L'idée d'un député pour assujettir le cloud à la redevance copie privée

Le cloud et le marteau
Droit 5 min
L'idée d'un député pour assujettir le cloud à la redevance copie privée
Crédits : Suradin Suradingura/iStock/Thinkstock

Avec la démission de la quasi-totalité des « industriels » fin 2012, la Commission copie privée a volé en éclats, sans pouvoir assujettir de nouveaux univers de stockage. Un député a cependant une petite idée pour frapper le « cloud » et répondre ainsi aux vœux des ayants droits.

Le député Hervé Féron vient de suggérer à Fleur Pellerin de contourner l’absence de commission copie privée pour vigoureusement étendre l’assiette de la redevance. « L'assiette de la RCP, regroupant aujourd'hui douze familles d'équipements (supports d'enregistrement analogiques et numériques, mémoires et disques durs intégrés à un téléviseur, clés USB et cartes mémoires non dédiées, etc.), pourrait légitimement être adaptée. »

Apple, Amazon, Google dans la ligne de mire

Adaptée ? Le parlementaire PS songe en particulier au « développement rapide de l'informatique « en nuage » ou cloud computing [qui] transforme profondément la distribution des contenus culturels ». Il vise Apple, Amazon ou Google, qui tous « proposent désormais des services permettant à l'usager de stocker « dans le nuage » des fichiers (titres musicaux, vidéos, livres électroniques etc.) afin de pouvoir les consulter en ligne, mais aussi les rapatrier sur n'importe lequel de ses terminaux connectés (ordinateur, smartphone, tablette...) ».

Cependant, puisque la commission copie privée ne s’est plus réunie depuis fin 2012, avec la démission de 5 des 6 représentants des industriels, impossible pour elle de plancher sur une telle extension, même si celle-ci ne nécessiterait qu'une petite réserve interprétative. Le député recommande du coup à Fleur Pellerin de passer par la loi, afin de modifier « le dispositif juridique actuel en matière d'exception pour copie privée, en amendant les articles concernés du code de la propriété intellectuelle, de façon à y inclure les pratiques de cloud computing ».

L'opposition de Bercy

Le cloud n’est pas seulement l'univers de stockage qui fait rêver les ayants droit. C’est aussi un secteur économique où ce type de réformes inquiète. En témoigne cette lettre de la Direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), qui en juin 2012, en marge d’un rapport du CSPLA sur le sujet, s’était fortement alarmé de cette extension.

Dans ce document révélé dans nos colonnes, elle réclamait avant tout chose une estimation « robuste » et « transparente » du préjudice à compenser. De même, conseillait Bercy, « il est crucial de ne pas concevoir de dispositif qui reviendrait in fine à pénaliser, à différents niveaux de la chaîne de valeur, des acteurs opérant depuis le territoire français tout en étant impuissant à interpeller les acteurs situés hors du territoire national ».

cloud copie privée DGCIS

La DGCIS ne se privait pas d’envoyer d’autres pelletés : « Les réflexions gagneraient à approfondir aussi les questions de mode de gouvernance du dispositif, les méthodologies de définition de l’assiette ainsi que les règles de loyale concurrence en ce qui concerne la collecte du prélèvement ». En somme, elle demandait aussi une auscultation de cette Commission copie privée où les ayants droit sont en surnombre, ainsi que l’aptitude pour Copie France, société des ayants droit, à aspirer loyalement les prélèvements. L’AFDEL avait aussi condamné une telle extension.

L'opposition de la FFT

Début 2012, l’assujettissement du cloud avait aussi été démonté par la Fédération Française des Télécoms, là encore dans un document révélé ici. « La notion même d’hébergement depuis la mise en œuvre de cette activité, est indépendante de la destination des contenus hébergés (accès privatif ou partagé). Il n’est techniquement ni juridiquement justifié qu’un hébergeur d’espace privé, soit plus exposé en termes de responsabilité qu’un hébergeur d’espace partagé en public. En outre, responsabiliser les hébergeurs d‘espaces privés supposerait qu’ils aient connaissance des contenus qui y sont hébergés, ce qui pourrait être incompatible avec la notion même d’espace privé. »

copie privée FFTcopie privée FFT

Y-aurait-il désormais des brèches dans la position autrefois soudée des acteurs des télécoms ? C’est ce que laisse entrevoir un échange au ministère de la Culture, en novembre dernier. La SACD, société de gestion collective dirigée par Pascal Rogard, l’a assuré, sans citer aucun nom : « Aujourd’hui, des opérateurs importants, qui sont en passe de faire migrer la copie privée de leurs box vers le nuage, sont demandeurs de l’application de la copie privée à ce type d’activité. » Avec une FFT aujourd’hui menacée de mort, les positions soudées d’autrefois auraient-elles du plomb dans l’aile ? Une certitude : une extension de la RCP pour les quelques gigas proposés par tel acteur télécom à ses abonnés permettrait de justifier d’une extension de la mesure aux gros acteurs américains, en raison du principe d’égalité (nous reviendrons sous peu sur le sujet). 

Un moyen pour remettre en cause le statut de l'hébergeur ?

Hervé Feron n’en fait pas davantage état, mais cette extension du régime de la copie privée au cloud pourrait aussi avoir des effets du côté de la responsabilité des hébergeurs selon certains ayants droit. Pourquoi ? L’article 6.1.2 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique définit l’hébergeur comme celui qui assure « même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».

Dans cette définition, retenons spécialement le critère de la « mise à disposition du public ». Certains bénéficiaires estiment que, puisque les casiers en ligne proposent du stockage sans partage, le critère de la « mise à disposition du public » fait défaut. Il permettrait donc de retirer le statut d’hébergeur à un grand nombre de solutions en ligne que ce soit chez OVH, DropBox, etc. qui pourraient être condamnés dès le premier MP3 envoyé sur leur serveur illégalement, ou non compensé par le paiement d’une redevance copie privée.

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