Loi Renseignement : inquiets, des avocats internationaux interpellent Manuel Valls

Le flou dans la bergerie
Droit 5 min
Loi Renseignement : inquiets, des avocats internationaux interpellent Manuel Valls
Crédits : alengo/iStock

La publication de la loi sur le renseignement, après le contrôle du Conseil constitutionnel, est loin d’éteindre les inquiétudes. En témoigne cette lettre adressée à Manuel Valls par des avocats franco-américains.

Dans sa décision du 23 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a censuré l’une des dispositions phares de la loi sur le renseignement. C’est celle qui concerne les mesures de surveillance internationale, c’est-à-dire les communications émises ou reçues depuis l’étranger.

Pour mémoire, à cette échelle et contrairement aux mesures franco-françaises, les services auraient pu collecter des données sans avis préalable de l’organe de contrôle, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Le Conseil constitutionnel a cependant censuré cette disposition, reprochant au législateur de ne pas avoir prévu « les conditions d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés », ni défini la mise en œuvre du contrôle a posteriori de la CNCTR.

La surveillance internationale avant et depuis la censure constitutionnelle

La French American Bar Association, une association d’avocats et juristes franco-américains, avait déjà adressé mi-juillet un mémoire au Conseil constitutionnel pour s'émouvoir de ces questions internationales. Visiblement, la décision censurant en particulier ce dispositif n'éteint pas ses inquiétudes. Elle vient du coup d'envoyer une lettre à Manuel Valls, avec en copie nombre de personnes, dont les sénateurs et députés des Français de l’étranger.

Sa missive prend appui sur un récent article du Nouvel Obs intitulé « pourquoi les écoutes de la DGSE sont illégales depuis sept ans ». Selon nos confrères, la censure du Conseil constitutionnel contamine un décret signé en avril 2008. Secret, ce texte n'a pas été publié au Journal officiel. « Par leur décision de jeudi, les Sages déclarent qu’un tel décret secret est anticonstitutionnel, affirme rapidement l’Obs. Si bien que jusqu’à l’adoption d’un nouveau texte de loi qui agréera au Conseil, c’est la loi précédente, celle de 1991, qui s’applique. Autrement dit, depuis jeudi, la DGSE n’a pas le droit d’intercepter massivement les communications qui transitent par les câbles (c'est-à-dire plus de 90 % d’entre elles) ; elle doit demander à Matignon et la CNCIS (rebaptisée CNCTR) l’autorisation pour chaque écoute réalisée sur un câble qui arrive en France. »

Les questions de la French-American Bar Association à Manuel Valls

En clair, toujours selon l'Obs, la décision du Conseil constitutionnel torpille de facto la surveillance internationale opérée depuis 2008 au moins, puisque celle-ci faisait l’économie des procédures encadrées à partir de 1991. Du coup, la FABA, rappelant le caractère secret des correspondances entre l’avocat et son client, même dans un cadre international, adresse une pluie de questions à Manuel Valls.

C'est ce qu'on découvre dans courrier qui nous a été transmis par l'un de ses destinataires, Damien Regnard, conseiller élu à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) :

  • Nous vous demandons de bien vouloir confirmer que la DGSE a, depuis le 27 juillet 2015, le lendemain de la date de la publication de la décision n° 2015-713 DC au Journal officiel de la République Française, cessé toute pratique décrite dans le décret secret d’avril 2008, et concernant en particulier les communications entre les avocats membres de notre association et leurs clients, si au moins l’une des parties est présente en France.
  • Nous vous demandons de bien vouloir confirmer que la DGSE ne mettra en place dans le futur, aucune technique ou pratique décrite dans le décret secret d’avril 2008, en particulier les communications entre les avocats membres de notre association et leurs clients, si au moins l’une des parties est présente en France.
  • Enfin, nous vous demandons de bien vouloir confirmer que le ministre de la Justice ne transmettra aucune information qu’il a pu obtenir par le biais de la captation de communications entre un avocat et son client obtenues entre le 1er avril 2008 et le 26 juillet 2015 à aucune autorité judiciaire étrangère dans le cadre d’une demande d’entraide soumise au titre de l’article 691-4-1 de la Loi n°2015è912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, dans la mesure où ces informations ont pu être obtenues par l’intermédiaire de pratiques déclarées contraires à la Constitution, si elles concernent des écoutes pratiques entre les parties privées localisées en France et les parties privées localisées aux États-Unis, en particulier lorsque l’une des parties privées est un avocat localisé en France.

Des articles autorisent encore cette surveillance internationale

L’inquiétude née de cette loi est d’autant plus vive que la censure ouvre un important flou sur ce que peut ou ne peut désormais faire la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). La loi sur le renseignement prévoit en effet toujours toute une série d’autres articles donnant pleine compétence aux services d’agir à l’échelle mondiale.

Par exemple, le nouvel article L 821-1 du Code de la sécurité intérieure dit que seule « la mise en œuvre sur le territoire national des techniques de recueil de renseignements (…) est soumise à autorisation préalable du Premier ministre, délivrée après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ». La loi n'encadre donc plus rien au delà du territoire national. De même, l’article L 811-2 du même code prévient que les services spécialisés de renseignement « ont pour missions, en France et à l'étranger, la recherche, la collecte, l'exploitation et la mise à disposition du gouvernement des renseignements relatifs aux enjeux géopolitiques et stratégiques ainsi qu'aux menaces et aux risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation ». Pire, l’article 18 de la loi dépénalise à l’international les actes de piratage informatique dont seraient coupables ces mêmes services, signe d'un joli feu vert... 

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