, Pauline Blassel), c’est donc la « continuité du service » qui est secoué comme impératif pour refuser tout report de l’entretien d’aujourd’hui. Rappelons que la présidente du collège de la Hadopi terminera son mandat le 23 décembre prochain. En se débarrassant de Walter avant ce terme, elle aura les mains libres pour choisir méticuleusement celle ou celui qui prendra sa place à l’avenir. 

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