Si la justice a déjà eu l’occasion d’affirmer que s’adonner au téléchargement illégal sur son lieu de travail peut constituer une faute grave, la Cour de cassation vient de confirmer l’annulation du licenciement d’un salarié accusé de telles pratiques. L’employeur n’avait tout simplement pas apporté suffisamment de preuves.
Le 31 mai 2010, Monsieur X. a été licencié pour faute grave. Le motif invoqué par son employeur, responsable d’un magasin d’informatique situé à Villeurbanne (à côté de Lyon) est très simple : « téléchargements illégaux et répétitifs au sein de l'entreprise ». Le piratage est en effet loin d’être limité à la sphère privée. La Hadopi envoie d’ailleurs régulièrement des avertissements à des entreprises voire à des administrations ou des collectivités territoriales, suite à des échanges illicites en peer-to-peer.
Un licenciement considéré comme abusif, faute de preuves suffisantes
Manque de bol pour le patron, la cour d’appel de Lyon a décidé le 26 mars 2013 que ce licenciement n’était pas fondé. Et pour cause. Suite au recours engagé par l’ex-salarié, l’entreprise a produit en guise de preuve un relevé de connexions réalisé le 3 mai 2010, et sur lequel ne figurait qu'une seule visite de 2 minutes et demi sur « allotracker.com » – un site de liens torrent désormais fermé. Les magistrats ont dès lors considéré que cette consultation d’un site permettant de télécharger illégalement des films ou des musiques ne prouvait pas que le salarié était passé à l’acte. Et encore moins qu'il le faisait de façon répétée, comme le lui reprochait son employeur.
D’autres visites sur des sites tels que Facebook, L’Équipe, Jeux-video.com ou Meetic avaient bien été relevés pour cette même journée, mais le motif du licenciement ne portait pas sur une utilisation abusive d’Internet au travail. Par conséquent, sans viser cet autre motif (qui aurait très bien pu s’ajouter à celui relatif aux prétendus téléchargements), l’employeur s’est fait sanctionner par la cour d’appel.
Cette dernière a en effet conclu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. L’entreprise a ainsi été condamnée à verser 5 000 euros à son ex-salarié au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif, plus 1 000 euros pour licenciement vexatoire.
La Cour de cassation confirme la décision de la cour d'appel
L'employeur a tenté un recours devant la Cour de cassation, mais celle-ci a rejeté son pourvoi le 29 octobre dernier (voir l’arrêt sur Légifrance). Il était notamment reproché à la cour d’appel de Lyon de ne pas avoir analysé le témoignage d’un responsable technique, lequel attestait que « Mr X... procédait à des téléchargements illégaux via le proxy web utilisé comme outil de production dans la société ». La haute juridiction, qui juge l’application du droit et non pas le fond des affaires, a écarté cet argument en affirmant qu’il n’était « pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ».
L’entreprise devra désormais payer 3 000 euros de plus à son ancien salarié, au titre des frais de justice.
Rappelons qu’en mars 2011, la cour d’appel de Versailles a validé le licenciement pour faute grave d’un employé qui avait téléchargé des fichiers grâce au logiciel eMule, qu’il avait installé sur son poste de travail professionnel (voir notre article).