Geoff Brigham et Michelle Paulson, respectivement avocat et conseillère juridique de Wikimédia, viennent de publier un billet sur le blog de la fondation afin d'expliquer que plusieurs pages de l'encyclopédie libre ne seront bientôt plus référencées en Europe. La faute au droit à l'oubli.
Les drôles de conséquences de l'application du droit à l'oubli (ou droit à l'effacement) continuent de plus belle. Après le déréférencement de certains articles de presse, dont un de Next INpact, voilà que Wikipedia est directement concernée cette fois. La fameuse encyclopédie en ligne explique ainsi qu'elle a reçu il y a quelques jours plusieurs avis lui annonçant le retrait de certains liens dans les moteurs de recherche destinés aux Européens.
Au moins une cinquantaine de liens Wikipédia concernés
Pour Geoff Brigham et Michelle Paulson, « priver les gens d'accéder à l'information pertinente et neutre est contraire à l'éthique et les valeurs du mouvement Wikimédia ». Foncièrement opposée à l'arrêt de la Cour de Justice européenne du 13 mai dernier qui a depuis poussé bien des moteurs à appliquer des milliers de demandes de droit à l'oubli, Wikimédia estime que cela peut causer du tort à l'accès à la connaissance.
L'avocat et la conseillère juridique de l'encyclopédie précisent qu'au 18 juillet dernier, sur 91 000 demandes de suppression envoyées à Google, 328 000 liens ont été concernés et plus de la moitié de ces liens ont bien été retirés du moteur de recherche. Parmi ces milliers d'URL supprimées, une cinquantaine ont concerné Wikipédia, soit des pages, soit d'autres types de contenus (comme des photos).
« Les moteurs de recherche n'ont aucune obligation légale d'envoyer de tels avis »
Brigham et Paulson notent être au courant de cette information uniquement du fait de la réception d'avis à ce sujet. Or « les moteurs de recherche n'ont aucune obligation légale d'envoyer de tels avis » rappellent-ils judicieusement. Pointant du doigt l'absence de politiques et de procédures transparentes des moteurs de recherche en matière de droit à l'oubli, la fondation Wikimédia estime qu'il ne s'agit là qu'une « des nombreuses failles de la décision européenne ».
Exemple d'avis envoyé à Wikimédia
Afin de faire justement preuve de transparence, la fondation a d'ailleurs décidé de mettre en place une page dédiée aux avis envoyés par les moteurs de recherche. Pour le moment, seule une poignée d'avis ont été mis en ligne, mais bien d'autres devraient l'être sous peu. Par exemple, l'une des demandes de retrait vise la page Wikipédia en anglais de Gerry Hutch, un criminel irlandais. Une autre s'attaque à une page Wikipédia en italien sur Renato Vallanzasca, encore un criminel local.
Pour l'avocat et la conseillère juridique de Wikimédia, leurs projets « fournissent des valeurs informatives, éducatives et historiques pour le monde » et les cacher ou les censurer aux internautes réalisant des recherches est une erreur à leurs yeux.
Rappelons tout de même que le droit à l'oubli n'implique pas la suppression totale des liens des moteurs de recherche, mais uniquement l'effacement des URL lors d'une recherche bien précise. Par exemple, taper le nom d'une personne peut très bien afficher un lien « problématique », mais si l'on rajoute les termes spécifiques comme « abus de bien sociaux » ou « vol à la tire », certains liens peuvent tout d'un coup disparaitre. Cela peut concerner tout aussi bien un topic d'un forum, un article de presse ou bien encore une page Wikipédia.