Alors que le gouvernement travaille à la simplification des démarches administratives en ligne via les programmes « Dites-le nous une seule fois » et France Connect, un récent rapport parlementaire propose de permettre aux citoyens de s’inscrire sur les listes électorales au travers des principaux autres téléservices (déclaration de revenus, demande d’allocations familiales, etc). Explications.
Que faire contre l’abstention ? Bien souvent, certains estiment que faciliter l’inscription sur les listes électorales permettrait de faire revenir, au moins dans un premier temps, un grand nombre de citoyens aux urnes. Actuellement, la procédure s'avère effectivement assez complexe : il faut par exemple s’inscrire avant le 31 décembre 2014 pour pouvoir voter lors des scrutins de 2015, afin que les pouvoirs publics aient le temps d’effectuer les vérifications nécessaires.
Au travers d’un rapport d’information présenté la semaine dernière à l’Assemblée nationale, les députés Élisabeth Pochon (PS) et Jean-Luc Warsmann (UMP) déplorent justement que « ce calendrier d’inscription joue un rôle déterminant dans l’éloignement de millions d’électeurs de l’institution électorale (3 millions de non-inscrits et 6,5 millions de mal-inscrits), en raison de son décalage par rapport au rythme démocratique et de son inadaptation à la mobilité résidentielle des électeurs ». Il n’est pas toujours facile en effet de s’y retrouver entre les différentes échéances électorales, et un déménagement non anticipé peut également faire que le citoyen se retrouve rapidement hors délais.
Une procédure contraignante et trop peu présente sur Internet
En octobre dernier, le président de la République a annoncé qu’il souhaitait que l’inscription sur les listes électorales soit possible jusqu’à un mois avant le scrutin. Les députés Pochon et Warsmann, qui estiment qu’un délai de 45 jours paraît plus réaliste, plaident pour divers autres assouplissements de cette procédure. Ils se sont penchés en particulier sur le téléservice qui permet depuis 2009 de s’inscrire en ligne, via le portail mon.service-public.fr. Voici d’ailleurs leurs explications à ce sujet :
« Service de dépôt des demandes d’inscription, mon.service-public.fr reçoit les demandes qui lui sont transmises et les transfère aux communes qui conservent l’entière compétence de les instruire. La commune qui adhère à ce portail a le choix entre recevoir les demandes d’inscription par transmission informatique ou opter pour une démarche intégrée grâce à l’interconnexion de son logiciel de gestion des inscriptions au site de la direction de l’information légale et administrative (DILA).
Près de 4 100 communes ont demandé leur raccordement au service – dont la plus petite compte 10 habitants – et des actions de communication sont régulièrement entreprises pour étendre la couverture du territoire et de la population, même s’il reste matériellement compliqué pour une commune rurale de faire ce choix.
En 2013, 1 000 à 4 000 demandes d’inscription ont été déposées par ce biais chaque mois, et 95 000 pour le seul mois de décembre. Plus d’un tiers des inscriptions réalisées à Paris sur la période de révision 2013-2014 l’ont été par ce téléservice. »
Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’évoquer, le problème reste le même au fil du temps : les communes ne proposent pas toutes ce téléservice, manifestement pour des raisons de moyens. Il est surtout effectif dans les grandes villes, ce qui laisse sur le côté un bon nombre de personnes habitant à la campagne, alors que les citoyens éloignés de leur mairie pourraient apprécier de ne pas avoir à faire de déplacement. Selon ce rapport, près de 60 % du corps électoral serait actuellement exclu du dispositif.
Face à ce constat, les députés Pochon et Warsmann ne prônent pas explicitement une généralisation de ce téléservice, contrairement à la fondation Terra Nova par exemple. En revanche, ils proposent différentes pistes d’amélioration, le déploiement complet du dispositif étant malgré tout porté par les pouvoirs publics.
Une inscription possible via d'autres démarches administratives en ligne ?
Leur rapport préconise ainsi de « de lier, au sein du portail mon.service-public.fr, les téléservices de notification des changements d’adresse et d’inscription sur les listes électorales ». Si les parlementaires ne détaillent pas davantage leur idée, on imagine qu’un internaute qui signalerait son déménagement en ligne pourrait par la même occasion être invité à remplir un formulaire ou cocher une case pour s’inscrire par ricochet sur les listes électorales de sa nouvelle commune.
D’une manière plus large, les députés Pochon et Warsmann demandent d'ailleurs à ce que les pouvoirs publics permettent à « tout électeur de solliciter son inscription sur les listes électorales à chacune des principales démarches administratives en ligne qu’il accomplit ». Les deux élus estiment que les téléprocédures nécessitant les mêmes pièces justificatives (pièce d’identité et justificatif de domicile) pourraient tout d’abord être couplées à la demande d’inscription sur les listes électorales.
« Il appartiendrait aux administrations concernées d’adresser périodiquement ou automatiquement aux communes compétentes les dossiers d’inscription, ou s’il était décidé de conférer un caractère semi-automatique à ces démarches, la liste des électeurs ayant émis le souhait d’être inscrits ou réinscrits et ayant présenté les pièces justificatives de nationalité, d’identité et de domiciliation » expliquent les parlementaires. Ces derniers aimeraient bien que le citoyen puisse faire sa demande d’inscription sur les listes électorales au moment de sa déclaration de revenus, lors d’une demande de carte grise ou d’allocations familiales, d’une inscription à l’université, etc.
« Une meilleure articulation des démarches administratives dématérialisées avec la procédure d’inscription, grâce à l’amélioration du dialogue et des échanges d’informations entre administrations, permettra d’inciter le plus grand nombre d’électeurs potentiels à vérifier leurs conditions d’inscription sur les listes électorales. Elle contribuera à juguler le traditionnel afflux de demandes qui précède l’expiration du délai d’inscription et qui, dans certaines communes, soulève de nombreux problèmes pratiques dès lors que le nombre de dossiers qui sont déposés par internet au cours de la journée du 31 décembre avant minuit – et fréquemment après l’heure de fermeture des services chargés de les traiter – complique considérablement la tâche des commissions administratives chargées de statuer sur leur conformité aux règles électorales dans des délais contraints, a fortiori lorsque les dossiers sont incomplets » estiment les rapporteurs.
Si le gouvernement n’a pas encore réagi à ce rapport, soulignons que cette piste semble parfaitement coller avec ses récents projets « Dites-le nous une seule fois » et France Connect. Le premier permettra à tout citoyen, à partir de 2017, de stocker sur un espace en ligne accessible à l’administration de nombreuses pièces justificatives. Le second vise quant à lui à fournir un identifiant de connexion unique entre les différents téléservices (CAF, Assurance maladie, mon.service-public.fr, etc.).
Les photos de smartphones bientôt acceptées pour les justificatifs
Autre recommandation, plus accessoire : que les formats de justificatifs acceptés par l’administration soient plus variés. « L’un des obstacles fréquemment relevés par les utilisateurs [du site mon.service-public.fr] est l’obligation d’envoyer une copie des pièces justificatives sous format PDF » expliquent ainsi les députés. Ces derniers annoncent néanmoins que « dans le prolongement des actions en cours pour l’établissement de la carte vitale, le gouvernement a indiqué à votre mission d’information travailler à l’assouplissement de cette condition en permettant l’envoi de la photographie ou du scan de ces pièces, par exemple à partir d’un smartphone ».