La vidéo date de 2009. Là, notre confrère John Paul Lepers interviewe François Hollande. Le contexte ? L’affaire de Tarnac, l’arrestation de Julien Coupat et Yldune Levy… L’échange est très intéressant, à l’aune des lois sécuritaires portées depuis par le PS.
Les propos du futur président sont limpides, engagés, visiblement sincères. « Au nom d’une cause juste, la lutte contre le terrorisme, on est en train de faire des amalgames et des confusions : celui qui n’est plus dans la norme, a un comportement déviant et même, est au-delà de la loi, peut être assimilé à un terroriste. C’est là une atteinte grave aux libertés ! »
Et le futur candidat de dénoncer ce « mouvement politique » qui vise à « donner le sentiment qu’il y a une menace, et que le pouvoir y répond », avec l'intention de « justifier l’intervention sécuritaire (…) et son efficacité ». Il se fait insistant : « il y a une forme de dérive sécuritaire qui justifie des lois sans cesse plus répressives, au nom d’une menace qui parfois est réelle et parfois, on le voit bien, est virtuelle voire même inexistante ». Cette réaction du pouvoir central face à cette menace parfois fantôme peut s’expliquer : « c’est peut-être pour montrer une efficacité qui sur d’autres terrains notamment économiques et sociaux n’est pas forcément au rendez-vous ». Et pour cause, « mettre en cause des hommes et des femmes, les priver de liberté, les accuser de terrorisme, c’est grave ! »
Ainsi, s’« il y a surement des surveillances à observer et même des répressions à exercer quand il y a des mises en cause des matériels ou des biens qui appartiennent à l’État ou des entreprises publiques, il faut que les choses se fassent. Mais de là à imaginer un scénario où le terrorisme serait là, présent, dans le cœur même de nos villages, il y a dérive ! » juge-t-il.
« Si maintenant on lit les livres, on recherche leurs auteurs, on interprète leurs textes, et on va les chercher manu militari, y compris même Corrèze, pour les mettre sous les verrous, c’est vrai que c’est inquiétant. Faites attention à ce que vous allez imprimer, diffuser, vous allez y passer aussi ! » conseille-t-il à John Paul Lepers. « La littérature est pleine de délires. On commence à lire ces textes, à supposer que cette fiction devienne une incitation au passage à l’acte et on peut se retrouver là comme ça, mis au fer, c’est vrai que c’est assez troublant. »
Loi contre le terrorisme, loi de programmation militaire, loi sur le renseignement
2012. Élection de François Hollande.
2013. Loi de programmation militaire.
2014. Loi sur le terrorisme.
2015. Loi sur le renseignement (en cours d’adoption).
Quatre étapes, autant de constats. Grâce à ces lois, rédigées, portées et votées par l'actuelle majorité, des propos trop excités proférés sur les réseaux sont désormais qualifiés en procédure pénale express, d’apologies du terrorisme. Leurs auteurs, parfois très jeunes, sont condamnés à l’emprisonnement et de lourdes amendes. En témoigne cette pluie de jugements survenue après les attentats de Charlie Hebdo.
Ce terrorisme a aussi été brandi haut la main par Bernard Cazeneuve afin de justifier le vote de la récente loi qui démultiplie les outils de technosurveillance. Et « c’est assez troublant », la loi sur le renseignement programme un mécanisme d’algorithmes pour renifler quelques comportements déviants (réseau TOR, vidéo de décapitation, etc.), traces fragiles d’une potentielle menace terrorisme. Et si les faits « matchent » car correspondent aux critères mathématiques définis silencieusement, leurs auteurs voient l’ensemble de leur environnement numérique, entourage compris, mis à nu sur les écrans des services. Le charme du pré-crime.
En outre, le projet de loi sur le renseignement ne vise pas seulement le terrorisme. D’autres finalités peuvent justifier le déploiement de la techno surveillance, comme les « violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ». Expression suffisamment floue pour justifier un suivi étroit ou massif, c’est selon, des trop hors norme qui menacent la paisible vie de la cité.
Enfin, quand certains propos encore trop fleuris sont lus sur Internet, les services ont la capacité d’imposer le blocage administratif des sites en question, s’ils relèvent de l'apologie du terrorisme. Leurs auteurs n’en connaissent pas les raisons préalables puisque tout est décidé dans la pénombre des bureaux, loin des bruyants tribunaux.
« Faites attention à ce que vous allez imprimer, diffuser, vous allez y passer aussi ! » disait donc Hollande en janvier 2009.