C'est dans la nuit de dimanche à lundi que sera dévoilé le nouveau chipset d'Intel ouvrant la voie à une nouvelle plateforme : le Z97. Accompagné un peu plus tard d'un H97, il n'apporte rien de vraiment nouveau. Pour autant, il est au centre d'une guerre acharnée entre les différents constructeurs, qui se piétinent les uns les autres depuis quelques semaines dans l'espoir d'apparaître comme le plus innovant.
Le SATA Express devait bien faire partie des chipsets de la série 9
L'arrivée d'une nouvelle plateforme chez Intel est toujours un moment compliqué. En effet, l'écosystème qui gravite autour du géant de Santa Clara est vaste, et il est improbable de réussir à contenir les fuites, surtout lorsque l'on se rapproche d'une phase de lancement commercial.
Ainsi, dès la fin de l'été dernier, nous avions évoqué l'arrivée des chipsets de série 9 et des processeurs Haswell refresh.
Chipsets de série 9 et Haswell refresh : à l'ouest, rien de vraiment nouveau
Si à l'époque cela n'avait rien de vraiment transcendant en termes de nouveautés, les choses ne sont pas allées en s'arrangeant. En effet, les processeurs en question ont été lancés via une simple mise à jour de la liste de prix et n'affichent que quelques mégahertz de plus.
De leur côté, les chipsets qui ne devaient fondamentalement apporter que le support du SATA Express en seront finalement dépourvus. Intel a en effet décidé de ne pas assurer le support de cette norme pour le moment, se focalisant sur le format M.2 qui est désormais géré nativement et que les constructeurs sont assez fortement incités à utiliser.
Et bien qu'Intel ne communique pas vraiment sur la nouvelle plateforme qu'il s'apprête à introduire, elle se distinguera bien par une nouveauté : les cartes mères disposant d'un chipset de la série 9 continueront bien à proposer un socket LGA 1150 mais sont prévues pour supporter les processeurs des générations à venir.
Cela concerne bien entendu ceux qui exploiteront la nouvelle architecture Broadwell, et dont le lancement n'est pas attendu avant encore quelques mois, mais aussi le fameux Devil's Canyon, pensé pour les adeptes d'overclocking, et qui devrait être officiellement lancé à l'occasion du Computex qui ouvre ses portes dans un peu plus de trois semaines.
Est-ce qu'une mise à jour des cartes mères était nécessaire pour cela ? Peut-être, il faudra regarder les choses de plus près une fois les processeurs officiellement dévoilés, surtout qu'ils semblerait que certains constructeurs réutilisent leurs designs Z87 pour proposer des produits en Z97.
Est-ce qu'une mise à jour du chipset devait accompagner le mouvement ? Sans doute pas, mais cela permet de rendre plus visible la différence entre les différentes générations au niveau du néophyte, quitte à se faire (encore) critiquer sur le manque d'innovation à ce niveau. Le chipset ne sera de toute façon bientôt plus qu'un mauvais souvenir, le mouvement ayant déjà commencé sur les gammes dédiées à l'univers mobile.
Fabriquer des cartes mères et se démarquer : mission impossible ?
Mais in fine, ce sont les constructeurs de cartes mères qui se retrouvent les plus embêtés. En effet, ceux-ci vivent du renouvellement de leurs produits. Déjà que la capacité d'AMD à ne pas proposer de nouveau processeur pour son offre haut de gamme (AM3+) commence à leur poser un souci, sans parler de la stagnation du côté des APU ou de l'arrivée de l'AM1 qui les incite à produire des modèles à 30/40 €. Intel n'est d'ailleurs pas en reste en misant de plus en plus sur ses NUC ou sur Baytrail qui se vend aussi à des tarifs plancher.
Le renouvellement d'un chipset sur une gamme aussi vaste que celle des processeurs LGA 1150 est donc un enjeu, et il ne faut pas se louper, que ce soit sur la ligne de produits proposée, la communication ou la commercialisation. Il en ressort une certaine fébrilité qui, si elle a déjà été de mise pour de précédents lancements, incitant certains à passer quelques limites, vire un peu au grand n'importe quoi depuis quelques semaines.
Chaque constructeur attend le faux pas qui lui permettra de briser le NDA
Plantons le décor. Depuis un bon moment, les partenaires et la presse savent que les nouveaux chipsets doivent être lancés ce 11 mai. Comme toujours, les premières informations concernant les gammes ont circulé, parfois sous couvert de NDA à l'occasion de conférences, parfois par des canaux moins directs.
Objectif : montrer en quoi la nouvelle gamme se distingue de l'ancienne, ce qui n'a rien de simple. En effet, la seule réelle nouveauté étant l'arrivée du M.2 pour le stockage, qui ne va sans doute pas intéresser en masse d'autant plus qu'il n'est pas encore démocratisé. Il faut donc broder.
Trois SSD au format M.2 signés Apacer
Chacun cherche donc à exister à travers le design de ses cartes, mais aussi les spécificités de chaque gamme, l'arrivée de nouveaux modèles s'adressant à un public précis, parfois avec quelques innovations, parfois avec des idées un peu folles.
Le plus souvent, rien de tout cela n'a réellement à voir avec le rôle premier d'une carte mère, mais cela fait de toute façon bien longtemps que l'achat d'un tel produit ne correspond plus vraiment à un choix logique, mais plutôt à un goût personnel. Il faut donc créer un attrait de manière presque sentimentale chez le client potentiel pour lui donner envie de rejoindre un clan plutôt que de choisir un produit qui ne sert qu'à imbriquer des composants.
Quoi qu'il en soit, chez tout le monde la réaction était la même : les produits et leurs « nouveautés » seront annoncés à la date prévue, « sauf si ». Cette exception évoquée à l'époque tenait d'un principe simple : il y a toujours un constructeur pour faire fuiter (volontairement ou non) les détails de sa gamme avant la date prévue, et les autres ne veulent surtout pas lui laisser le terrain médiatique d'ici au lancement.
Fin avril, tout le monde se regardait donc en chiens de faïence, attendant un gros dérapage pour se jeter dans la brèche.
Pour vanter sa gamme Z87, ASUS avait inventé Sonic Radar, ou la triche simplifiée dans les FPS
Une fois que la machine est lancée, rien ne peut l'arrêter
Et cela n'a pas loupé. Si Lab 501 ou WCCF Tech avaient déjà publié quelques photos des cartes de Gigabyte ou MSI bien en amont, cela n'avait pas fait grand bruit. C'était notamment le cas parce que le nom du chipset, pourtant connu de tous, était caché. Un secret de polichinelle qui est l'étrange norme lors des lancements de produits Intel : tant que la référence du chipset, son logo ou le détail de ses fonctionnalités n'apparaissent pas, les constructeurs disposent d'une certaine marge de manœuvre concernant les fuites plus ou moins volontaires.
Mais à la mi-avril, WCCF Tech a diffusé des photos des cartes de MSI, sans rien flouter. Si cela a été corrigé depuis, ce n'est pas pour rien. En effet, Intel a semble-t-il peu apprécié la chose, et MSI s'est de son côté fendu d'un mail envoyé à la presse le 17 avril : les photos peuvent être publiées, mais seulement avec la référence floutée par un carré rouge.
Il nous a alors été expliqué qu'un revendeur Pakistanais aurait été à l'origine de la fuite du contenu du « sales kit » qu'il a reçu. Le tout s'était néanmoins passé, comme par hasard, au moment même où ASUS venait d'organiser sa première conférence Z97 à Berlin. Les nouvelles images ont été largement distribuées, et tout s'est plutôt bien passé, dans un premier temps.
Car les concurrents n'ont pas vraiment apprécié non plus cet épisode. ASUS a ainsi annoncé que la date à partir de laquelle il était possible de communiquer sur ses produits était avancée au 28 avril, sans que les informations commerciales (disponibilité, prix) ne soient connues. Les communiqués de presse, eux, devaient partir le 2 mai.
On a dans le même temps vu de nombreuses marques diffuser leurs propres communiqués entre le 20 et le 25 avril pour la plupart, distribuer leurs cartes à la presse, etc. Et ce qui devait arriver arriva : des tests ou des previews de modèles des différents constructeurs ont été publiés.
Ceci est une photo de carte mère Gigabyte envoyée à la presse, mais chut, il ne faut pas dire qu'elle utilise un Z97
Même un produit peu attractif peut faire parler de lui pendant des semaines
On a ensuite vu certains revendeurs comme New Egg afficher les fiches des produits, ASUS a de son côté annoncé hier les détails de ses nouvelles gammes avec les tarifs qui seront pratiqués par les revendeurs dans les jours à venir en France.
Bref, de la simple mise en place d'un nouveau chipset sans réel intérêt technique, on est passé à une véritable course à l'échalote dans la communication des constructeurs, qui montrent ici que l'on peut avoir le statut de géants mondiaux et continuer à réagir comme une bande de sales gosses en maternelle.
Reste maintenant à voir si les consommateurs suivront le mouvement. Car ce n'est sans doute pas les processeurs annoncés pour les semaines à venir, la généralisation promise du M.2 ou même l'arrivée du SATA Express qui vont changer la donne. Quoi qu'il en soit, comme le rappelaient nos confrères de Hardware.fr récemment, si vous avez besoin d'une nouvelle carte mère Intel dans les semaines qui viennent, autant vous rabattre sur un modèle de nouvelle génération puisqu'elles seront plus aptes à vous permettre une mise à jour d'ici quelques mois ou années.
Attention néanmoins aux tarifs appliqués les premiers temps, car si certains constructeurs évoquent des produits très légèrement mis à jour en complément de la nouvelle gamme et des tarifs qui ne bougeront pas d'un poil, il n'est pas dit que les revendeurs joueront le jeu le temps de vider leurs stocks. C'est un point sur lequel il faudra être attentif et sur lequel nous reviendrons très bientôt, comme sur bien d'autres.