Alors que certaines administrations optent parfois pour des adresses Gmail ou Hotmail, un sénateur vient de demander au gouvernement comment concilier l’utilisation de ce type de solution avec la législation applicable à la protection des données personnelles. Et pour cause. Les sociétés proposant ces webmails gratuits passent bien souvent au peigne fin les messages ainsi échangés, à des fins publicitaires.
C’est au travers d’une question écrite parue la semaine dernière au Journal officiel que le sénateur Hervé Poher a tenu à interroger la ministre de la Justice. L’élu socialiste y explique qu’il cherche à savoir comment s’applique la loi Informatique et Libertés lorsqu'une administration publique et un citoyen échangent par email et que « le dispositif logiciel utilisé, par l'une, l'autre ou les deux [parties] est adossé à un modèle économique qui lit le contenu de la correspondance électronique à des fins de ciblage publicitaire ».
Les exemples en la matière ne manquent pas, Google reconnaissant par exemple noir sur blanc que sa solution Gmail repère certains mots-clés présents dans les emails pour ensuite afficher aux utilisateurs concernés des publicités en lien avec ces termes (un appareil photo, un voyage sous les cocotiers, etc.).
Un « détournement de finalité d'informations privées »
De ces solutions gratuites, Hervé Poher retient que « certaines entreprises lisent, captent, analysent et utilisent les informations contenues dans les correspondances électroniques de [leurs] utilisateurs pour du profilage marketing. En conséquence, des informations confidentielles, comme des données concernant la santé, qui peuvent émaner de l'administration publique, peuvent se retrouver utilisées, contrairement à leur finalité, par des intérêts privés ».
La ministre de la Justice, qui dispose en théorie d’un délai d’un mois pour répondre à cette question écrite, est ainsi priée de lui préciser « quelles protections peuvent disposer les collectivités territoriales et les administrations publiques hospitalières » face à ce genre de situation, et d’autre part comment ces mêmes acteurs publics « peuvent protéger leurs usagers (...) de ce type d'utilisation de données les concernant ».
Une pratique courante chez certains parlementaires
Si Hervé Poher n’évoque que le cas d’administrations bien spécifiques, on notera que certains parlementaires sont particulièrement friands de célèbres webmails gratuits. Depuis sa page officielle, sur le site du Sénat, la centriste Annick Billon invite par exemple les internautes souhaitant joindre sa permanence de La Roche-sur-Yon à lui écrire à une adresse Gmail. Du côté de l’Assemblée nationale, le député Carlos Da Silva en fait de même, ainsi que l’UMP Jean-François Mancel, etc. Un choix qui peut paraître surprenant quand on sait que les parlementaires bénéficient en principe d’une adresse email gérée par leur assemblée, et qui ne relève donc pas de serveurs bien souvent situés sur le sol des États-Unis.
Si la réponse de Christiane Taubira risque d’être relativement courte s’agissant des citoyens, qui demeurent libres de choisir la solution de messagerie qui leur convient le mieux, il sera en revanche plus intéressant de connaître son point de vue sur les pratiques de l’administration. Nous ne manquerons donc pas d'y revenir.