La Cour de cassation vient d’invalider le raisonnement de la cour d’appel de Douai, laquelle avait confirmé il y a plus d’un an et demi le licenciement d’une salariée accusée d’avoir envoyé trop d’emails perso depuis son travail. Et pour cause, l'employeur n'avait pas déclaré à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) le dispositif ayant permis de prouver ces échanges abusifs.
Pour 607 emails perso envoyés (et reçus) au cours du mois d’octobre 2009, plus 621 le mois suivant, Madame X a été licenciée dès le mois de décembre de la même année. Son employeur estimait qu’il s’agissait d’une faute « réelle et sérieuse », dans la mesure où ce comportement était trop excessif et répété pour être toléré.
Mais l’affaire n’en est pas restée là. La salariée, qui avait plus de neuf ans d’ancienneté, a tenté d’obtenir un dédommagement devant les tribunaux. En vain, dans un premier temps, puisque la cour d’appel d’Amiens a confirmé son licenciement pour cause réelle et sérieuse en janvier 2013. Toutefois, la Cour de cassation vient de casser et d’annuler la décision des juges de seconde instance. Et ce pour une raison de procédure : le dispositif technique ayant servi à prouver que des emails perso avaient été échangés par la salariée n’avait pas été déclaré à la CNIL au moment des faits.
Le dispositif de contrôle des emails n’avait pas été déclaré à la CNIL
Le 4 septembre 2009, l’employeur a en effet informé son personnel, dont Madame X, qu’il allait mettre en œuvre à partir du 1er octobre suivant un dispositif de contrôle visant à mettre fin à l'abus par certains de l'usage du matériel de l'entreprise à des fins personnelles. Un email en date du 29 octobre 2009 est d’ailleurs venu rappeler à l'ensemble des salariés que les fautifs seraient sanctionnés, grâce à cet outil permettant d’établir le listing des emails et coups de téléphone échangés par chaque salarié.
Sauf que ce dispositif assimilé à un traitement de données personnelles n’a été déclaré à la CNIL que le 10 décembre 2009, soit huit jours après l’entretien préalable au licenciement de Madame X. Les listings ayant servi à justifier la sanction à l’encontre de la salariée n’étaient donc pas recevables selon la Cour de cassation. Prenant le contrepied de la cour d’appel d’Amiens, la haute juridiction a ainsi jugé le 8 octobre dernier que « constituent un moyen de preuve illicite les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la CNIL » (voir la décision sur Légifrance).
La Cour de cassation a donc renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Douai, qui devrait se prononcer dans les prochains mois sur ce litige, en prenant en compte l’interprétation de la haute juridiction. L’employeur a au passage été condamné à verser 3 000 euros de frais de justice à son ancienne salariée.
Internet et son usage abusif au travail
Cette position n’est guère surprenante. Comme le soulignait l’avocate Xavière Caporal dans un récent billet de blog, le salarié ne peut être contrôlé à son insu, l’article L1222-4 du Code du travail précisant clairement qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ». Outre cette information à porter à la connaissance de son personnel, l'employeur doit par ailleurs déclarer un éventuel traitement de données personnelles, sous peine de sanctions. Ici, l'entreprise a juste un peu trop tardé à effectuer les formalités nécessaires.
Sachez que si la preuve avait été recevable, le licenciement aurait pu être validé. L’utilisation d’Internet à des fins personnelles sur le temps et lieu de travail n’est généralement admise qu’à certaines conditions, et notamment que cet usage ne soit pas abusif. La Cour de cassation a par exemple considéré le 18 décembre 2013 que le fait d’envoyer à ses collègues de travail « cent soixante-dix-huit courriels accompagnés de vidéos à caractère sexuel, humoristique, politique ou sportif » caractérisait bien une faute justifiant un licenciement.
Commentaires (119)
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607 mails sur 20 jours de travail ….30 mails / jour c’est énorme " />
1 mail toutes les 15 minutes (sur 35h/semaine)
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L’utilisation d’Internet à des fins personnelles sur le temps et lieu de
travail n’est généralement admise qu’à certaines conditions, et
notamment que cet usage ne soit pas abusif
trainer sur next impact c’est abusif ou pas ? ^^
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Cette position n’est guère surprenante.Surprenante, non. Débile, oui.
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Pourquoi on ne valide pas le licenciement tout en mettant une amende à l’employeur?
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C’est là que tu es content de faire partie du service info de ta boite " />
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Surtout on ne dit pas àqu’elle heure ces mails son parti. Et surtout ce qui en était rédigé. Bonnombre de personne utilise l’e-mail comme le sms d’un portable. Sa peux partirtrès vite quand on y pense.Jepense aussi qu’au bout de 9ans elle devait quand même faire son taff sinon elleaurait été lourdée avant.Enfintrès difficile d’avoir un avis objectif sur la situation tant que nous n’avonsaucun détail supplémentaire.
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“ce comportement était trop excessif”
Y a le droit d’être excessif mais pas trop " />
Curiosité : Comment il compte les emails des salariés ? Si ils utilisent un webmail (la majorité aujourd’hui), le patron fait du MITM ?
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“Sachez que si la preuve avait été recevable, le licenciement aurait pu être validé”.
Du coup le titre est un peu trompeur et un poil racoleur, parce qu’il donne l’impression que la Cour de cassation refuse le licenciement d’un salarié malgré 600 mails persos par mois. Or, c’est pas le sujet. La question portait sur la recevabilité des preuves produites par l’employeur…
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“veille technologique”. J’adore ce terme putain ! Merci de l’avoir inventé ! Ça déculpabilise tellement ! " />
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Coupable. Mais c’est pas bien d’avoir pincé l’employée. Vive la France!
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Nous les Inpactiens risquons notre travail chaque jour pour venir vous lire )))
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Voila monsieur, maintenant vous êtes obligé de réemployer cette faignasse à cause d’une virgule dans les papiers, ah et n’oubliez pas de nous laisser votre slip à la sortie.
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Il est 2 heures du matin. Je rentre chez moi à vélo, la circulation est nulle et j’emprunte un sens interdit. Dans la rue je suis témoin d’une agression. J’interviens, je reconnais l’agresseur et il prend la fuite. L’agressé est poignardé au bras mais va bien. Il souhaite porter plainte. Je peux témoigner ou pas? J’ai pris un sens interdit quand même, ça change tout :/
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Comme dans beaucoup de cas de ce genre, je me demande si ce n’est pas juste un pretexte pour virer qqn.
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La vrai question étant madame X faisait elle son travail? Etait elle aussi productive que ses collègues?
Oui licenciement abusif
Non licenciement justifié…
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Il va falloir penser, pour certains patrons, à redéfinir leur vision du travail des employés. Y a rien de plus simple : tant que l’employé rempli ses objectifs et fait ce qu’on lui demande, libre à lui de traîner sur le net quand il a du temps. C’est simple.
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Désolé mais le titre de l’article est faux et son contenu trompeur. La Cour de cassation n’a pas “invalidé le licenciement”, elle a juste dit que la cour d’appel avait fondé sa décision sur des éléments de preuve qui auraient dû être écartés du débat => la cour d’appel de renvoi (Douai) pourra très bien valider le licenciement si elle peut fonder sa décision sur d’autres éléments de preuve…
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Mais du coup, pour la seconde cour d’appel, le listing des mails n’est pas recevable comme preuve?
Vu l’histoire, elle était licenciée pour ça, donc il est baisé non?
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En effet, cette preuve ne pourra pas être utilisée pour démontrer qu’elle a fait un usage abusif des outils professionnels mis à sa disposition.
Ce qui ne veut pas dire que cela ne pourra pas être prouvé par d’autres moyens licites. Et si l’employeur ne peut pas le prouver, la cour d’Appel pourra effectivement se prononcer en faveur de Madame X.
Leynas.
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Je pense aussi que c’est culturel, les mentalités vis à vis au travail selon les pays.
Quand je vois par exemple des entreprises qui sont de véritables terroristes des horaires. Genre si tu as le malheur de partir à 17h05 au lieu de 17h10 (parce que ça fait bien de rester 10 minutes de plus à rien faire) tu passes pour le gros branleur de service alors que tu as rempli ta journée de travail… Je me dis que ce sont des mentalités d’un autre siècle qui semblent avoir du mal à changer.
J’ai connu des clients qui étaient très conciliants sur les horaires de leur personnel interne ou externe, d’autres où c’était hyper strict. J’ai eu l’occasion de travailler pour des services où on était totalement autonomes sur nos horaires de travail. On s’arrangeait entre nous en fonction des contraintes personnelles (école des gamins, habite plus loin, embouteillages de retour…) et résultat, il y avait toujours quelqu’un de présent au service et personne ne s’est jamais plaint.
Là où d’autres entreprises, c’est “telle heure, telle heure, point” et qu’on a l’impression d’être revenu à l’école parce qu’on est pris pour des gamins incapables… Alors que le boulot, il est fait.
Je pense qu’il y a souvent un très gros manque de confiance entre l’employeur et l’employé parfois, et on en arrive à des mesures extrêmes inutiles et contre productives comme celles-ci.
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Merci de ta confirmation concernant la première possibilité.
Leynas.
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