En trois semaines, le projet The DAO est parvenu à lever, via un système de financement participatif basé sur une crypto-monnaie, plus de 150 millions de dollars. L'objectif derrière cette initiative est de créer l'une des premières entreprises au monde pilotée en utilisant une blockchain.
Au début du mois de mai, une étrange campagne de financement participatif a pris forme. Elle a pour but de financer « The DAO » une sorte d'entreprise n'existant que sur une blockchain, en l'occurrence, celle d'Ethereum. Il s'agit d'une crypto-monnaie qui a connu un essor rapide ces derniers mois, grâce à la capacité qu'a sa chaine de blocs d'exécuter des « smart contracts », un dispositif d'exécution automatisée de contrats qui intéresse fortement les banques et les compagnies d'assurance.
Une DAO, qu'est-ce que c'est ?
Avant d'aller plus loin concernant The DAO, il faut d'abord définir ce qu'est une DAO (Decentralized Autonomous Organization). Il s'agit d'une forme d'entreprise se voulant complètement autonome et décentralisée. Une DAO n'a aucune forme juridique, ni même de réalité physique, elle n'existe que par sa présence dans une blockchain. Selon le principe même de la blockchain, ses comptes sont donc totalement transparents, tout comme les échanges entre ses participants.
Une DAO ne peut pas employer de salariés, ni même acheter de biens, elle doit donc impérativement faire appel à des fournisseurs extérieurs pour remplir ses activités. Pour reprendre une formule utilisée par le site Ethereum-France « il s’agit d’une sorte de conseil d’administration doté d’un pouvoir de décision et d’un pouvoir financier. La DAO décide à la majorité de la façon d’allouer ses fonds et des prestataires qu’elle recrute. Elle peut décider d’arrêter de travailler avec un prestataire et d’en recruter un autre. Elle garde toujours le contrôle des fonds qu’elle possède en ethers et qui sont dans la blockchain. »
Pour prendre part à une DAO, il faut avoir investi dedans en achetant des jetons qui fonctionnent grosso-modo comme les actions d'une entreprise. Chaque jeton peut représenter un ou plusieurs droit(s) de vote et leurs propriétaires peuvent influencer les décisions de la DAO dans la mesure du nombre de voix qu'il peut exercer. Les propositions, les votes de chacun et les conditions de leur mise en œuvre sont systématiquement inscrites dans la blockchain.
La DAO peut sceller des smart contracts avec ses prestataires, qui seront donc exécutés automatiquement une fois les conditions prévues remplies. Les revenus tirés des activités de la DAO peuvent ensuite être redistribués à ses membres, ou autrement dit à ses actionnaires, sous forme de dividendes.
150 millions de dollars en trois semaines
The DAO est donc l'un des premiers projets concrets de DAO, et il est en train de voir le jour en ce moment même, grâce à une importante campagne de financement participatif. Cette campagne est menée très différemment de celles que l'on connait sur Kickstarter, Indiegogo, KissKissBankBank ou Ulule.
En effet, les versements ne peuvent se faire qu'en ether, une crypto-monnaie liée à la blockchain Ethereum, et chacun d'entre eux permet d'obtenir des parts dans la DAO à un tarif déterminé à l'avance. En trois semaines, 11,1 millions d'ethers, soit environ 150 millions de dollars, ont ainsi été récoltés. Une somme importante qui devrait encore grossir, la campagne s'étalant encore sur neuf jours.
Pour l'heure, les objectifs de The DAO ne sont pas encore connus. Seule certitude, il s'agira d'une structure à but lucratif, mais son champ d'action dépendra des décisions prises par ses actionnaires. Deux projets tiennent pour l'instant la corde, l'un visant à créer un réseau blockchain dédié à l'internet des objets et l'autre pour le développement de véhicules électriques modulaires. Il sera intéressant de voir dans quelle direction ils s'orientent et si une telle structure peut ainsi prospérer, ce qui ouvrirait certainement la voie à d'autres initiatives.
Un minimum de sécurité
Il est à noter que The DAO s'est quand même dotée de quelques filets de sécurité afin d'empêcher qu'un actionnaire disposant de 51 % du capital ne puisse voter une résolution lui permettant de partir avec tout le magot. Cela passe néanmoins par une petite once de centralisation.
Plusieurs curateurs font partie du projet. Ces dix personnes, des figures dans le développement d'Ethereum, seront les seules capables d'ajouter des adresses dans la liste blanche des entités à qui The DAO peut envoyer des fonds. Ils peuvent donc interdire n'importe quelle transaction si celle-ci va à l'encontre des intérêts de la structure. Ils ont également la possibilité de vérifier l'intégrité du code source d'un smart contract, et de s'assurer que les propositions proviennent bien d'une personne ou d'une organisation identifiable.
Les curateurs n'ont par contre pas vocation à évaluer l'intérêt d'un projet, ni à auditer le code d'un contrat, ni à prendre la moindre responsabilité concernant une proposition. Néanmoins, un curateur peut être remplacé à tout moment par la communauté par vote. En cas de désaccord franc, The DAO pourra être scindée en plusieurs parties, comme une entreprise classique. Les revenus des contrats passés avant la séparation seront alors séparés entre les différentes entités, tandis que ceux effectués ensuite reviendront à chacune des structures.
La question de la fiscalité
Si ce genre de structures devait prospérer, les autorités gouvernementales auraient un gros problème à résoudre. Elles seraient en effet en face d'entreprises n'ayant aucune existence juridique, capables de générer des bénéfices, et sans aucune racine territoriale. Comment dans ce cas déterminer à quels pays doit-elle régler ses impôts, et selon quelle méthode de calcul ?
Un casse-tête d'une grande complexité qui risque d'occuper les États du monde entier pendant quelques temps, si ce modèle devait s'étendre.
Commentaires (43)
#1
Excellent. Le monde est en train de se boulversifier.
Quand tu penses que notre ex-président ne connais pas le bon coin, t’imagine ces trucs là… Après avoir mis en place le contournement de la monnaie qu’on connais avec le bitcoin, le contournement des contrats de travail avec l’ubérisation, le contournement de l’entreprise est en cours.
C’est passionnant et terrifiant à la fois. Comme ta première fois au pieux, mais finalement à la longue on maîtrise (ou presque… ou normalement… haem…)
#2
Ça me faisait plutôt penser à un genre de Twitch plays capitalism " />
#3
Comme quoi, suffit d’un buzzword pour lever des millions " />
D’ailleurs, je me demande combien je peux lever avec une entreprise sur les buzzwords…
#4
Il est à noter que The DAO s’est quand même dotée de quelques filets de sécurité afin d’empêcher qu’un actionnaire disposant de 51 % du capital ne puisse voter une résolution lui permettant de partir avec tout le magot. Cela passe néanmoins par une petite once de centralisation.
La limite du “rêve libertarien” commence lorsqu’on crée un “Soviet suprême”.
#5
Il reste plus qu’à le passer en mode Anarchy…." />
#6
mouais je sens que ça va vite être récupérer par des boites qui veulent faire de la tune sans payer d’impôts
#7
#8
Si quelqu’un peut m’expliquer l’intérêt de chacune des parties (fondateurs, actionnaires, clients) à préférer cette organisation vs une structure classique (à part les impôts )avec des exemples imaginaires mais concrets je suis preneuse. Je comprends correctement le principe des blockchains mais j’ai du mal dès qu’on sort des exemples classiques (hors monnaie) du type cadastre décentralisé.
#9
Dans la pratique : en quoi c’est mieux que l’existant ? A première vue, je ne vois pas. Une entreprise qui n’est qu’un bureau d’études et qui commande toute sa prod à des sous-traitants, c’est pas une nouveauté.
Après, la transparence de la compta, mouais… On peut faire dire ce qu’on veut à une compta, je sais de quoi je parle, ça fait partie de mon métier de le détecter.
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#11
Quoi qu’il arrive, ce sera intéressant :)
cf. https://www.reddit.com/r/TheDao/comments/4jsks1/dao_attack_1_a_vote_no_is_a_vote…
/me sort le popcorn " />
#12
Il y a des passerelles prévues avec le “monde réel”. Tout n’est pas parfait mais il y a un vrai effort.
Voir notamment l’article que j’ai rédigé sur DAO.LINK : https://www.ethereum-france.com/dao-link-permet-a-des-entreprises-de-contracter-…
Et sur la DAO : https://www.ethereum-france.com/deploiement-du-projet-the-dao-mere-de-toutes-les…
#13
DAO c’est, au choix :
Il faut donc ajouté organisation autonome décentralisée en plus " />
@disto merci pour les liens ! " />
#14
#15
#16
“Comment dans ce cas déterminer à quels pays doit-elle régler ses impôts, et selon quelle méthode de calcul ?”
C’est facile, c’est là où est fait le profit (localisation des clients).
#17
Donc si j’ai bien suivi, une société plus ou moins virtuelle a procédé à une levée de fonds dans une monnaie spécifique, conduisant à une montée artificielle du cours de cette dernière (x 13).
Vivement dans 10 jours que curieusement le cours tombe parce que d’un seul coup quelqu’un va vendre une grosse quantité de la dite monnaie. Au moins ce serait une escroquerie très bien organisée, Dodgecoin devrait en prendre de la graine, lui qui n’arrive pas à faire décoller son cours. Il y a un moyen de faire là.
Oui je n’aime pas les *coins " />
#18
Et les impôts, calculés avec quelle monnaie? Il faut déjà reconnaitre cette monnaie comme viable dans le pays où on veut les taxer.
#19
Ou t’as pas tout lu, ou t’as pas tout compris.
#20
Acronymes…
DAO pour moi c’est un logiciel comme AutoCAD. Comme quoi le contexte, la culture toussatoussa
:)
#21
Là je tiens un projet : créer une bourse basée sur une blockchain pour pouvoir s’échanger des “jetons” de DAO basé sur blockchain. Evidemment tout serait basé sur une crypto-monnaie à blockchain avec un forex-blockchain pour passer d’une monnaie à une autre !
Pour participer, envoyer vos dons à [email protected]
" />
#22
Too late :) :https://etherex.org/faq
#23
damned :(
#24
J’ai pas compris.
C’est une entreprise virtuelle qui n’emploie personne et ne fait rien.
Du quoi c’est quoi l’intérêt ?
Parce que si chacun achète sa part, ça ressemble quand même à des actions.
Sauf que là c’est assumé que l’entreprise ne sert à rien…
#25
Ce n’est pas vraiment une entreprise mais plus un fond communautaire avec un conseil d’administration géant.
#26
#27
A mon avis peu de chances de voir ce modèle devenir pérenne : les relations de travail, c’est avant tout beaucoup de contacts humains et d’échanges rapides et fluides.
Avec un mode décisionnel oui/non, peu de chances de voir des projets complexes aboutir et être rentables…
#28
The DAO ne réalise pas les projets, elle les finance. La différence est de taille :).
La décision à prendre est : finance-on ce projet dans ces conditions ? Oui/Non est ici adapté.
#29
Ethereum est une technologie vraiment incroyable, je recommence à ceux qui ne connaissent pas de s’y intéresser.
https://ethereum.org/
#30
Je voterai certainement Oui à Ledger… j’ai quelques parts dans “The DAO” et votre projet me semble fiable….
Par contre les ricains vous font pas de cadeaux….
https://forum.daohub.org/t/ledger-proposal-for-the-dao-1-ethereum-hardware-walle…
#31
Ils ont déjà bascule sur le système de preuve par participation chez Ethereum ?
#32
Non, je ne peux pas t’expliquer les détails de “The DAO”… mais par contre des exemples “concrets” d’applications basés sur Ethereum, et qui sont pour la plupart basés sur des DAO… ça oui, il en existe plein… (j’aime bien Ujo music…)
http://dapps.ethercasts.com/
A mon humble avis tu ne comprendras pas l’intéret de “The DAO” si tu ne comprends pas l’intérêt de Ethereum (Turing complete, scalabilité..) et les lacunes du Bitcoin (problèmes de gouvernances, relatives lenteurs des transactions, monnaie pas réellement programmable…).
#33
Hello,
Quel est le point commun entre tous les gens qui apprécient les Bitcoins (ou Ethereum) d’une part et d’autre part le point commun entre tous ceux qui critiquent et ne trouvent aucun intérêt aux crypto-monnaies?
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Il suffit d’un prête nom dans un paradis fiscal.
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#39
Si car les bénefs sont localisés dans le paradis fiscal, sans aucune attache physique autre, toute tentative de recouvrement sera sans suite.
Ce ne sera plus une délocalisation fiscale, mais une localisation simple.
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Oops désolé, j’avais pas vu ta réponse !
Merci beaucoup " />
Il y a quelques utilisateurs qui sont contre, mais globalement on est plutôt bien accueillis :)
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#43
Merci beaucoup, ils sont super clairs ces articles :)
(et merci à tous ceux qui m’ont répondu)
Ce n’est pas nouveau mais je n’arrive pas à m’habituer à cette manière de faire de beaucoup de startups en général et de celles qui s’appuient sur la blockchain en particulier de se lancer malgré de gros vides juridiques. Outre l’aspect éthique je parle de l’absence totale de visibilité pour la structure que cela implique qui me paraît dingue.
Et puis tous mes repères sont chamboulés : par exemple Arcade City annonce que son application sera disponible en juin en France : ça fait 1⁄2 phrase et même pas le titre dans un seul article dans la presse grand public. Du coup je me penche un peu sur cette boîte : visiblement elle est “testée” déjà pas mal dans une relative discrétion sans que personne ne proteste plus que ça, je comprends pas pourquoi (d’un point de vue logique). Je lis des itw très récentes où les mecs semblent dire que sur le plan juridique mais aussi du sous-bassement technique c’est total immature ce que l’article en question ne précisait pas. Pourquoi ?
Quand t’y connais rien comme moi t’as un peu l’impression que la frontière entre mode agile et mode YOLO elle se déplace toujours plus vers le pied de l’arc en ciel