Pour la Scam, la redevance Copie privée doit s’étendre au cloud

Hervé, sur un nuage
Droit 4 min
Pour la Scam, la redevance Copie privée doit s’étendre au cloud
Crédits : Thierry Ledoux SCAM

La Scam presse le gouvernement et le parlement d’étendre la redevance copie privée aux œuvres stockées dans le cloud. « Une avancée de bon sens tenant compte des évolutions technologiques » pour la Société civile des auteurs multimédia.

La loi Création sera-t-elle le tremplin pour l’extension de la redevance copie privée au stockage en ligne ? Le sujet est suivi de près par des acteurs comme Canal+ et Orange, qui l’un et l’autre trouveraient matière à sécuriser juridiquement leurs futurs NPVR (Network Personnal Video Recorder), ou enregistreurs en ligne. Pourquoi ? Car lorsqu’un stockage permet de faire des copies privées, il doit en principe y avoir perception d’une redevance. C'est ce que dit la Cour de justice de l’Union européenne.

La cible des casiers personnels en ligne

Du côté des ayants droit, l’analyse est moins centrée sur les NPVR, et donc plus vaste. À la SCAM, par exemple, « nous visons les personals lockers, ces systèmes où l’utilisateur n’a qu’un coffre-fort personnel, sans possibilité de partage des contenus. Comme une clef USB stockée dans le nuage ». En somme, que le stockage soit dans la poche de l’utilisateur ou à distance, il n’y a finalement pas beaucoup de différences, nous explique Hervé Rony, directeur général de cette société de perception et de répartition de droits d'auteur, un des bénéficiaires de la ponction.

Seulement ces questions divisent, même au sein des ayants droit. « Il y a des divergences entre nous. Pour notre part, nous ciblons les capacités de stockage qui permettent de reproduire l’exemplaire d’une œuvre sans autre forme de service. On reste donc dans la philosophie de la redevance copie privée, à savoir que c’est au bénéfice du seul copiste que la copie est effectuée. »

Explications : dès lors qu’une œuvre peut être partagée avec des tiers depuis le stockage distant, il n’y a plus de copie privée puisque le service est dénaturé par cette mise à disposition au public. Inversement, si la copie distante ne peut être réalisée que par l’utilisateur, pour ses besoins, cette faculté de copie devrait ouvrir droit à redevance, selon la SCAM.

La justice européenne semble ouvrir la brèche

Ce qui semble être des arguties juridiques s’appuie en réalité sur une petite phrase glissée dans un arrêt du 5 mars 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci a évoqué la possibilité pour les États membres de faire payer la redevance payée non par les personnes privées, mais par « celles qui disposent des équipements, appareils et supports de reproduction [et qui] mettent ceux-ci à la disposition de personnes privées ou rendent à ces dernières un service de reproduction ». En se focalisant sur ce passage, noyé dans une longue décision, les ayants droit espèrent dépasser une jurisprudence ancienne qui considère que la copie privée suppose la conjonction entre la personne qui profite de la copie et celle qui la réalise. Or dans un stockage dans le cloud, la copie est techniquement réalisée par un service distant, pour les besoins d’une personne physique.

« Une partie des producteurs estime que c’est légitime, d’autres que c’est discutable. Je ne comprends pas ce dernier point de vue » s’interroge Hervé Rony, visiblement ennuyé qu’il puisse y avoir tergiversations sur ces questions.

La copie privée dans le nuage est tout sauf simple

De fait, au-delà de cette présentation, les questions sont diablement épineuses. D’abord, tout est stockage sur Internet, les contours de cette extension sont donc très flous. Il faudrait préalablement réaliser une étude au cas par cas de chaque service en ligne pour connaître son éligibilité, et avant tout, définir très précisément de quels actes de reproduction et de communication il s’agit juridiquement.

De même, en face des farouches partisans de l’extension, les dubitatifs craignent que l’extension au cloud permette à certains services de se voir blanchir, alors qu’ils relèveraient à ce jour du droit exclusif. En outre, ceux-là estiment que les « nuages » sans partage ne sont peut-être pas si nombreux dans le ciel d'Internet. Or, s’ils sont résiduels, les pratiques de copie peuvent l’être également, ne pouvant justifier du coup que la perception de miettes de rémunération. Bref, ces autres ayants droit se demandent si la redevance copie privée est bien le meilleur moyen pour assurer la rémunération des ayants droit.

Autre difficulté, et pas des moindres. Comment régler la question de la territorialité ? Des opérateurs de stockage existent certes en France, mais un nombre incalculable est installé au-delà de nos frontières. « C’est l’un des sujets d’étude, reconnaît Hervé Rony. Une fois qu’on dit qu’on assujettit ces services, il faut évidemment savoir ensuite comment. On essaye d’abord d’inscrire dans le fond le périmètre du cloud, pour ensuite évaluer ces questions, notamment en Commission copie privée. »

Le projet de loi Création, examiné à partir de lundi en séance à l’Assemblée nationale, pourra être le lieu parfait pour évoquer ces questions. Pour l’heure, aucun amendement d’extension n’a été déposé, mais le texte ne fait que commencer son périple parlementaire.

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