Lors d'une entrevue accordée à BFM Business afin d'analyser ses résultats financiers du premier trimestre 2014, le patron d'Orange a aussi abordé un autre sujet : le cas Numericable. Suite à sa future fusion avec SFR, la filiale d'Altice devient en effet un opérateur puissant qui ne peut plus profiter de ses avantages actuels. L'ouverture de son réseau câblé à la concurrence est aussi sur la table.
« Il n'y a aucune raison de donner des avantages au câble »
Ce mercredi, Stéphane Soumier de BFM Business a interrogé Stéphane Richard, le PDG d'Orange. Au cours de cette interview, le patron n'a pas caché son souhait de voir Numericable faire de très nombreuses concessions. « Il n'y a aucune raison dans le marché tel qu'il est aujourd'hui de donner des avantages au câble » a-t-il ainsi affirmé, comme cela a été le cas ces dernières années afin de le protéger et lui permettre de se développer.
Concrètement, Orange souhaite « remettre en cause les régimes fiscaux » de Numericable. « Il n'y a pas de raison que la TVA soit différente. Il n'y a pas de raison que l'accès aux contenus de télévision soit différent selon le câble ou l'ADSL. On est des contributeurs considérables à la création française. On en est heureux d'ailleurs. On est le principal financeur du CNC (Centre National du Cinéma, ndlr). Mais pas Numericable. Ça aussi c'est une anomalie. »
Une vision partagée avec Free
Effectivement, il faut savoir que pour des raisons historiques, Numericable ne joue pas dans la même cour qu'Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom. Il dispose par exemple d'exclusivité dans la télévision (son activité initiale) et il est exempté de certains financements. Une différence déjà pointée du doigt par Xavier Niel, le fondateur de Free, en mars dernier. Interrogé par Les Échos, le créateur de l'école 42 expliquait que la fusion entre Numericable et SFR aura pour effet une « instruction sur le volet concurrence approfondie et longue ». Non pas que les deux opérateurs vont représenter un danger immédiat pour la concurrence, mais ce sont bien les avantages du roi du câble qui poseront problème.
« Aujourd’hui, les tarifs élevés de Numericable reposent sur des exclusivités pour les chaînes premium de Canalsat et de Numericable. L’Autorité de la concurrence demandera, espérons-nous, de les faire disparaître en cas de rachat de SFR par Numericable. De plus, Numericable va devoir dégrouper son réseau câblé. Même si je n’aime pas trop le câble, si Free peut offrir aussi un service universel de télévision par le câble pour un euro par mois, ça se regarde » résumait ainsi le milliardaire.
Un réseau câblé qui doit être dégroupé
Cet avis semble donc partagé à 100 % par Orange, qui critique donc les avantages du câblo-opérateur qui n'ont plus lieu d'être à ses yeux, mais aussi la question centrale de son réseau. Aujourd'hui, pour accéder à son réseau câblé et FTTLA, il faut lier un accord avec l'opérateur, à l'instar de Bouygues Telecom actuellement et comme l'ont fait Darty et Auchan dans le passé. Une situation bien différente d'Orange, qui ne peut interdire aux opérateurs ADSL d'exploiter son réseau.
« On va mettre en évidence toute une série de points, et je ne parle même pas de la régulation, c'est-à-dire de la possibilité d'accéder à la boucle locale du câble, qui, aujourd'hui, de fait, est impossible. En tout cas ce n'est pas organisé par la régulation alors que ça l'est depuis quinze ans pour les télécoms. » Une réflexion importante dont les conséquences pourraient être gigantesques pour le câblo-opérateur, qui a déjà du mal à recruter de nouveaux clients sous sa marque. S'il devait ouvrir son réseau fixe comme a dû le faire France Télécom en 1998, période où se sont créés de nombreux opérateurs (entre 1996 et 1999), Numericable pourrait alors faire face à une concurrence nouvelle.
Vers une attaque en justice ?
« Nous on veut une mise à plat de tout ça. Et on veut qu'il y ait une équité dans la concurrence puisque maintenant, on a un grand opérateur convergent entre le mobile et le câble, il faut que l'on puisse rentrer dans cette compétition, sur un pied d'égalité avec lui » a en tout cas insisté Stéphane Richard.
Interrogé par Stéphane Soumier sur la possibilité d'attaquer Numericable devant les tribunaux, le PDG d'Orange a tenu à préciser que cela « va se faire essentiellement devant l'Autorité de la concurrence, puisque c'est elle qui est chargée d'examiner ce rapprochement. Et évidemment, si on n'obtient pas gain de cause devant l'Autorité de la concurrence, on verra ce qu'il conviendra de faire en plus. » De quoi nous attendre à une attaque en justice ? La question peut se poser. Mais dès lors qu'Orange « veut » des changements, et qu'il devrait avoir l'appui d'autres opérateurs, il ne serait pas étonnant qu'en cas de mauvais message envoyé par l'Autorité de la concurrence, les tribunaux soient sollicités.
Déjà en guerre avec SFR et Bouygues suite à leur accord de mutualisation, Orange pourrait donc se confronter directement avec Numericable selon l'avis de l'Autorité de la concurrence. Cette entrevue est en tout cas une façon d'imprimer une pression importante sur les épaules de cette dernière.