L’ARCEP a aussi été consultée par le gouvernement dans le cadre de la rédaction du projet de loi sur le renseignement. Si la CNIL s’est émue des risques soulevés par ce texte au regard des données personnelles, le gendarme des télécoms, lui, craint d’autres effets de bord.
De possibles effets de bord
Avec cette loi, les services du renseignement pourront mettre les mains directement sous le capot des opérateurs : installer des sondes pour aspirer en temps réel et à flux continu les métadonnées d’une personne déterminée, ou bien mettre en œuvre une boîte noire pour faire de l’analyse prédictive d’une potentielle menace terroriste (notre actualité). « L’action des services n’est pas la répression mais vise à prévenir la commission d’actes. Leur vocation est de comprendre, de détecter et d’anticiper, avec des moyens administratifs sous le double contrôle d’une autorité indépendante et du Conseil d’État » a expliqué le député Jean-Jacques Urvoas à Télérama.
L’ARCEP craint cependant les effets de bord de ces mesures, dans son avis tout juste publié. Puisque ces mesures seraient « susceptibles d’avoir un impact sur l’intégrité et la disponibilité des réseaux ou sur la qualité des services de communications électroniques », elle demande au gouvernement une concertation avec les acteurs concernés, dans la limite des possibilités barricadées par le secret défense. L’institution demande d’ailleurs aux opérateurs de « l’informer, le cas échéant, de toute perturbation significative de leurs réseaux ou services », une fois la mise en oeuvre effective.
L'épineuse question des communications internationales
La loi a programmé également un régime spécifique quant au renseignement sur les communications internationales. L’hypothèse facile est celle d’un émetteur en France, un récepteur à l’étranger. Seulement, des cas plus complexes sont anticipés, par exemple deux personnes à l’étranger mais dont l’une est rattachée à la France via l'IP pour X ou Y raison. Inversement, deux citoyens communicants en France mais dont l’échange semble de niveau international. Selon l’ARCEP, qui n’a visiblement pas eu de réponse, il sera parfois « délicat pour les opérateurs de déterminer de manière suffisamment certaine le régime dont relèvent les communications internationales émises ou reçues sur le territoire national ».
Des coûts à indémniser, si possible rapidement
Dernirer rappel de l’ARCEP, quelques règles d’hygiène financière : conformément à une jurisprudence bien établie du Conseil constitutionnel, les opérateurs (et hébergeurs) doivent être indemnisés des sujetions relatives à l’ordre public, étrangères à leurs missions. L’institution souligne à cet égard que « les opérateurs rencontrent parfois avec certaines autorités administratives des difficultés dans le paiement des sommes correspondantes ». Les remarques de l'ARCEP sont d'autant plus pesantes que la question des coûts a été particulièrement négligée dans l'étude d'impact annexée au projet de loi.
L'autorité indépendante réclame donc du gouvernement de veiller « à l’indemnisation rapide et homogène des surcoûts exposés », histoire par exemple d’éviter le bourbier Hadopi où, faute de décret d’application, les FAI empilent depuis des années les factures impayées.