De nouveaux signes montrent que le gouvernement français entend durcir la lutte contre les contenus racistes et antisémites sur Internet, notamment via une extension du blocage administratif. Dernières traces en date, les propos d’Harlem Désir à l’ONU qui rejoignent ceux de la Garde des Sceaux.
Hier, l’Organisation des Nations Unies a consacré une journée contre la montée de l'antisémitisme dans le monde. Venu à New York avec le philosophe Bernard-Henri Lévy, le secrétaire d'État aux Affaires européennes et ancien président de l'association SOS Racisme, Harlem Désir, a donné plusieurs pistes de travail.
Le blocage des contenus racistes ou antisémites
Dans un discours, il a annoncé que plusieurs initiatives seraient mises en œuvre « à court terme ». Ainsi, les faits de racisme et d’antisémitisme seront bientôt considérés comme des circonstances aggravantes pour les autres infractions prévues dans le Code pénal. De même, ces propos ne seront plus couverts par la loi de 1881 sur le droit de la presse (et la liberté d’expression) car ils ne sont pas des opinions « mais plutôt une incitation à la haine et à la violence ». Enfin, les contenus ou sites racistes et antisémites pourront être bloqués. « Notant que les sites concernés avaient banni les contenus à caractère pédopornographique à la demande des gouvernements, Harlem Désir a dit qu’il fallait parvenir à un résultat similaire pour les appels à la haine et la violence » résume Reuters.
Rendre plus facilement responsables les plateformes
Lors d’une conférence de presse organisée en marge de l’évènement, on apprend que la France a aussi demandé à l’ONU de définir un cadre légal pour rendre les éditeurs de réseaux sociaux responsables de ces contenus. Elle réclame par ailleurs des mesures similaires en Europe. « Nous devons établir un cadre légal afin que ces plateformes sur Internet, les grandes compagnies qui gèrent les réseaux sociaux, soient appelées à agir de manière responsable » a ajouté le secrétaire d'État, dont les propos ont été rapportés par l'agence de presse.
Un écho aux propositions de la Garde des Sceaux
Ces propositions sont le parfait écho de ce qu’a proposé Christiane Taubira voilà quelques jours. Suite aux attentats contre Charlie Hebdo, celle-ci considère que « lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations est plus que jamais une priorité ». Lors de sa visite à l’École Nationale de la Magistrature (ENM) de Paris, la garde des Sceaux a elle aussi proposé que le racisme devienne une circonstance aggravante pour de nombreuses infractions. Tout comme Harlem Désir, elle suggère de faire sortir les injures et diffamations à caractère raciste, antisémite (mais également homophobe) de la loi de 1881 pour les transférer dans le Code pénal. Avec à la clef des mesures nettement plus musclées, dont une prescription étendue à trois ans. Enfin, la ministre voudrait « confier à l’autorité administrative la possibilité de bloquer les sites et messages de haine raciste ou antisémite ».
La montée en puissance du blocage administratif
Le blocage administratif confirme ainsi sa montée en puissance dans le gouvernement actuel qui, après l’avoir étendu de la pédopornographie à l’apologie ou la provocation au terrorisme, entend cibler désormais les propos racistes ou antisémites. À ce jour, ces restrictions d’accès ne sont pas impossibles, mais elles exigent l’intervention préalable du juge, gardien des libertés fondamentales. Avec le basculement vers le blocage sans juge, c’est finalement une autorité administrative qui devra faire le tri entre la contestation sociale et les vrais contenus racistes sur Internet, le tout dans le cadre d’une procédure non publique.