En poste depuis 1991 à la tête d'Activision puis d'Activision Blizzard, Bobby Kotick semblait intouchable. Pourtant, le dirigeant était à deux doigts de se faire limoger par Vivendi en mai 2013, deux mois seulement avant la « prise d'indépendance » de l'éditeur.

Peu avant leur séparation, les relations entre Vivendi et Activision Blizzard n'étaient plus vraiment au beau fixe. La holding française envisageait début juillet 2013 de ponctionner un dividende exceptionnel de 5 milliards de dollars dans les caisses de sa filiale afin d'éponger ses propres dettes, ce qui n'était évidemment pas du goût des dirigeants de l'éditeur. Si ce mouvement de Vivendi a été très médiatisé, ce n'était pas le premier destiné à déstabiliser Activision.
Nos confrères de Bloomberg se sont penchés sur la procédure judiciaire en cours entre Activision Blizzard et l'un de ses actionnaires. Parmi les documents présentés aux autorités, Bloomberg a découvert quelques e-mails que se sont envoyés les responsables de Vivendi quelques semaines avant qu'un accord soit trouvé avec l'éditeur américain.
Y-a-t-il un dirigeant pour virer Kotick ?
Dans un échange par e-mail daté du 31 mai 2013, les responsables de Vivendi ne mâchent pas leurs mots à l'encontre de Bobby Kotick. Jean-François Dubos, alors PDG du groupe, y écrit : « Je me demande vraiment qui va bien pouvoir le virer ». Réponse immédiate de Phillipe Capron, directeur financier de Vivendi et membre du conseil d'administration d'Activision Blizzard : « Moi, avec joie. Dès demain si tu veux ».
À ce moment-là, Vivendi a plusieurs solutions devant elle, l'offre comprenant le consortium monté par Bobby Kotick, qui a finalement été acceptée, et une autre dont on sait seulement qu'elle mettait de côté le PDG historique d'Activision. Cette deuxième option, Richard Sarnoff, un des directeurs d'Activision, y était plutôt favorable. « Sarnoff croit que notre deal sans BKBK (NDLR : Bobby Kotick et Brian Kelly, le président du conseil d'administration d'Activision Blizzard) est bon. Il nous aidera si nous décidons de virer Bobby », explique Philippe Capron dans un autre e-mail. Il poursuit en expliquant que Kotick a une image « très forte », mais que « si l'on met la pression sur Bobby et qu'il continue de refuser, le marché comprendra son départ ».
Kotick menaçait de partir de son propre chef
Dans le même laps de temps, Bobby Kotick avançait lui aussi ses pions en expliquant aux équipes de Vivendi qu'il ne coopèrerait pas dans le cadre d'une solution qui endetterait son entreprise ou dont l'issue exclurait l'offre de son groupe d'investisseurs, mené par l'éditeur chinois Tencent. Kotick ira même jusqu'à dire à Vivendi qu'ils peuvent mettre fin à son contrat si cela les chante.
« Je pense que Bobby fait le même pari qu'il y a trois ans et pense que l'on n'oserait pas le laisser partir », analyse Fréderic Crépin dans un e-mail, montrant ainsi qu'en 2011, la situation était déjà tendue entre les deux entreprises.
Finalement, les choses se sont réglées plutôt à l'amiable puisque Vivendi a fini par encaisser plus de 8,1 milliards de dollars, et même 9 milliards si l'on tient compte de la dernière vague d'actions vendues par le groupe fin mai. Bobby Kotick a quant à lui pu offrir à son groupe d'investisseurs près de 25 % des parts d'Activision Blizzard, contre 2,34 milliards de dollars.