Presse en ligne : dans un marché mouvant, LeKiosk veut passer à l'illimité

Presse en ligne : dans un marché mouvant, LeKiosk veut passer à l’illimité

La danse des modèles peut commencer

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Guénaël Pépin

Publié dans

Internet

19/05/2016 7 minutes
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Presse en ligne : dans un marché mouvant, LeKiosk veut passer à l'illimité

Alors que SFR propose gratuitement les médias de son groupe à ses abonnés et que les GAFA s'intéressent de plus en plus au secteur de la presse, le français LeKiosk veut attirer des millions d'utilisateurs à lui. La méthode : un abonnement illimité, que l'entreprise tente de convaincre depuis plusieurs années.

Fin avril, SFR annonçait le lancement de SFR Presse, un service offert à certains clients qui permet d'accéder gratuitement aux médias du groupe, notamment des titres nationaux comme Libération et L'Express. Un pas important vers la convergence entre contenants et contenus, le tout étant possédé et proposé par le groupe télécom. Plus qu'une amélioration de l'offre, l'opération permet aussi à l'opérateur d'appliquer la TVA réduite de la presse sur une partie du montant de ses factures.

Avec cette annonce, SFR vante clairement une approche à la Netflix, appliquée à la presse. De quoi chambouler le petit monde des kiosques en ligne, qui proposent déjà quantité de journaux et magazines numériques via des abonnements unifiés. C'est le cas de LeKiosk, qui compte 800 000 utilisateurs mensuels et 200 000 abonnés payants, qui dépend en partie de SFR pour son activité ; le service est proposé en Extra à certains clients du FAI.

Le lancement de SFR Press n'inquiéte pa Ari Assuied, co-fondateur de LeKiosk. « Nous sommes toujours ouverts à ces initiatives. Ce n'est pas une remise en cause de notre partenariat avec SFR, ni le même produit. SFR propose un produit intégré, un nouveau modèle de distribution des médias du groupe grâce à la force de frappe de l'opérateur » nous explique-t-il.

En fait, l'offre LeKiosk de SFR perdure bien, avec une nouvelle subtilité : les médias du groupe télécom y sont offerts, comme ils le sont via SFR Presse. De toute manière, ce n'est que l'un des trois piliers commerciaux du service (avec les offres pour particuliers et entreprises), qui doivent évoluer dans les prochains mois.

Le but : pousser le marché vers un abonnement unifié et exhaustif, libéré de certaines contraintes de lecture actuelles des journaux et magazines en ligne. Un travail important, où le plus important est encore de convaincre les médias de collaborer.

Pousser les éditeurs de presse à plus de flexibilité

Aujourd'hui, LeKiosk ne voit pas l'avenir de la presse en ligne dans le paiement à l'acte. Au contraire, kiosque en ligne oblige, l'avenir doit être tracé avec des abonnements unifiés, illimités si possible. Un objectif de long terme auquel ne souscrivent pas encore les éditeurs de contenu. Actuellement, LeKiosk les rémunère via les abonnements SFR, ceux d'entreprises (offres B2B) et les particuliers.

« SFR est une formidable vitrine. Nous sommes très contents de travailler avec des équipes qui ont une forte expérience des industries de contenu. C'est aussi un partenaire rassurant pour l'ensemble de l'écosystème » résume Ari Assuied. S'il se refuse à communiquer le chiffre d'affaires de l'entreprise, fondée il y a neuf ans, il affirme qu'il a progressé de 60 % sur 2015, avec une progression similaire attendue pour 2016.

Côté utilisateur, chaque abonnement donne droit à un nombre de crédits à dépenser chaque mois. L'accès à un journal ou à un magazine (sur le web, smartphone et tablette) utilise un ou plusieurs de ces crédits. L'offre de contenu est illimitée, mais sa consommation l'est bien. Un compromis en somme, avant de trouver une formule qui ménagerait à la fois les abonnements à plein tarif de chaque média et les offres globales comme celle-ci de LeKiosk.

« On n'a pas le choix, sinon on n'avancerait pas. Cette ligne de compromis nous permet de bien nous développer. [...] Ce sont les éditeurs qui ont les clés. [...] Les éditeurs ont mis leur veto à une offre illimitée avec une exhaustivité plus forte » que SFR Presse, raconte le service. Celui-ci s'y était d'ailleurs essayé il y a sept ans, suivi par Relay, avant de rebrousser chemin devant la réticence des éditeurs.

« Le magazine en PDF est un non-sens »

S'il se dit satisfait de la santé de son entreprise, le patron de LeKiosk a quand même des regrets. Si les éditeurs comprennent bien le besoin d'évoluer, ils seraient trop frileux pour oser certains paris. « Une croissance de 60 % par an pour une start-up comme nous, c'est très bien, mais ce n'est pas de l'hypercroissance. On devrait faire 300 % de croissance tous les ans » constate-t-il.

En fait, il voudrait revoir la manière de consommer les contenus qu'il diffuse pour ne plus toucher 200 000 abonnés payants, mais des millions. « Pour moi, le magazine en PDF est un non-sens. Il faudra m'expliquer quelle est la valeur de lire un PDF sur smartphone » tonne Assuied, qui compte délinéariser les contenus. Plutôt que la course à l'audience et à la puissance, « des fondamentaux faux » qui perdurent, il faudrait donc privilégier une presse de qualité payante. Consulter LeKiosk devrait donc devenir un réflexe pour se divertir et s'informer. « C'est la mission qu'on se fixe sur les prochains mois. »

« Notre enjeu est d'être à des millions d'abonnés. Il faut donc aller plus loin en termes de marketing, avoir une offre plus simple et un produit plus élaboré que celui que l'on a. Il va nous falloir un produit différent, car le produit numérique ne doit pas être un équivalent du papier » poursuit le service. Si les éditeurs sont plus à l'écoute qu'aux débuts de la société, le dialogue peut encore être difficile. Cela d'autant que les médias ont une particularité : ce sont des contenus de flux, le fonds de catalogue a peu de valeur, contrairement à la musique ou le cinéma.

L'un des points difficiles est la multiplicité de ces acteurs, qui ont une stratégie propre et différents contenus pour différents supports ; du web gratuit au magazine payant « premium ». « Ce sont tous ces modèles qui se mélangent, avec des temporalités différentes, des prix différents. On a des accords avec 400 maisons d'éditions » sans qu'un seul acteur se démarque au-dessus des autres, malgré la presse d'une trentaine de groupes importants. Sans oublier qu'il faut recommencer ce travail pour chaque pays, les acteurs de la presse y étant différents.

LeKiosk

Un acteur indépendant qui voit l'avenir en illimité

Sur le long terme, LeKiosk compte sur plusieurs de ses qualités pour convaincre ses interlocuteurs : son indépendance et son attachement au développement des usages. L'entreprise compte 45 employés, en majorité des ingénieurs chargés de la conception du produit. Elle dit d'ailleurs ne pas voir l'arrivée de SFR ou des GAFA (via les Apple News, Facebook Instant Articles ou Google Play Kiosques) comme des menaces mais comme des opportunités, qui ouvrent le marché.

En clair, LeKiosk ne profiterait pas du statu quo. « On considère que même si aujourd'hui on va plutôt bien, on doit encore progresser et évoluer. C'est comme faire du vélo, si on arrête de pédaler, on tombe » soutient Ari Assuied. Il faut donc faire évoluer le produit, améliorer le marketing et les canaux de distribution, qui passent notamment par les opérateurs en France.

Pour les utilisateurs, LeKiosk doit devenir une marque forte, qui représente une offre illimitée pour la presse comme Spotify l'est pour la musique ou Netflix pour le cinéma et la télé. Malgré les contraintes et réticences des éditeurs de presse, « à un moment, il faut une prise de conscience sur le marché que ce n'est pas avec de vieilles recettes que cela fonctionnera. Il y a plus à y gagner à y sauter maintenant plutôt que d'attendre pendant 15 ou 20 ans. Il y a beaucoup plus de création de valeur », plaide LeKiosk.

Notre dossier sur les kiosques de presse en ligne :

Écrit par Guénaël Pépin

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Sommaire de l'article

Introduction

Pousser les éditeurs de presse à plus de flexibilité

« Le magazine en PDF est un non-sens »

Un acteur indépendant qui voit l'avenir en illimité

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (9)


Plus que le support, c’est le contenu qui fera la différence. “Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse”.



Personnellement, je lis régulièrement Next inpact et les actualités de Que Choisir sur le web, 60 Millions de Consommateurs et Canard PC Hardware sur papier (et je regarde/écoute les émissions “Tech” de RMC et de France 24 quand je peux en streaming ou sur les ondes hertziennes).


Il ya un moment où va se poser le problème du temps de cerveau disponible sérieux. Je sais bien qu’on est gavé de chômeurs et autres non salariés (je suis dans “autres” ^^), j’ai clairement pas le temps de “profiter” de tous ces divertissements. Et j’ai même pas de TV !

En plus quand on voit les prix des connexions augmenter sévère (SFR, Orange maintenant par exemple), si on ajoute à ça des options genre Netflix, Kiosk etc, ça finit par douiller et les sous tombent pas du ciel.

M’est avis que la croissance ne peut être que limitée. Après, j’ai peut-être loupé un truc…


Je ne sais pas si ces initiatives sauveront la presse traditionnelle de son inexorable déclin qualitatif, celle qui a perdue son indépendance en général (subventionnée) (sauf PC Inpact, mon seul abonnement « presse ») ou qui ne propose maintenant que du superficiel dispensable et du jetable. Pareil pour TV et radio.




« Pour moi, le magazine en PDF est un non-sens. Il faudra m’expliquer quelle est la valeur de lire un PDF sur smartphone » tonne Assuied, qui compte délinéariser les contenus.





Le principe d’un magazine c’est justement la ligne… qu’elle soit directrice, rédactionnelle ou éditoriale.



Vouloir “délinéariser” les contenus, c’est vouloir créer des articles “hors-sol” et indépendants de tout contexte. Et comme il faut bien accéder à ces articles, ca implique d’y adjoindre des metadata pour pouvoir les présenter aux visiteurs (par thème, par tendance, par nombre de vues…). C’est donc la mort du principe de magazine et la glorification des agrégateurs de news façon Google News, Facebook, …


Cela correspond aussi à une consommation de fait. Tu peux avoir ta ligne éditoriale, ta communauté, ton site, tes comptes… in fine, l’utilisateur qui picore via RSS ou les réseaux sociaux, il existe ;) à toi de savoir le retenir et lui donner envie de revenir chez toi plus qu’ailleurs <img data-src=" />








jul a écrit :



Il ya un moment où va se poser le problème du temps de cerveau disponible sérieux. Je sais bien qu’on est gavé de chômeurs et autres non salariés (je suis dans “autres” ^^), j’ai clairement pas le temps de “profiter” de tous ces divertissements. Et j’ai même pas de TV !

En plus quand on voit les prix des connexions augmenter sévère (SFR, Orange maintenant par exemple), si on ajoute à ça des options genre Netflix, Kiosk etc, ça finit par douiller et les sous tombent pas du ciel.

M’est avis que la croissance ne peut être que limitée. Après, j’ai peut-être loupé un truc…







+1

là est une bonne partie du problème, je suis abo Nxi et Arret sur Image, bah heureusement que Nxi n’est pas bloqué au taf sinon je n’aurais pas le temps de lire ces 2 médias…..



Hum… A lire la news, je n’ai pas compris qu’ils voulaient proposer des “échantillons” qui permettraient au visiteur de tester un “ligne éditoriale” avant de s’abonner à un magazine.



J’ai plutôt dans l’idée qu’ils veulent la fin du format magazine et la production d’articles à l’unité. De même que les plateformes de musiques ne s’intéressent pas vraiment au format album et préfèrent la vente de morceaux à l’unité.


Pour autant l’album reste un format plus que courant ;) Après je suis d’accord sur le fond de ce qui doit être produit et comme il doit l’être. Pour autant, je pense que ceux qui estiment que l’avenir est dans le fait de continuer à imposer la vente d’un journal complet plutôt qu’une portion à celui qui veut découvrir à travers un article, à l’heure du numérique… n’ont rien compris à l’usage et à la technologie (qui sont les deux éléments contre lesquels il ne faut jamais chercher à lutter, mais plutôt qu’il faut chercher à accompagner).