Les Canadiens accusés de téléchargement illégal peuvent dorénavant recevoir de leurs fournisseurs d’accès à Internet des messages d’avertissement préparés par les ayants droit. Un peu comme aux États-Unis, le dispositif ne prévoit aucune sanction pénale (amende...), ce qui n'empêche en rien les personnes avisées de faire l'objet de poursuites individuelles.
Définitivement adopté durant l’été 2012, le projet de loi C-11 sur le droit d’auteur déploie désormais complètement ses ailes au Canada. Des dispositions instituant un dispositif d’avertissements à destination des « pirates » accusés de téléchargement illégal sont effectivement entrées en vigueur le 1er janvier. Dorénavant, tout ayant droit a la possibilité de faire envoyer un « avis de prétendue violation » de droits d’auteur à un abonné (flashé par exemple sur les réseaux peer-to-peer), et ce par la voix de son fournisseur d’accès à Internet.
Des avertissements potentiellement illimités
Les fameux avertissements, à visée pédagogique, doivent mentionner l’adresse IP de la ligne mise en cause, le nom de l’œuvre piratée, la date et l’heure de la commission de la prétendue violation, etc. Le dispositif est cependant très éloigné de notre riposte graduée, puisqu'aucune sanction n’est prévue en cas d’avis à répétition. Les messages peuvent donc se succéder inlassablement, sans qu’il n’y ait d’amende ou de coupure de l’accès à Internet.
Aucune institution (telle qu’Hadopi) n’est instaurée pour faire le lien entre les différents protagonistes. Les FAI sont simplement tenus de transmettre les avis rédigés par les ayants droit, faute de quoi ces derniers pourront réclamer le recouvrement de dommages et intérêts préétablis « d’au moins 5 000 $ et d’au plus 10 000 $ » (soit entre 3 500 et 7 000 euros environ).
Aucune contrepartie financière pour les intermédiaires mis à contribution
Ces opérations auront forcément un coût pour les opérateurs, lequel ne sera cependant pas pris en charge par les ayants droit. Mais comme l’explique le juriste canadien Michael Geist, les intermédiaires participants bénéficient en contrepartie de certaines protections juridiques, la loi C-11 prévoyant des exonérations de responsabilité au titre des actions éventuellement illicites de leurs abonnés.
Si les ayants droit n’auront pas accès aux données permettant d’identifier l’abonné se cachant derrière telle adresse IP, rien ne les empêchera en revanche de se tourner vers la justice afin d’engager directement des poursuites individuelles contre des internautes. D'ailleurs ce mécanisme cible l'abonné, qui peut ne pas être celui à l'origine du téléchargement ou de la mise à disposition illicite de l'oeuvre.
Les FAI sont ici tenus de conserver pendant six mois les données d’identification de leurs clients. Certaines sociétés spécialisées dans les arrangements à l’amiable sont d’ailleurs déjà dans les starting-blocks selon TorrentFreak, ce genre de business étant très répandu aux États-Unis notamment (voir notre article). Michael Geist relève cependant que quand bien même un dossier irait jusqu’au procès, les dommages et intérêts prévus pour une violation commise à des fins non commerciales ne pourrait pas dépasser les 5 000 dollars.
Google également concerné par le dispositif
Reste enfin une grande interrogation : dans quelle mesure les ayants droit utiliseront-ils ce nouveau dispositif ? Michael Geist explique que ce genre de pratique était déjà répandu au Canada, mais sans être formalisé. Il ne devrait donc pas y avoir de grand chamboulement.
Ce qui est cependant assez nouveau avec cette loi, c’est que les FAI ne sont pas les seuls à pouvoir être tenus de transmettre des avis. Le texte fait explicitement référence aux intermédiaires qui fournissent « les moyens de télécommunication par lesquels l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation est connecté à Internet ou à tout autre réseau numérique », ou bien encore ceux qui proposent « tout outil permettant de repérer l’information qui est accessible sur l’Internet ou tout autre réseau numérique ». Les sociétés commercialisant des VPN devraient ainsi pouvoir être mises dans la boucle, de même que les moteurs de recherche, comme l’affirmait le gouvernement canadien il y a plusieurs mois (voir ici). Pour l'heure, l’application de ces dispositions semble néanmoins encore un peu floue.