La mise en Open Data des « données essentielles » des marchés publics attendra 2018

La mise en Open Data des « données essentielles » des marchés publics attendra 2018

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Xavier Berne

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Droit

20/04/2016 6 minutes
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La mise en Open Data des « données essentielles » des marchés publics attendra 2018

Le gouvernement a publié fin mars le décret d’application de l'ordonnance relative aux marchés publics. Un dispositif ambitieux était prévu afin d’assurer la mise en Open Data des « données essentielles » de tous les contrats conclus par les acteurs publics, mais son entrée en vigueur ne sera finalement effective qu’en octobre 2018.

Savoir quel acteur public a acheté quoi, à qui, et surtout à quel prix... Voilà autant de questions que peut légitimement se poser le citoyen aujourd’hui, mais auxquelles il est bien souvent très difficile – sinon impossible – d’obtenir une réponse. Et pour cause, il existe différents sites officiels, des procédures et contraintes de transparence variables en fonction du montant des marchés en question, etc.

Au travers d’une ordonnance parue en juillet 2015, le gouvernement a cependant suivi les recommandations de la Haute Autorité pour la transparence en engageant une réforme d’ampleur sur ce terrain. Ce texte oblige en effet les acheteurs publics à rendre progressivement « accessibles sous un format ouvert et librement réutilisable » les « données essentielles » de tous les marchés publics qu'ils signent.

De telles dispositions, conformes aux principes de l’Open Data, sont censées garantir une réexploitation optimale de ces informations, tant sur le plan technique que juridique. N’importe qui devrait ainsi y avoir accès, être autorisé à s’en saisir pour proposer un moteur de recherche, etc.

Une entrée en vigueur au 1er octobre 2018 « au plus tard »

Mais qu’est-ce qu’une « donnée essentielle » d'un marché public ? Son montant ? Sa durée ? L’ordonnance restait malheureusement muette sur ce point, renvoyant au pouvoir réglementaire – et donc au gouvernement – le soin de préciser l’important périmètre de ces dispositions. Après consultation publique, l'exécutif a publié au Journal officiel du dimanche 27 mars le décret venant préciser ce dispositif (à son article 107).

Sont notamment considérées comme des « données essentielles » les informations relatives à :

  • La nature, l'objet et la durée d’un marché public.
  • Le montant et les « principales conditions financières » d’un marché public.
  • L'identification du titulaire.
  • Le lieu principal d'exécution des services ou travaux.
  • La procédure de passation utilisée.
  • La date de signature du marché public par l'acheteur.
  • Les éventuelles modifications.

Mais comme bien souvent, le diable se cache dans les détails... Premier bémol : le décret prévoit que cette nouvelle obligation ne vaudra formellement qu’à compter du 1er octobre 2018, soit dans plus de deux ans. Chaque acheteur public devra alors proposer « sur son profil d'acheteur » un « accès libre, direct et complet » aux données essentielles de tous ses marchés publics, « au plus tard deux mois » après la date de notification des contrats en question.

Deuxième bémol : le périmètre des « données essentielles » des marchés publics de défense et de sécurité (armes, etc.) fait l’objet d’un traitement particulier. Les obligations d'ouverture et de transparence ne porteront dans ces cas de figure que sur le nom de l'acheteur, la nature et l'objet du marché, ainsi que sur la procédure de passation utilisée. Exit donc le montant ou l’identification du prestataire retenu, entre autres.

« L’article 107 portant sur les données essentielles concerne tous les acheteurs, donc tous les marchés, sans condition de seuil, nous résume-t-on à Bercy. Le décret marché public s’applique donc à tout marché public à l’exception des marchés de défense ou de sécurité. »

Un risque d'éparpillement des données

Si la disparition de toute condition de seuil fait figure de véritable avancée, l’éparpillement des données risque de continuer de donner du fil à retordre aux citoyens comme aux professionnels qui voudraient effectuer des comparaisons ou des croisements...

Le problème de ce dispositif, c’est effectivement que les informations vont être compliquées à regrouper, les acteurs publics étant simplement tenus de les diffuser sur leur profil acheteur, individuel. Imaginez le travail rien que pour les près de 36 000 communes que compte la France !

Format pivot de données et « moissonnage inversé »

La Direction interministérielle au numérique (DINSIC) a peut-être une solution à ce problème. « Nous travaillons à l'élaboration d'un référentiel national de données de marchés publics, format pivot de données standardisées qui devrait être annexé à l'arrêté d'application de l'article 107 du décret. Ce référentiel reprend l'ensemble des informations listées dans le décret. Standardiser le format des données facilitera ainsi leur mise à disposition en Open Data dans un format exploitable et facilement réutilisable. La collecte des données au sein des logiciels métiers et des profils d’acheteurs sera d'autre part plus aisée pour les éditeurs qui contribuent activement aux travaux engagés » nous explique-t-on, en référence aux éditeurs de logiciels de gestion comptable et financière.

En complément, l'institution planche sur les « modalités de fédération et de distribution de ces données de référence via data.gouv.fr, le portail national d’Open Data ». Une sorte d'API de « moissonnage inversé » pourrait ainsi voir le jour, afin qu'il soit possible de faire des recherches uniquement sur les montants, les donneurs d'ordre, effectuer des croisements de données... mais au niveau national.

La prudence de Regards Citoyens

Contactée, l’association Regards Citoyens nous explique par la voix de Christophe Boutet qu’elle sera « particulièrement vigilante quant à la mise en oeuvre de ce dispositif. Ça représente tout de même plusieurs dizaines de milliers d’administrations, donc ça ne risque pas de prendre effet du jour au lendemain... »

À Bercy, on rappelle d’ailleurs que « la dématérialisation complète des procédures de passation des marchés publics ne s’appliquera qu’à compter du 1er avril 2017 pour les centrales d’achat et du 1er octobre 2018 pour les autres acheteurs ». La région Bretagne serait déjà dans les starting-blocks afin de devenir un « territoire pilote » pour la publication des données essentielles de ses acheteurs publics. Ensuite, dans le cadre du projet DcANT du SGMAP, 15 collectivités préfiguratrices pourraient entrer dans la danse, avant que l’ensemble des administrations ne soit contraint de suivre le mouvement.

dcant collectivités
Crédits : SGMAP

L’association Regards Citoyens estime néanmoins qu’il aurait été beaucoup plus simple que Bercy diffuse son méga-fichier qui comptabilise au fil de l’eau l’ensemble des dépenses de l’État et des collectivités territoriales.

Pour ceux que ça intéresserait, sachez qu’un « BarCamp » dédié à la transparence de la commande publique est organisé par le SGMAP à Rennes le 9 mai prochain (voir ici). La feuille de route de ce projet devrait y être dévoilée dans de plus amples détails.

Écrit par Xavier Berne

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Sommaire de l'article

Introduction

Une entrée en vigueur au 1er octobre 2018 « au plus tard »

Un risque d'éparpillement des données

Format pivot de données et « moissonnage inversé »

La prudence de Regards Citoyens

Le brief de ce matin n'est pas encore là

Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

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Commentaires (2)


La recette de la transparence façon gouvernementale : pas trop et pas trop vite. Il ne faudrait pas qu’on diffuse à tort et à travers les chiffres des dépenses injustifiées de l’argent volé aux contribuables, cela pourrait être mal interprété.



Et puis n’oublions pas qu’à l’approche de la grande fiesta quinquennale, toute notre valeureuse technostructure politique et administrative stoppe comme un seul homme toute son agitation habituelle pour s’occuper de préparer l’avenir de la nation, c’est à dire le sien : nouvelles taxes et nouveaux barèmes d’impositions en priorité (et en hausse). Tout le reste n’est que peccadilles.


A priori ça va se faire quand même.

S’il y avait vraiment envie de noyer le poisson il n’y aurait même pas de date loin, rien n’oblige personne sur ce sujet à part la “technostructure” elle même (paradoxal?).



Et sinon l’interprétation de ce qui en ressortira risque de ne pas changer grand chose tant la plupart des coûts des administrations sont des couts de personnel, pas d’investissement.